Sébatien Mahia, l’homme qui butine de course en course et ne cesse de récolter les lauriers.
Sébastien Mahia est certainement le coureur à pied le plus atypique de Belgique. Il se décrit lui-même comme un boulimique et l’adjectif n’a rien de surfait, tant il avale les kilomètres sans jamais arriver à satiété. L’athlète jambois compte plus de 300 victoires, est capable d’enchaîner et de remporter quatre joggings sur une journée, s’est mis en tête de réaliser 100 tours du lac de Louvain-la-Neuve et figure sur le site du Guinness Book dans la catégorie…insecte. Il a réussi la gageure de se poser pour se livrer.
Le 31 décembre dernier, Sébastien Mahia se préparait comme la plupart d’entre nous à passer à l’an neuf mais pas vraiment comme on peut l’imaginer. Un quart d’heure avant minuit, le Jambois se trouvait le plus naturellement du monde sur la ligne de départ d’un jogging dans la province d’Anvers, à 10 kilomètres de Turnhout.. « Dans l’après-midi, j’avais participé à une petite course de 2,5 kilomètres, à Cadzand, aux…Pays-Bas » explique-t-il. « J’y avait signé la 299e victoire de ma carrière et l’objectif était d’arriver à 300 avant 2020. J’avais alors rejoint Kasterlee (à 140 kilomètres de là) pour démarrer un jogging de 4 kilomètres à 23h45. Trente secondes avant le décompte du Nouvel An, je le remportais. » Nouvel objectif atteint pour cet homme de chiffres qui ne cesse d’affoler les compteurs depuis 2016.
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- Sébastien Mahia
Pourtant, auparavant, il était un athlète classique, respectant les plans de travail de ses coaches successifs. « J’avais arrêté le foot en 2008 parce que mon entraîneur ne croyait plus en moi. J’avais alors rejoint le club d’athlétisme du SMAC, puis ceux de Hannut et Waremme. J’étais attiré à la base par le sprint mais on m’a poussé vers les distances de fond. A un moment donné, je me suis un peu frustré d’avoir plus d’entraînements que de courses officielles. J’ai alors changé de méthode (sourire). » A savoir que rien ne vaut la compétition, sans que la quantité ne nuise à la qualité. Bilan de l’année 2016 : 200 courses pour 64 victoires. « Courir était un exutoire, un genre de thérapie après une peine de cœur. Je comptais me calmer et épargner mon corps l’année suivante. » Mais en 2017, Sébastien montait à 79 reprises sur la première marche du podium, battant au passage le record de Belgique. « Je me souviens avoir disputé et remporté deux joggings de 5 kilomètre et deux autres de 10 kilomètres lors de la même journée. C’est vrai que c’est assez dingue. » Comme l’est sa faculté de récupération. Un organisme qui n’est jamais laissé au repos mais ne se rebelle pas. « Je ne sais pas ce que c’est d’être blessé et très franchement, je n’ai aucune explication. Ok, je ne fume mais pour le reste, je n’ai pas une hygiène de vie exceptionnelle. J’aime boire mon petit verre et je suis plutôt frites que salades (sourire). » En novembre de la même année, il terminait le marathon de Bruxelles en 2h54. Il franchissait la ligne d’arrivée à la quatorzième place, déguisé en…abeille.
« Vous connaissez mon nom, vous avez compris quel personnage j’incarnais. J’ai établi un record du monde dans la catégorie insecte, c’était un rêve. Malheureusement, le Guinness book, c’est aussi et surtout du business. J’aurais dû payer 10 000 euros pour figurer dans le livre officiel. Mon nom est malgré tout sur le site. » Comme tout être atypique, Sébastien est clivant. Certains admirent sa capacité à avaler les kilomètres alors que d’autres ont rapidement commencé à s’agacer, voire à se montrer suspicieux. « C’est vrai que j’ai été dénigré. On m’a dit que je remportais des courses de kermesse, voire pire, que je devais certainement me doper. Ce n’est pas évident à entendre mais il faut pouvoir passer au-dessus. » Sevré de courses suite au covid-19, l’athlète jambois a dû se réinventer et faire preuve de créativité pour assouvir sa soif de défis à relever. « J’ai traversé toute la côte belge, 60 kilomètres entre La Panne et Knokke. L’objectif était de terminer en 4 heures mais il faisait fort chaud, j’ai craqué sur la fin et j’ai mis 12 minutes de plus. Je me suis aussi mis en tête de battre le record du monde du 50 kilomètres…féminin. Il est de 3h08 mais j’ai bouclé le parcours en 3h12. » A 33 ans, Sébastien entend désormais se focaliser sur les longues distances, même s’il doit renoncer à évoluer en roue libre. « Je vais arrêter d’être boulimique. Depuis janvier, je collabore avec André Mahy, du Smac. L’objectif est de gagner en rapidité et cela passe par une diminution du nombre de jours de courses. En 2015, j’avais terminé le marathon de Paris en 2h34. J’aimerais passer sous la barre des 2h30. J’ai ce chrono dans les jambes mais il faudra que les conditions soient parfaites, à savoir une grosse concurrence et des lièvres que je pourrais suivre. » Un programme plus cadré, sans pour autant s’interdire l’une ou l’autre petite folie. « Il y a les 10 miles de Louvain-la-Neuve, j’aimerais en faire 100. J’ai mesuré le tour du lac, il fait 1,6 kilomètre. C’est parfait, cela fait pile poil 100 tours. » Toujours cette obsession des chiffres et quand un virus vous tient, il n’est pas évident de s’en débarrasser. Difficile de prétendre le contraire à l’heure actuelle.