JOURNALISTE FREELANCE.BE Le site des journalistes indépendants

Partout où les diables rouges iront, Rémy Gauthier ira

11 juin 2021
par  Benoît Gueuning
( Presse écrite , Le virus du sport )

Lorsqu’il y a quelques mois, l’UEFA, la Fédération européenne de football, a signifié aux détenteurs de billets pour l’Euro qu’ils pouvaient les retourner à la case envoi, nombreux sont les supporters de la Belgique à ne pas s’être posés mille et une questions. Sans quoi, si l’Euro n’avait pas lieu, ou devait se dérouler à huis-clos, ils risquaient peut-être bien de ne pas revoir la couleur de leur argent. Ainsi, pas loin de 70 % d’entre eux ont préféré renoncer.

Une minorité d’entre eux ne s’est pas torturée les neurones non plus, et a conservé ses précieux sésames, un total de 1903 tickets pour les trois matchs du premier tour précisément (461 contre le Russie, 1163 le Danemark et 279 la Finlande). Rémy Gauthier, de Wyompont, dans la commune ardennaise de Tenneville, fait partie de ces irréductibles. Vous l’avez peut-être déjà vu sur vos écrans ou dans vos quotidiens, coiffé d’un sachet de frites. « Cela n’est pas dans mes habitudes de changer d’avis », déclare cet inconditionnel. « Puis je m’étais dit que la situation allait peut-être s’améliorer. Et que si je ne pouvais pas aller à l’Euro, l’UEFA allait aussi rembourser. J’en avais l’intime conviction. D’ailleurs, il y a quelques semaines, comme tous les autres fans en possession de billets pour les matchs éventuels des diables après le premier tour, je me les suis vu retirer par l’UEFA. Mais ceux-ci m’ont été remboursés. Et on reste prioritaire pour les récupérer en cas de qualification pour les tours suivants, c’est-à-dire pour les quarts de finale, les demis finales et la finale. »

En attendant, bien lui en a donc pris de conserver son magot pour les trois rencontres de groupe. A commencer par celle de ce samedi qui verra la Belgique défier la Russie, en terrain hostile à Saint-Pétersbourg. En terrain hostile certes, mais le Tennevillois ne débarquera pas tout-à-fait en terre inconnue. Il y a 3 ans, Rémy Gauthier s’était déjà rendu en Russie, pour encourager la Belgique face à la Tunisie, à Moscou, et l’Angleterre, à Kaliningrad.

JPEG - 302.5 ko
Une idylle sans condition

Certes pas à l’époque de l’ex-URSS, il n’était pas encore né, mais son histoire d’amour avec les diables a débuté il y a très longtemps déjà. Une idylle d’autant plus belle qu’elle n’a jamais connu de bas, dans son support en tout cas, même au plus fort des heures sombres de notre équipe nationale. « J’ai toujours adoré le football, et voulu assister à un match à l’étranger, peu importe celui-ci », glisse Rémy Gauthier. « J’avais réservé une place pour aller voir Fulham-Manchester City avec en car avec un groupe. Mais ce déplacement avait été annulé. J’avais ensuite reçu un message de ce même groupe, pour Allemagne-Belgique, à Dusseldorf. C’était il y a 10 ans, en 2011. J’avais déjà assisté à quelques matchs des diables à domicile. Mais je suis vraiment devenu acharné à partir de ce moment. Certes, on avait perdu 3-1. Mais il y avait là-bas dans le camp des supporters belges une atmosphère particulière que l’on ne retrouve pas spécialement à domicile. »

Depuis lors, Rémy Gauthier ne compte plus les déplacements, avec les diables et bien plus encore. Dire qu’il les collectionne est même un mince euphémisme, quand on voit le nombre d’écharpes ayant retapissé son papier peint, chacune souvenir d’un match. « Sans même compter les stades où j’ai vu l’équipe nationale, j’en compte 49, 15 en Belgique et 34 à l’étranger. Et j’en oublie peut-être. Chaque stade a une âme qui lui est propre. D’ailleurs, il m’arrive aussi de d’aller m’imprégner spécialement de celle-ci dans des stades avant qu’ils ne disparaissent au profit d’un nouveau. En Grande-Bretagne par exemple, j’ai été à Luton Town, Everton et West Ham, des enceintes qui ont été rasées ou vont l’être. Aussi, je ne cours pas après les grands clubs, au contraire. Je préfère par exemple aller voir Sheffield United que City. Quant aux diables, je les ai suivis dans 11 pays, en Allemagne et Russie donc, mais également en Angleterre, Suède, Suisse, Ecosse, France, dont 4 matchs de l’Euro, aux Pays de Galles et Pays-Bas, à Saint-Marin et au Kazakhstan. Dont 5 où j’ai mis pour la première fois les pieds grâce à eux.

JPEG - 1.4 Mo
Derrière les diables au Kazakhstan, à plus de 5000 km

Tout autant féru de voyages que de la bande à Roberto Martinez et leurs prédécesseurs, Remy Gauthier ajoute : « Faire un aller-retour juste pour le match ne m’intéresse pas. J’en profite toujours pour découvrir les villes, les pays. D’ailleurs, en général, je ne me déplace pour voir les diables que si la destination m’attire. Lors de la campagne de qualification pour la coupe du monde en Russie, j’ai été au Kazakhstan, à plus de 5000 km de la Belgique. Je suis resté 8 jours sur place. J’ai aussi vécu une situation cocasse. Après la rencontre, j’ai pris un avion pour me rendre dans une autre région du Kazakhstan. J’étais assis à côté d’un Kazakh qui avait joué. Je ne l’avais pas reconnu. Il m’a montré une photo de lui en duel avec Eden Hazard. Rayon clubs, j’ai aussi vu un match au Pérou, à Lima. J’avais été en vacances au Pérou. Lors d’un trek en Birmanie, j’étais dans un groupe avec un couple de Péruviens en lune de miel. L’homme est un grand fan de football aussi et de bière belge, et travaille pour Adidas. Je leur avais dit que si je retournai au Pérou un jour, j’irais les voir. En 2018, je suis retombé sur lui à Moscou. Il était là pour supporter le Pérou. Et en 2019, je suis retourné au Pérou et j’ai été voir un match avec lui. Dans ma vie, diables ou pas diables, j’ai visité 28 pays, dont certains plusieurs fois comme l’Inde, et 3 continents, l’Europe bien sûr, ainsi que l’Amérique et l’Asie. »

Pour en revenir à l’Euro, notre globe-trotter devra évidemment composer avec des mesures actuelles en perpétuelle évolution, et qui plus est, jongler avec celles-ci d’un pays à l’autre. Deux pays au moins en l’occurrence, lors du premier, la Russie où la Belgique se produira à deux reprises à Saint-Pétersbourg, et le Danemark, où elle disputera sa deuxième des trois joutes à Copenhague. »

La frite jusqu’en finale

« Saint-Pétersbourg et Copenhague sont des destinations qui me tenaient particulièrement à cœur », confie-t-il. « Pour le premier match à Saint-Pétersbourg de ce samedi, face à la Russie, je ferai un aller-retour éclair. Je partirai le matin du match et rentrerai en Belgique le lendemain. Lorsque j’ai réservé mon billet d’avion, j’ai tenu compte du fait que si je restais plus de 48 heures en Russie, je devais me mettre en quarantaine à mon retour en Belgique. Entretemps, il y a eu du changement. La quarantaine a été supprimée pour les citoyens belges de retour de zones rouges, à la condition notamment d’être vacciné, ce que je suis. J’aurais pu aller directement au Danemark pour le deuxième match. Mais je me suis dit qu’il était peut-être préférable d’y entrer via un pays de l’Union Européenne. Or, la Russie ne fait pas partie de l’Union Européenne. Il faut aussi savoir que les frontières russes sont toujours fermées. Mais l’UEFA a trouvé un arrangement pour permettre aux fans de s’y rendre pour l’Euro. Il faudra évidemment montrer patte blanche, sous la forme d’un test PCR négatif réalisé au plus tôt dans les 72 heures, même vacciné, avant de pénétrer en Russie. Je devrai aussi me soumettre à une prise de température corporelle à l’entrée du stade. Pour le Danemark, j’avais des informations dans tous les sens. J’ai écrit à l’ambassade belge sur place. L’ambassade m’a répondu qu’être vacciné suffisait. De Copenhague, je retournerai directement à Saint-Pétersbourg, pour le troisième match contre la Finlande. J’y resterai cette fois-ci plus longtemps pour visiter cette ville, qu’on m’a souvent décrite comme une des plus belles du monde. »

Mais pas trop longtemps non plus, car Remy Gauthier espère évidemment avoir la frite jusqu’au bout de l’Euro. Et donc découvrir ensuite quatre autres villes, soit autant que le nombre de matchs que la Belgique disputera si elle se hisse jusqu’en finale.

Partager :