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Samuel Chappel, pour que revive la culture contre vents et marées

17 mai 2021
par  GREGORY PIERARD
( Presse écrite , Le virus de l’art )

En 2016, le Bruxellois reprenait l’organisation d’un Namur en Mai moribond. Il a convaincu les sceptiques et a donné plus qu’un second souffle au festival. Un événement majeur qui s’est déroulé en mode mineur ces 13, 14 et 15 mai. A peine 4000 spectateurs, pour 200 000 habituellement. Peu importe, c’était avant tout une édition de combat. Pour que la culture renaisse, malgré le mépris affiché par la classe politique.

Namur en mai est, avec le Festival international du film francophone, le grand événement culturel dans la capitale wallonne. Il attirait chaque année, depuis 1996 et jusque 2014, plus de 100.000 personnes dans les rues du centre-ville. Survient alors le premier coup dur. On apprend que l’ASBL gestionnaire accumule plus de 400.000 euros de dettes et doit jeter l’éponge. Après une édition de transition grâce la pugnacité d’une dizaine de compagnies et collectifs namurois, Samuel Chappel, jeune trentenaire bruxellois, arrive au chevet du festival en 2016 pour lui rendre ses lettres de noblesse. « Cela faisait des années que je m’y rendais en tant que spectateur et ce théâtre à ciel ouvert m’a toujours subjugué », explique-t-il. « Il était inconcevable pour moi que cet événement meure.

J’ai toujours été baigné dans la culture. En 2008, je n’avais que 22 ans mais j’ai créé LaSemo avec des amis et cela a vite pris de l’ampleur. » Un peu plus de 4000 festivaliers la première année, pour près de 25 000 en 2016 mais Samuel n’est pas pour autant accueilli les bras ouverts dans la capitale wallonne. Les compagnies locales regrettent son manque d’ancrage namurois mais il fait rapidement taire les sceptiques. Plus de 150 000 personnes se pressent en mai 2016. Des cabarets burlesques et coquins sont créés l’année suivante et 180 000 spectateurs répondent présents. En 2019, la barre symbolique des 200 000 est franchie. Rien ne peut plus arriver, pense-t-on, mais c’est sans compter sur le Covid qui fait de 2020 une année blanche. « On a vite compris que la culture n’était pas une priorité du gouvernement mais Il était inconcevable de renoncer une deuxième année consécutive. »

Début 2021, c’est tout le secteur qui se met en branle en créant Still Standing for Culture. Samuel n’est pas le moins actif de la bande, espérant dès le printemps que des événements puissent de nouveau être mis sur pied. Rendez-vous est pris le 20 février dans les jardins du maïeur, pour voir sur scènes des artistes, costumés, maquillés, prêts à performer mais qui restent tristement muets. La censure les obligeant à ne pas pratiquer leur art. « Notre boulot, c’est d’organiser des festival, pas des manifestations mais là, nous n’avions plus le choix », explique-t-il. « Après avoir été ignorés, nous devions exiger des décisions claires et la mise en place de protocoles pour reprendre nos activités.

La dynamique de déconfinement a été complètement incohérente. C’est un choix politique. Cela illustre la société que l’on veut dessiner. Il est permis de consommer mais pas de créer ni de rêver. C’est choquant. Nous ne sommes pas le problème mais la solution. »

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© Grégory Piérard

Le 10 mars, les lignes n’ont toujours pas bougé. Qu’à cela ne tienne, le bourgmestre namurois Maxime Prévot et Samuel Chappel annoncent que la 25e édition de Namur en Mai aura bien lieu les 13, 14 et 15 mai. « La seule certitude à l’époque, c’était de pouvoir accueillir 50 spectateurs par spectacle et uniquement en plein air. On espérait secrètement retrouver les jauges de l’été 2020 (ndlr : 200 en intérieur et 400 en extérieur) mais peu importe finalement, pour trois pelés et un tondu, j’aurais maintenu coûte que coûte l’événement. » Il a donc fallu se résoudre à ne vendre que 4000 tickets pour 80 représentations sur trois jours, supprimer les cabarets et toutes les activités déambulatoires. Comme un symbole, la météo faisait également grise mine. « Un public restreint, assis, masqué et distancié, ce n’est pas du tout ce que l’on voulait. Il a fallu mettre des barrières et même des bâches pour éviter que des curieux passent leur tête. On a perdu toute la spontanéité propre à ce genre d’événement. L’image est extrêmement violente. D’un autre côté, entendre des applaudissements et des rires, cela a fait chaud au cœur mais basculer sans cesse de la joie à la colère et inversement, c’est épuisant. On savait que ce serait une édition de combat mais elle doit être aussi synonyme d’espoir. »

Et comme on n’est plus à une incohérence ni une frustration près, NEM a pu participer, la veille de son festival, à un événement test rassemblant 500 personnes. L’occasion de prouver que la culture est sûre mais sans pouvoir empêcher que la jauge ne soit rabotée de 90% le lendemain. « On savait que nous n’en tirerions aucun bénéfice. La démarche était surtout altruiste. On l’a fait pour le secteur culturel dans son ensemble. On veut donner de l’espoir, des perspectives et l’envie à tous les organisateurs de mettre sur pied leur événement.

D’un autre côté, ce test vient tellement tard qu’il y a également un sentiment de gâchis. On avait déjà demandé ce genre d’expérience à la mi-mars. Le printemps commence bien tard, c’est frustrant. Les opérateurs culturels sont aussi les seuls à qui on demande de faire des tests, c’est injuste. On sait que nous n’avons suscité que du mépris de la part de la classe politique. » Ce qui n’empêche pas Samuel Chappel de fourmiller d’idées. Le Festival LaSemo se déroulera bien les 9,10 et 11 juillet prochain mais en mode covid-friendly. Le parc d’Enghien sera divisé en quatre zones. Plusieurs spectacles seront à découvrir au gré d’un parcours et d’un horaire prédéfinis, par groupe de 600 personnes. Les organisateurs espèrent accueillir 15 000 festivaliers.

Un nouveau rendez-vous culturel est également prévu début septembre sur les hauteurs de la Citadelle de Namur. L’occasion de redécouvrir le site au travers une promenade encadrée, entrecoupée de haltes pour assister à des concerts des spectacles de rue. Le programme ne sera pas dévoilé, pour être dans une dynamique de surprises, de partage d’émotions et de lâcher prise. Et que revive la culture, tout simplement.

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