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Spectacle vivant : retour à l’essentiel

15 juin 2021
par  Gilda Benjamin
( Presse écrite , Le virus de l’art )

Portes closes et salles fermées. La culture s’est retrouvée masquée, bâillonnée. Et ce n’était pas faute d’enthousiasme et d’idées. Les spectacles étaient prêts. Alors les répétitions ont repris, vaille que vaille. Mais comment démarrer une nouvelle saison, entre doute, amertume et espoir ? Réponse avec Valérie Mahieu, co-directrice et programmatrice artistique de Wolubilis.

Annulations, reports, tracasseries administratives, normes sanitaires…. Elle a tout vécu, affrontant le désarroi des artistes et des compagnies mais aussi d’une équipe toute dévolue à la création et à l’accueil du public. Valérie Mahieu : « Cette saison 2020-2021, nous n’avons pu jouer que trois spectacles. Pour la nouvelle saison, nous avons donc reporté tous ceux qui pouvaient l’être, que ce soit en spectacles, conférences et rencontres littéraires. Mais il n’était pas question de nous limiter à cette base. Si l’une de nos priorités était de respecter nos engagements vis-à-vis de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il en était de même pour nos accueils internationaux. Là encore, il s’agit d’appliquer une certaine logique due à la pandémie, avec des compagnies venant de France programmées en deuxième partie de saison. Tout simplement parce que d’ici là nous espérons un retour à la normale du fait d’une vaccination plus large et de mesures assouplies. Seul le spectacle « Plus haut que le ciel » sur l’histoire de la Tour Eiffel, que nous attendons avec impatience, est programmé en décembre. »

De manière symbolique, la création de « La Dame à la camionnette » ouvrira la saison, avec une Jacqueline Bir qui trépigne d’impatience à l’idée d’enfin embarquer. Virus toujours, mais marqué du sceau de l’humour avec « Les Goguettes » qui pratiquent l’art de la parodie et ont déridé les foules durant le confinement avec leurs détournements de classiques de la chanson française , « Vesoul » devenant « T’as voulu voir le salon » ou « La Chenille » « C’est le covid qui redémarre ».

Et la vie va

« La démarche de Wolubilis a toujours été de poser des questions sur le monde qui nous entoure. Mais pas question d’en rajouter une couche sur le virus. Cependant, s’interroger sur le réchauffement climatique, l’économie, la solidarité ou la solitude, comme dans nombre de nos spectacles, n’est pas innocent. Un spectacle sur le Covid, ce n’est pas pour tout de suite. Cela fait un an que nous sommes dans un spectacle permanent… » Pourtant, les interrogations multiples quant à notre monde fractionné, fragilisé, alimentent les inspirations. Tout est lié. « Avec « Pueblo », David Murgia nous parle des migrants, « Zinc » de David Van Reybrouck apporte un éclairage sur une partie méconnue de l’histoire belge et le territoire de Moresnet Neutre dans la région de la Calamine, « Ce qui restera » sur l’avenir de l’humanité… Quant à « Dimanche », pépite belge de la Cie Chaliwaté entre théâtre gestuel, théâtre d’objets, marionnettes, jeu d’acteur et vidé, il abordera la question du réchauffement climatique. Des questions de société sans être pour autant moralisateur. »

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"Dimanche"
© Alice Piemme
Destins du réel

Marie des poules, gouvernante de George Sand, Lawrence d’Arabie, Gustave Eiffel… Il est des parcours de vie plus forts que la fiction. Une des forces vives du théâtre. « Nous avons toujours voulu suivre des destins inspirants, c’est dans l’ADN de Wolubilis. Avec « Quand Françoise paraît », on suit la vie de Françoise Dolto. Le destin d’une femme extraordinaire, enfant très précoce que sa mère trouvait impertinente car posant trop de questions. Dans le contexte du début du 20e siècle, un tel caractère au féminin détonait. »

Parfois le réel croise la poésie et le fantastique. Le public renouera avec le cirque, la danse, la musique. « Il ne s’agit pas de proposer une saison au rabais mais bien une programmation équilibrée, riche et variée. Nous avons eu la chance, tout de même, de continuer à voir les artistes travailler, de les suivre en répétitions. »

L’après, doux-amer

« Durant l’hiver, il y avait une grande tristesse chez tout le monde. De la colère aussi pour certains. Il faut imaginer des artistes répétant à scène fermée, fiers de voir leur spectacle abouti le jour de la première et se retrouver sans public. Certains théâtres ont plusieurs spectacles prêts au frigo.

Il y aura un embouteillage, pour toute la culture. À la longue, nous sommes bien obligés de développer une sorte de philosophie pour être capable de faire face à la crise. »

Le public sera-t-il fidèle au RDV ? L’été passé a laissé entrevoir combien il était en manque de nourriture artistique, présent à la moindre initiative, aussi confidentielle soit-elle. « Nous avons reçu plein de messages de gens nous promettant de revenir dès que possible. Nous n’avons joué que très peu au début de la saison passée mais quelle ambiance dans la salle. Les artistes étaient tellement en attente, ils se sont sentis soutenus. Fabrizio Rongione, en jouent « Homo Sapiens », m’a avoué avoir donné sa meilleure représentation au vu de la réactivité du public. Les gens ont tellement envie de culture. »

Cette saison de retrouvailles s’intitule « Revenons à l’essentiel ». « Car le terme « non essentiel » nous est resté en-travers de la gorge. Je pense qu’on aurait pu jouer un rôle dans l’accompagnement psychologique de toute une population. »

https://www.wolubilis.be/

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