Un amour de chauve-souris
La chauve-souris est un animal méconnu et mal-aimé. Elle est pourtant indispensable à notre écosystème.
“Chuuut ! La visite guidée se fera en silence.” Les enfants se taisent rapidement, les adultes sont un peu moins obéissants. Cet après-midi, dans la grotte de Comblain-au-Pont, tous partent à la rencontre des chauves-souris… Ce petit animal a mauvaise réputation. On raconte qu’il s’accroche aux cheveux des filles et se nourrit de sang frais. Jadis on le clouait aux portes jusqu’à ce que mort s’ensuive pour éloigner sorcières et vampires. Aujourd’hui, on l’accuse (à tort) de nous transmettre le covid… Et pourtant, les spécialistes sont unanimes : les chauves-souris ne sont pas un danger, elles sont en danger !
Un mammifère volant
Le saviez-vous ? La chauve-souris est le seul et unique mammifère volant de la planète. En cette saison, alors que l’été se termine, on aperçoit les chauves-souris au-dessus de nos jardins dès la nuit tombée. Elles chassent les insectes pour se nourrir. Durant tout l’automne, elles vont ainsi se constituer une réserve de graisse. De quoi tenir tout l’hiver sans manger. Car les chauves-souris hibernent. Elles se trouvent un endroit calme, frais et humide (grotte, souterrain, carrière, ruine), s’accrochent la tête en bas pour échapper aux prédateurs, mettent tous leurs paramètres au ralenti (respiration, rythme cardiaque, température) et attendent tranquillement le printemps. À la belle saison, toute la colonie quitte le lieu d’hibernation. Les mâles vivent alors en solitaire pendant que les femelles se réunissent en colonies de maternité. Elles choisissent un clocher ou un grenier pour donner naissance à leur petit et l’allaiter jusqu’à l’été.
Pipistrelle ou barbastelle
Sur le bon millier d’espèces de chauves-souris répertoriées à travers le monde, 24 ont été observées en Belgique. La plus connue est la pipistrelle. Mais avez-vous déjà entendu parler de la sérotine, du grand murin ou de l’oreillard roux ? Ils se font de plus en plus rares. Au vu des comptages menés en Wallonie, la moitié des espèces a disparu au cours des 50 dernières années. Et les autres sont menacées… L’environnement ne leur est plus favorable. Depuis l’utilisation massive de pesticides, les populations d’insectes ont considérablement diminué. Les ressources alimentaires de la chauve-souris sont donc en baisse. La pollution lumineuse y contribue également. Prenez la barbastelle d’Europe, que l’on observait régulièrement jusque dans les années 70. Aujourd’hui, on n’en trouve plus qu’au sud de la province de Luxembourg. Pourquoi ? Parce que la barbastelle se régalait de papillons de nuit, et que les papillons de nuit ont peu à peu disparu avec l’éclairage public.
Le piège du faux printemps
Autre espèce en régression : le petit rhinolophe. Il n’en reste aujourd’hui que trois colonies en Wallonie : à Modave, Orval et Revogne. Cette chauve-souris a carrément disparu de Flandre et d’autres régions voisines. Elle avait l’habitude de se nourrir dans les alignements arborés : haies, lisières, taillis… Tout cela a été arraché au fil des années. En plus de se voir retirer leur garde-manger, les chauves-souris perdent leur habitat. Les arbres morts sont éliminés au nom d’une gestion rationnelle de la forêt, les greniers et clochers sont de moins en moins accessibles, les anciens bâtiments sont détruits ou rénovés, il n’y a plus de fentes dans nos maisons calfeutrées… Bref, la vie est devenue très compliquée pour les chauves-souris. Ces dernières années, elles ont aussi été victimes des faux printemps. La femelle, fécondée avant l’hiver, ne met la gestation en action qu’à l’arrivée des beaux jours. Leurrée par un printemps précoce, elle sort trop tôt… Puis l’hiver fait son retour, elle ne trouve plus de quoi se nourrir correctement, s’affaiblit et meurt avant d’avoir pu donner la vie.
3.000 insectes par nuit
En Wallonie comme à Bruxelles, les chauves-souris sont protégées. On ne peut donc ni les capturer, ni les tuer, ni détruire leur habitat. Car ces étonnants petits mammifères volants constituent un maillon essentiel de l’écosystème. Une chauve-souris mange environ 3.000 insectes chaque nuit. Dans nos régions, elles ont une prédilection pour les moustiques, mais se régalent aussi de tous les petits insectes qui peuvent ravager les vergers. La chauve-souris est donc un formidable insecticide : efficace, naturel et gratuit. Les agriculteurs américains ont calculé que les chauves-souris leur permettent d’économiser chaque année jusqu’à 53 milliards de dollars en pesticides. Ailleurs dans le monde, on se réjouit simplement que les chauves-souris combattent les moustiques. Parce que eux sont vraiment porteurs de maladies !
[encadré]
Rencontrez-les !
La région de Comblain-au-Pont, en province de Liège, est appréciée des chauves-souris pour ses carrières et son important réseau de grottes souterraines. Visitez la grotte de l’Abîme. Dès l’automne, ses belles concrétions abritent une population importante et diversifiée de chauves-souris.
Infos : decouvertes.be