Oui, la course de montagne existe en Belgique !
Pas si plat qu’il peut y paraître et même pionnier en matière de course de montagne, notre pays offre par endroits un beau terrain de jeu pour les coureurs en quête de dénivelé. Découverte d’une discipline de niche appelée à s’élever rapidement avec Florent Caelen, le double champion de Belgique en titre, ainsi que Roger Igo, entraîneur fédéral et responsable des activités ‘hors stade’ à la LBFA.
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Certainement pas aussi plat que pouvait le laisser entendre Jacques Brel, notre pays offre un terrain de jeu varié et par endroits bien vallonné pour les coureurs et traileurs en mal de dénivelé et de sentiers qualifiés de ‘techniques’. Pourtant, si l’on excepte la fameuse et insolite Montagne de Bueren, un imposant escalier qui recense la bagatelle de 374 marches en plein cœur de Liège, la Belgique ne compte pas à proprement parler de chaîne de montagnes. Difficile, dans ces conditions, de proposer un terrain d’entraînement adapté aux coureurs un peu masochistes souhaitant se perfectionner aux exigences de la course de montée (et de descente…) pour espérer briller sur des courses vallonnées aux quatre coins de l’Europe.
11 bornes, 700 mètres de D+
Pourtant, depuis quelques années, la Belgique peut se targuer de proposer aux coureurs de côtes une et - pour l’instant - une seule véritable course de montagne, dénomination d’appellation contrôlée par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Celle-ci s’est déroulée cet été du côté de Malmédy et a sacré pour la deuxième fois de suite le Spadois Florent Caelen, un ancien spécialiste de la course sur route qui a rapidement mordu à l’hameçon de ce format trop méconnu sous nos latitudes mais bien développé dans des pays naturellement plus montagneux. « Je sais que beaucoup de gens se marrent et se foutent parfois un peu de ma gueule quand je leur dis que je suis champion de Belgique de course de montagne, s’amuse cet ancien olympien, qui avait notamment terminé 44e du marathon aux JO de Rio en 2016. Dans un pays dont le point culminant n’atteint pas les 700 mètres, je peux évidemment les comprendre parce que moi non plus je ne connaissais pas l’existence de ce type d’épreuve jusqu’il y a peu. Toutefois, cela reste une grande fierté d’avoir remporté ces titres. Même s’il est plus difficile pour un athlète d’être sacré en 5.000 mètres sur piste qu’en course de montagne vu le côté plus confidentiel de cette dernière (NDLR : une grosse centaine de participants sur les deux courses proposées), je peux vous assurer que le défi est de taille. Sur une distance de 11 kilomètres, on s’enquille tout de même quelque chose comme 700 mètres de dénivelé positif. Dans une course pareille, cela ne fait que monter et descendre et nécessite plus de dépense d’énergie que pour les distances plus longues sur route. Ici, ce qui est gai, c’est qu’on court en pleine nature, dans des endroits magiques dont on n’a malheureusement pas trop le temps de profiter en compétition. Pour bien s’entraîner, il faut veiller à avoir un plus gros moteur, à proposer de la variété dans l’intensité des efforts lors de nos séances de travail. Ce qui est bien, c’est qu’on peut varier les sports qu’on pratique en préparation. En hiver, on fait pas mal de ski d’alpinisme. On peut aussi s’offrir quelques séances de vélo pour travailler en côtes... »
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Formats plus courts, moins techniques mais avec plus de ravitos
Mais en fait, qu’est-ce qui différencie une course de montagne d’un trail classique comme on en compte par centaines dans notre – pas si - plat pays ? Et quelles variétés de courses de montagne existe-t-il ? Pour nous éclairer nous avons fait appel à Roger Igo, entraîneur fédéral et responsable depuis 22 ans des activités ‘hors stade’ à la Ligue Belge Francophone d’Athlétisme (LBFA). Si elle ne rencontre pas (encore ?) le succès mondial qui accompagne le trail, plus ‘hype’ et plus varié en termes de terrains de jeu, de distances et parfois d’appellation un peu galvaudées, la course de montagne le doit au fait que ses spécificités sont à la fois claires et très exigeantes pour les organisateurs, certainement dans un pays comme le nôtre où les montées sèches de plus de 100 ou 150 mètres de dénivelé positif ne sont guère nombreuses. « Aussi étonnant que cela puisse paraître, il faut d’abord savoir que la Belgique a fait partie des quatre nations pionnières qui ont initié la course de montagne dans les années ’70 avec l’Italie, l’Angleterre et la France, explique Roger Igo. De ce fait, elle a acquis une certaine expertise en la matière et c’est sympa de pouvoir désormais proposer un parcours reconnu par la Fédération internationale, qui pourrait très bien servir de cadre à un championnat du monde, par exemple. Même si cela provoque parfois des moqueries en Belgique par manque de connaissance, la Belgique a bonne presse à l’étranger en matière de courses de montagne. Elle est même l’un des seuls plats pays à avoir enregistré des résultats corrects. On a participé à tous les championnats d’Europe et du Monde - à l’exception d’une édition qui s’était déroulée en Nouvelle-Zélande – depuis qu’ils existent, on a obtenu de bons résultats chez les jeunes ou quand Catherine Lallemand a été sacrée championne d’Europe (NDLR : en 2003) par exemple. »
Pour résumer, il existe aujourd’hui différents formats proposés, dont les critères sont bien établis par la Fédération internationale d’Athlétisme (IAAF). Les deux principaux formats, longs de 10 à 13 kilomètres, sont ceux d’une montée pure d’un côté, et, de l’autre, d’un « up and down » où les montées et descentes s’enchaînent à un rythme effréné selon certains critères précis. « Dans ce type d’épreuve, qui a récemment sacré Florent Caelen, il n’est pas question pour les coureurs d’emprunter des sentiers trop techniques, par exemple. Les montées doivent être de l’ordre de 10% en moyenne et les descentes également, avec des passages de maximum 27% d’inclinaison sur 100 mètres, pas plus. Ce qui, a contrario est autorisé en trail avec des franchissements de gué, des montées ou descentes très raides avec l’aide de mains courantes (cordes). » Même si c’est rarement le cas en Belgique, certainement au moment de l’organisation des championnats nationaux qui peuvent être qualificatifs pour les compétitions européennes et mondiales, la course de montagne n’autorise étonnamment pas non plus de passages dans des chemins enneigés ou sur des passages jugés dangereux comme des pierriers. « Les coureurs y évoluent également sans être trop chargés, les ravitaillements y étant plus nombreux que pour un trail classique », poursuit Roger Igo.
En Belgique, même si Florent Caelen a montré sa suprématie à Malmédy, le meilleur coureur actuel, Maximilien Drion, s’entraîne et vit en Suisse. Récent 39e de la course mythique de Sierre-Zinal à 17 minutes du phénomène espagnol Kilian Jornet, il représente nos plus grands espoirs sur la scène internationale. « Maximilien est l’un de nos meilleurs représentants en ski-alpinisme, une discipline qui va intégrer le programme des Jeux olympiques d’hiver où il devrait nous représenter, détaille Roger Igo. Il a choisi de s’exiler en Suisse pour y trouver un terrain de jeu plus favorable, sur lequel il peut s’entraîner quotidiennement. La meilleure Belge, Charlotte Dewilde en a fait de même en partant vivre en Autriche. Le problème des Belges se ressent surtout dans les descentes. Ce n’est pas là que l’on gagne des courses mais c’est là qu’on peut les perdre. Nos représentants s’améliorent mais n’ont pas la même aisance que certains coureurs italiens, par exemple. Eux ont grandi dans les montagnes et tout est plus naturel, en quelque sorte. Les Belges ont des problèmes de proprioception, d’équilibre. Cela se travaille bien sûr, mais cela prend du temps, surtout quand ce n’est pas inné. »
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Si l’idée d’un kilomètre vertical, troisième format de course de montagne, semblait difficile à réaliser en Belgique vu le manque de dénivelé, la LBFA a toutefois trouvé une solution de fortune en s’inspirant de ce qui s’était fait récemment à la Bresse dans les Vosges, où les coureurs avaient enquillé deux manches avec deux montées de 500 mètres de D+. « On a trouvé une côte à Targnon (Stoumont) qui proposait 336 mètres de D+, qu’on a fait grimper à trois reprises à nos coureurs », explique Roger Igo.
Faute de montagnes, les Belges sont obligés de faire preuve d’imagination pour… monter de telles courses.