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Un humour clinique

15 juillet 2021
par  Bernard Roisin
( Presse écrite , Le virus de l’art )

Ancien étudiant en médecine, Plantu a voulu dès le début de la pandémie marqué sa gratitude envers les soignants, s’attelant à un véritable tour de France des hôpitaux et Ehpads. Plutôt que de les applaudir, le dessinateur a préféré les dessiner... au balcon !

Le dessin peut être provocant, mais ne doit-il pas être drôle avant tout ?

Le dessin est une image qui peut être drôle, dérangeante, insolente, énervante, soulageante, etc. si en plus l’image est belle et drôle, c’est encore mieux. Elle peut faire rire des personnes qui ont une proximité de cultures. Mais y a aussi aujourd’hui des personnes qui ne savent pas ce qu’est l’ironie ou le second degré. Guy Bedos disait que le sérieux était en train d’envahir nos libertés : « Le sérieux, c’est le cholestérol de l’imaginaire ».

La polémique sur le dessin de Gorce a-t-elle hâtée votre retraite, même si vous venez de fêter vos septante ans ?

Cela faisait plus de 10 ans que je souhaite être remplacé par un jeune. Et le directeur du journal Le Monde a dit qu’il était OK pour qu’on mettre à ma place des dessinateurs de Cartooning For Peace. Le lundi il y aura un Algérien, le mardi une Russe, le mercredi une Soudanaise, etc. J’ai annoncé mon départ l’année dernière sur TV5 et RTL. Et le départ du Monde de Xavier Gorce, dessinateur de talent que je soutiens est arrivé beaucoup plus tard. Donc, rien à voir.

Cela dit, son dessin est génial C’est ça le rôle du dessinateur : flirter avec la ligne rouge et quelques fois la dépasser dans un univers culturel qui permet certains dérapages ; pourvu que ces dérapages soient contrôlés.

Le crayon est-il un bon thermomètre ?

Quand je cherche lequel de mes feutres lequel de mes crayons je vais utiliser, je farfouille avec mes doigts dans les mugs remplis de feutres et ça me rappelle les gestes du dentiste quand il cherche un de ses outils avant d’attaquer la dent.

Comme les soignants vous soignez avec la main ?

La main est très importante. Elle prolonge ce que j’ai dans la tête elle tient le feutre ou le crayon ; elle écoute ce que je dis et quelques fois elle me désobéit, car la page de papier me propose autre chose comme une ordonnance de médecin qui proposerait d’autres directives. Il y a une chanson de Joséphine Becker qui dit « le cœur ignore quelques fois ce que la main dessine »

Un bon dessin vaut mieux qu’un beau discours, mais pour les soignants, les vôtres sont un « discoeur » ?

Vous n’avez peur de rien ! Vous pourriez être caricaturiste. Bienvenue au club ! (il rit) J’ai beaucoup de tendresse pour les soignants. Je parcours en ce moment la France dans tous les sens et je rends hommage aux personnels hospitaliers.

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© CHU Dijon

Votre tour des CHU et des Ehpad, c’est un peu les pictos du cœur on tour. Vos dessins soulagent-ils les... soignants ?

En tout cas, j’espère que mes dessins leur font du bien. Il y avait un moment où les soignants se faisaient applaudir à 20h, et le matin ils recevaient des croissants pour le petit déjeuner et puis des coiffeurs venaient gratuitement s’occuper des infirmières. Ce temps est un peu passé, mais j’imagine que mes dessins leur disent que beaucoup de citoyens les remercient et pensent à eux.

PS : c’est drôle, à chaque fois que je dicte les réponses à vos questions sur mon iPhone, quand mon portable entend « mes dessins » il écrit « médecin » ...

Le rire est un virus tout aussi contagieux ?

Le rire permet souvent de faire passer des choses malgré le tragique de certaines situations.

Le dessin c’est aussi l’art de gai-rire ?

J’adore mon métier de dessinateur, mais j’ai une tendresse particulière pour les artistes qui font des spectacles. Comme Laspales et Chevallier, ils me font du bien. Eux non plus ne se prennent pas au sérieux. Peut-être sont-ils un peu belges ?

Qu’est-ce que cela représente pour vous que d’être membre de l’académie royale de Belgique ?

Oh ! Ça m’a fait plaisir, car j’aime tellement la Belgique. Je me sens chez moi et je trouve que les Belges ont beaucoup à nous apprendre nous Français. Ils ne se prennent pas au sérieux et ils sont légèrement surréalistes et mes copains les dessinateurs Kroll, Cécile Bertrand, Marec, Nicolas Vadot, Geluck, Lectrr et Cost sont totalement déjantés comme j’aime. J’ai beaucoup à apprendre en regardant leurs dessins.

Vous faites du volontariat en hôpital quelque part ?

J’ai été deux ans étudiant en médecine et j’ai même fait un stage dans un hôpital en Autriche. Et je faisais des piqûres intraveineuses. Les pauvres… La musique en tout cas est un remède peut-être plus puissant que bien des médicaments.

Le confinement en tant que dessinateur vous connaissez....

Cette crise sanitaire me donne beaucoup de temps et j’en profite pour faire de la peinture : avec mon ami le photographe Réza je fais des mariages entre ses photos et mes dessins. J’ajoute un peu de peinture à l’huile dans mon goutte-à-goutte qui me permet de soigner ma maladie : la passion de la création…

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