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Un nouveau lieu de confinement pour les femmes SDF

18 novembre 2020
par  Annabelle Duaut
( Presse écrite , Le virus de la solidarité )

Après avoir passé 4 mois à l’auberge Jes Sleep Inn de Molenbeek à accueillir en majorité des femmes sans-abris, Doucheflux et les Gastrosophes viennent tout juste de trouver une nouvelle adresse à Forest pour leur éviter le retour à la rue. Bilan des quatre mois d’accueil social qui viennent de s’achever et présentation de ce nouveau « cocon » fraîchement trouvé.

In extremis. Le terme définit bien la manière dont l’ASBL Doucheflux (1) a trouvé un nouveau lieu de vie à Bruxelles pour la douzaine de femmes que l’association accompagne depuis le 10 avril dernier. « Après quatre mois d’occupation de l’auberge de jeunesse molenbeekoise Jes Sleep Inn, nous devions trouver un nouvel endroit de qualité pour les femmes âgées de 24 à 71 ans que nous accompagnons », indique Jérôme Guiot, coordinateur du projet. Depuis le 9 septembre, c’est désormais chose faite puisque le petit groupe est dorénavant installé dans un hôtel de Forest, situé à deux pas de la gare du Midi. Le but : profiter de la crise liée au covid-19 pour mener un travail social de qualité avec des personnes vivant dans la rue (ici des femmes et deux couples). « Dès le départ, nous souhaitions encadrer ces personnes à une échelle raisonnable, pour nous permettre en tant que salariés et bénévoles de garder un contact humain avec elles, de mener un travail de fond pour viser le zéro retour à la rue », poursuit celui qui était encore maraudeur bénévole il y a quelques mois au sein de l’association.

Le 10 avril dernier, date de début du projet, la Belgique est en plein confinement. « Mais le terme de confinement n’a aucun sens quand on vit dans la rue », souligne très justement Jérôme. « Il a donc fallu trouver un hébergement d’urgence pour accueillir ces personnes-là. L’auberge de jeunesse Jes Sleep Inn nous a accueillis à bras ouverts et la cohabitation, que ce soit avec l’équipe sur place ou par moments avec certains clients, s’est très bien passée. » Pendant quatre mois, les femme SDF – et certains hommes - ont pu bénéficier d’une chambre particulière avec sanitaires, de quoi leur permettre de se reposer et de renouer avec une certaine autonomie et intimité. « Cela peut prendre plusieurs semaines de se réacclimater à une vie ‘normale’ quand on vient de la rue où il y a du bruit et où l’on est sur le qui-vive, dans l’insécurité, en permanence », avance Jérôme. Outre cette réadaptation, le petit groupe a dû également réapprendre à vivre en communauté, avec notamment des heures de repas à respecter, « ce qui n’est pas toujours aisé mais qui représente un challenge positif à relever », conclut notre interlocuteur.

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Des moments dédiés à la culture

Une parenthèse salutaire qui permet également de remettre en ordre le dossier de chaque femme, que ce soit en ce qui concerne les documents de nationalité, la mutuelle, la pension, la gestion de dettes, la recherche de logement, etc. « Aucune ne possède le même profil ou cas de figure que sa voisine », précise Jérôme. Un travail de fond assuré par l’assistance sociale de Doucheflux, lors de deux visites hebdomadaires. En outre, un partenariat avec les Gastrosophes – une ASBL qui s’occupe de récupérer et reconditionner les invendus des magasins bios à Bruxelles – permet de fournir des repas savoureux à ce petit noyau de femmes, toujours dans l’optique de leur donner l’occasion de « renouer avec une certaine qualité de vie ». Malgré le confinement et les restrictions sanitaires en vigueur jusqu’au mois de juin, les bénéficiaires du projet ont pu participer à toute une série d’activités, comme des cours de yoga, des visites au musée, des balades en vélo, des ateliers artistiques ainsi que des petits concerts organisés à l’auberge de jeunesse. Des temps ludiques et légers qui ont permis de créer du lien et de donner naissance à de belles affinités.

Ce déménagement dans un hôtel forestois, Jérôme Guiot le perçoit comme un renouveau, « une sorte de second souffle » suite à de nombreuses prises de contact et sollicitations d’élus ainsi que d’établissements hôteliers. « C’est finalement la commune de Molenbeek qui nous a mis en contact avec cet hôtel qui avait par le passé déjà accueilli des femmes victimes de violences conjugales », développe le coordinateur. Pour le moment, le projet de Doucheflux est financé par la Cocom (2) jusque fin décembre, mais Jérôme imagine « qu’on ne va pas nous mettre à la rue au 1er janvier, en plein hiver. » Le coordinateur estime de ce fait que le projet courra minimum jusqu’au printemps. « Symboliquement, chez Doucheflux, on espère toujours arrêter nos services le plus vite possible, que les gens n’aient plus besoin de nous parce qu’ont les a aidés à revenir à une vie normale. Mais ça ne sera malheureusement pas le cas car il y a une vraie pénurie de logements sociaux à Bruxelles, alors qu’il y a d’énormes locaux vides un peu partout. Pour lutter contre le sans-abrisme de manière structurelle, il faut une vraie volonté politique ».

1. Doucheflux permet entre autres aux personnes précarisées, via un centre de jour et une camionnette, de se doucher et de laver leurs vêtements.
2. Commission Communautaire commune.

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