Staycation : des vacances autrement… jusqu’à quand ?
Contraints par le Covid-19 à revoir leurs plans de vacances, de nombreux Belges ont choisi cet été de rester au pays, profitant des paysages et attractions locales. Une tendance qui pourrait bien s’inscrire dans le temps.
Cet été, il se passe un truc extraordinaire. Depuis juin, Instagram est rempli de photos… belgo-belges. Des étendues de transats sur des plages belges, des gros plans sur des gaufres belges, des flous artistiques de rivières belges, des paysages de l’Ardenne belge. Avec en accompagnement, un petit hashtag tout trouvé : #staycation. Comprenez, « vacances à la maison ». En quelques mois, le Covid-19 a (presque) rendu ringards les voyages à Bali et les city trip à l’autre bout de l’Europe. Incités à ne pas partir trop loin pour des raisons sanitaires, de nombreux vacanciers ont choisi de rester dans les environs. Selon les chiffres de Touring, ils sont 27% à avoir fait leurs valises pour une destination domestique, alors qu’ils étaient seulement 6% avant la crise à vouloir voyager local. L’occasion de (re)découvrir l’exotisme de la Belgique, de faire fonctionner le tourisme noir-jaune-rouge et d’éviter une surconsommation de kérosène. Mais cette nouvelle tendance est-elle faite pour durer ?
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Oui… et non, estime le professeur de marketing spécialiste du tourisme à l’UNamur Alain Decrop. « Ce phénomène pourra perdurer certainement un an ou deux. Beaucoup de gens se rendent compte qu’il y a de belles choses à visiter près de chez eux, le beau temps actuel aidant. Maintenant, tout cela va être conditionné à l’évolution de la situation sanitaire. Une fois que les gens seront rassurés par rapport au virus, qu’il n’y aura plus de contraintes de pays qui ferment leurs frontières, je ne pense pas que les Belges vont renoncer à partir loin. Les vacanciers vont progressivement retrouver leurs vieilles habitudes ». Avant l’arrêt forcé que l’on connaît actuellement, le nombre de passagers transportés en avion dans le monde frôlait les 4,5 milliards par an. Le tourisme international, lui, grossissait de 4% annuellement. Une machine folle difficile à stopper. Néanmoins, assure le professeur, une partie des Belges va retenir de cette période que pour voyager et se dépayser il ne faut pas forcement aller bien loin. « Le phénomène de staycation risque de gagner du terrain dans les prochaines années ».
Une aubaine pour certaines destinations
Pour le moment en tout cas, les opérateurs touristiques surfent sur la tendance. « Cette année, il y a une véritable conscientisation de cette carte à jouer. Beaucoup de destinations en Belgique en ont profité pour mettre en vitrine leur ville, leurs attractions, avec succès. Les campagnes marketings lancées par les trois régions ont de plus renforcé cette volonté d’un tourisme beaucoup plus local, tout en contrant l’idée qu’il faut aller loin pour déconnecter », souligne Alain Decrop. Une aubaine pour certains coins du plat pays, qui ont attiré bon nombre de touristes belges mais aussi français et hollandais. « Deux tiers des opérateurs touristiques wallons sont jusqu’à présent satisfaits de la saison. Certains connaissent même une croissance dans leur fréquentation au mois de juillet par rapport aux années précédentes ». Cet été particulier ne laisse cependant pas un bon souvenir chez tout le monde. Celle qui souffre surement le plus de la situation, c’est Bruxelles. Sans les touristes étrangers, les records de fréquentation de l’année passée sont bien loin. La première semaine de juillet, le taux d’occupation des hôtels bruxellois plafonnait à 12,5%. Depuis, les embellies sont rares et le moral en berne. Le constat est plutôt clair : les touristes belges préfèrent séjourner à la campagne ou à la mer et se réserve la capitale pour une sortie à la journée. « C’est l’idée du ‘staycation’ : alterner les excursions avec des journées chez soi, passées à bricoler ou jardiner selon les activités que l’on affectionne ».
L’intérêt du « staycation » est bien là… prendre le temps de profiter, sans courir partout. « L’avantage de ce genre de tourisme, c’est de pouvoir passer ses vacances de façon plus lente. Parce qu’on a voyagé moins loin, on a passé moins de temps dans les transports. Parce qu’on a voyagé moins loin, on peut se permettre de passer davantage de temps dans une attraction touristique sans être pressé par le besoin de rentabiliser son séjour. C’est prendre le temps de découvrir sa région, de se retrouver en famille ou entre amis », résume Alain Decrop. Reste à voir combien de temps on se satisfera de ce ralentissement général.