Saule : « Il faut continuer à y croire »
Comme tous les artistes, Baptiste Lalieu, alias Saule, a pris la pandémie de plein fouet. Mais, de nature positive, il préfère en retirer des leçons et retenir les belles initiatives.
Comment avez-vous traversé cette drôle d’année ?
J’ai quasiment fini mon dernier album. Avant le confinement, j’avais dit à mon label que bien qu’on soit déjà allé en studio, pour la première fois en cinq albums, le disque n’était pas fini ; on m’a alors laissé plus de temps. Et avec le confinement, j’en ai eu encore plus que prévu. Tout ce qui touchait à la production était encore possible, et j’en ai profité. J’ai eu la chance de pouvoir me rendre quelques jours avec le groupe en studio à Paris pour peaufiner l’enregistrement. A côté de cela, durant le premier confinement, j’ai écrit la chanson « Dans nos maisons », qui a été l’occasion d’un bel élan solidaire. Je l’avais écrite pour faire un coucou aux gens qui, comme nous tous, étaient coincés chez eux. Je l’ai postée sur les réseaux et le succès a été tel qu’elle a fini par passer en radio. Le morceau a également été diffusé en France. J’ai alors décidé d’en verser les bénéfices à l’asbl L’Îlot, qui œuvre pour les sans-abris. Mais je ne suis pas certain qu’elle figurera sur l’album, peut-être sous forme de bonus, mais elle sort de la tracklist et de la direction musicale générale du projet. Il y a aussi eu la sortie du titre en duo avec Alice on the roof, « Mourir plutôt crever ». Le titre a été écrit avant la crise, mais il a pris tout son sens durant celle-ci : ce morceau, c’est un cri de guerre, un cri de vie. Son mot d’ordre, c’est de ne pas se laisser abattre !
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- © Paul Rousteau
On a pourtant l’impression que nombre de travailleurs du secteur culturel ont été abattus durant les confinements. L’avez-vous ressenti comme cela aussi ?
J’ai tendance à toujours voir le verre à moitié plein. Je préfère retenir les élans solidaires qui sont nés durant cette période. Le premier confinement a, en fin de compte, été pour beaucoup, l’occasion de lâcher prise, de passer enfin du temps avec ses proches. Cela n’arrive pas souvent dans ce milieu, où tout est toujours sous contrôle, planifié… Le second confinement a été plus violent, un vrai coup de massue. Ne nous voilons pas la face, c’est un beau merdier pour plein de gens. Personnellement, je touche des droits d’auteur et j’ai eu accès un droit passerelle, cela m’a sauvé. Mais tout le monde dans le milieu n’y a pas eu droit. Les rares fois où j’ai croisé des ingénieurs du son, des tourneurs et autres techniciens, le message était le même : c’était chaud ! Beaucoup se sont retrouvés sans travail, sans aucune source de revenus. Dans ce milieu, il y a des professionnels qui ont besoin de bosser sur vingt dates par mois pour pouvoir remplir leur frigo. Ils n’ont pas d’activités parallèles ou d’autres secteurs où exercer. L’annulation de tous ces concerts, ça a été un drame pour eux. Certains, qui ont dédié leur vie à leur métier, ont dû mettre la clé sous le paillasson. Et cela vaut pour d’autres secteurs que celui de la musique : bon nombre de personnes qui vivaient déjà en équilibre fragile ont basculé sous le seuil de pauvreté. La covid a porté le coup fatal et fait beaucoup de victimes sociales.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Avec optimiste malgré tout. Comme beaucoup, je fais le pari que d’ici deux, trois mois, tout va repartir. J’ai déjà des dates de concerts et de festivals prévues et j’y crois. Il faut continuer à y croire ! En tant qu’artiste, on est là pour donner de la niaque aux gens. Selon moi, s’il y a bien des gens qui ne doivent pas rentrer dans un marasme négatif, ce sont les artistes. Les gens ont besoin de sas d’oxygène et nous sommes là pour les alimenter. La culture, c’est de la nourriture spirituelle essentielle. Et les alternatives technologiques ne suffisent pas. On ne partage pas de la même façon un film ou une pièce que l’on a vu en salle et le même, mais vu sur une tablette dans son divan. De même, un concert en live, c’est de l’interaction avec le public, une proximité, une complicité… Les rendez-vous en streaming ne peuvent pas offrir cela. Cela ne veut pas dire que cela n’a pas d’intérêt, au contraire… J’ai moi-même participé à différents projets en ligne et trouvé super des tas de propositions d’artistes sur les réseaux. Voir des artistes du calibre d’Alain Souchon, Mathieu Chedid, Cali, Jean-Louis Aubert… prendre leur guitare dans leur salon pour livrer des concerts acoustiques, ça faisait du bien. Tout comme de voir que des tas d’artistes n’ont pas eu peur de sortir un nouvel album durant la crise, alors qu’il n’y a pas de live prévu derrière pour le défendre.
Le live vous manque ?
Et comment ! Cela apporte une émulation unique. Cet été, j’ai pu jouer dans des petites formules, seulement à deux sur scène, avec un strict respect des règles sanitaires. On a parfois l’impression que rien n’a été fait, mais en réalité, le secteur n’a pas baissé les bras ; pas mal de choses ont été mises en place pour que la Culture continue à vivre. Certains, plus énervés que moi (rires), vous diront qu’on n’en a pas fait assez, mais j’ai l’impression qu’en Belgique, on a fait de notre mieux compte tenu des circonstances. Maintenant, il y a aussi tous ces secteurs, la Culture, mais aussi l’Horeca, le monde des forains… qui ont bougé et ont investi des milliers d’euros pour pouvoir accueillir le public et qui malgré tout, ont dû tout annuler et fermer.
Qu’est-ce qui devrait être mis en place pour que cela reprenne au mieux ?
Il faut une concertation entre le milieu sanitaire et le culturel. Les virologues et autres scientifiques devraient se mettre à table avec des agents du secteur culturel pour réfléchir à des solutions. On peut imaginer des prestations en salles avec des jauges limitées, avec masque obligatoire, l’obligation de présenter un test négatif avant de venir voir un spectacle, etc. Car dire que c’est mort, qu’on ne peut plus organiser de festivals, de concerts, de foires, aller au cinéma, au théâtre… avant 2022, voire 2023, c’est flinguer tout le monde. Et je ne parle pas seulement au nom des artistes, mais aussi du public, la Culture, on en a tous besoin. On ne peut pas nous en priver ad vitam aeternam.