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Se masser pour mieux apprendre

14 septembre 2020
par  Aurélie Comps
( Presse écrite , Tout... sauf le virus ! )

Dès la maternelle, le massage s’invite à l’école pour ses nombreux bienfaits : apaisement, concentration, développement de l’empathie ... Découverte en classe.

8h40. Dans une petite école maternelle du Namurois, la cloche a sonné. Les enfants font la file pour entrer dans leur classe. Chacun à son tour, ils passent devant leur institutrice, Madame Annick. L’enthousiasme est palpable. A chacun son mode de salutation, selon l’envie du jour. Se serrer pleinement dans les bras, se taper vivement dans la main ou s’embrasser simplement sur la joue... Il en était ainsi avant l’arrivée du Covid-19 et il en sera toujours de même à la rentrée dans cette classe de deuxième maternelle. « Nous en avons discuté entre collègues et avec la direction, explique Madame Annick, en plein préparatif. En tant qu’institutrice maternelle, je suis inévitablement amenée à briser la distance physique avec les enfants au cours de la journée. » Remplacer ce premier moment d’échange chaleureux par un bonjour distant ? Il n’en est donc pas question. « A même titre que l’amour, nous savons que le contact physique est indispensable au développement de l’enfant et optimalise son potentiel d’apprentissage. C’est scientifiquement prouvé. Le toucher participe à son développement global : celui du cerveau, de ses connaissances, de la confiance en soi et envers l’autre... »

Consciente des bienfaits du toucher chez les plus jeunes, et même chez les moins jeunes, Annick Chodoire intègre depuis plus de 10 ans des techniques de massage adaptées selon le moment de la journée.

« Connecter le cerveau »

Certains auto-massages sont même devenus des rituels, lors de la prise des présences et de la mise à jour du calendrier ludique. Les enfants sont assis en cercle. Madame Annick les invite à presser le bout de chaque doigt. « On commence par le pouce comme un tire-bouchon et on termine en pinçant le bout de l’ongle. Et de même avec tous les doigts ! » Sans s’éterniser dans des explications scientifiques, l’institutrice déclare que ce petit jeu « prépare nos esprits à se connecter pour mieux apprendre. Le bout des doigts et des orteils est une zone liée à l’activité du cerveau ». Principe de réflexologie. « En plus, on en profite pour compter et apprendre le nom des doigts ! » D’autres « auto-massages » ont intégré le quotidien des petits. Tapotement dans le creux sous-claviculaire, petits cercles sur la paume et mouvements croisés en diagonale « pour connecter les deux hémisphères du cerveau »... Les gourdes d’eau sont accessibles en permanence dans la classe... encore pour « chouchouter » les petits cerveaux « car, comme le massage, l’eau favorise la connexion de nos neurones ! » Et quelques fois par semaine, les massages s’échangent entre les différentes petites mains. Les enfants s’installent deux par deux, ou tous assis en « petit train », jambes écartées, pour dessiner des arcs-en-ciel, escargots et arbres sur le dos du voisin. Avec sérieux et concentration, ils s’impliquent dans ce rituel.

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Coach de massage en classe

Au Danemark, le massage se pratique dans quatre écoles sur cinq. En Suède, il a été rendu obligatoire dans le programme scolaire. Bien que scientifiquement validé et reconnu pour ses bienfaits dans un contexte d’apprentissage, le massage n’est pas institutionnalisé dans nos écoles. Cette pratique demeure généralement à l’initiative de quelques institutrices/teurs et psychomotricien/nes, formés bien souvent par leurs propres moyens... Pour les accompagner, une asbl a vu le jour : l’Association belge de massage à l’école (ABME). Sa mission ? Diffuser une pratique de massage respectueuse, rythmée par un protocole simple et international. La méthode s’adresse aux écoliers de quatre à douze ans.

Depuis 2008, l’ABME a certifié quelque 350 instructeurs, issus du milieu scolaire, ou simplement intéressés par la diffusion de cette technique de relaxation. C’est le cas d’Anne Dumortier, professeure de langues pour adultes à Bruxelles : « En tant qu’instructrice de massage depuis 4 ans, je me suis rendue dans des dizaines de classes maternelles pour encadrer la pratique, comme une coach. Durant ces ateliers, les enfants forment des duos, assis sur un tapis ou sur une chaise. Je tamise la lumière, on diffuse une musique douce. Les enfants le vivent à fond. Certains s’endorment même ! »

Les bienfaits sont évidents : « Après une séance de 15 à 30 minutes, les enfants sont ouverts aux apprentissages », comme l’a constaté Maxine Havelange, jeune institutrice préscolaire, dans son TFE sur l’impact du massage sur la concentration des enfants à l’école. « Nous l’avons observé pour différentes matières : français, mathématiques, arts plastiques, etc. Par le massage, l’enfant apprend la bienveillance. Il découvre les enfants autrement que dans la cour de récréation, un contact physique autre que le « tirer-bousculer ». »
Si l’initiative d’atelier peut émaner de tous horizons (des parents, des enfants, des institutrices, etc.), l’intervention d’une instructrice en massage est généralement supportée par l’école ou en partie par les parents. Le tarif est de 2 à 3 € par enfant ou d’environ 50 € par séance. (Infos : abme.be)

« La routine » en 17 mouvements

Le massage appris par l’ABME se résume en un mot : la routine. Florence Laloy, co-responsable de l’asbl, présente ses principes. « Il s’agit de 17 mouvements faciles à retenir, symbolisés par des dessins et des appellations ludiques. Le premier est une parole : demander à l’autre la permission pour le masser. C’est une règle de bienveillance, d’écoute, de respect de soi et de l’autre. L’enfant a le droit de dire non. Il profitera cependant de l’atmosphère sereine et de l’ocytocine dégagée par l’atelier. »

Le dernier mouvement est aussi une parole : « dire merci à celui qui nous a autorisé à le masser. Merci d’avoir accordé ta confiance. » Entre ces 2 paroles, 15 mouvements s’enchaînent. Ils se donnent sur les vêtements, sur la tête, nuque, dos, bras et mains. « Il y a le coiffeur, sur le crâne, la maman chat, dans le cou, le saut de lapin dans le creux de la main... »

Après 4 à 5 visites de l’instructrice, les enfants et leur instituteur/trice sont aptes à répéter cette routine en toute autonomie, une fois par semaine, voire chaque jour.

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