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« On a été mis sur la touche du jour au lendemain »

Que font les journalistes sportifs quand le sport est interdit ?

26 novembre 2020
par  Laurick Ayoub
( Presse écrite , Le virus du sport )

Plus de foot, de basket ou de courses. Le 17 mars dernier, les sportifs amateurs étaient contraints d’arrêter leurs activités. Les journalistes qui couvrent leurs compétitions étaient dans le même bateau. Entre arrêt de travail ou reconversion professionnelle forcée, ils ont dû se montrer inventifs pour ne pas couler financièrement.

Maxime Denison travaille comme journaliste indépendant depuis un an. Il collabore avec la DH, La Meuse Namur, Canal C et Matélé. Il est à la rédaction de la DH le jeudi 12 mars, quelques jours avant le début du confinement. « Chaque sport était annulé de minutes en minutes, j’ai compris que je ne travaillerais plus », se rappelle-t-il. Après ces annonces, le journaliste est obligé de trouver de quoi gagner sa vie. « Les aides financières n’étaient pas encore en place ». Pas le choix, Maxime échange sa casquette de journaliste pour celle d’intérimaire. « Il fallait bien que je paye mon loyer et le reste. J’ai travaillé 2 mois dans un dépôt Colruyt pour gagner de l’argent, pour pouvoir manger et me loger. J’ai arrêté après 8 semaines. C’était devenu insupportable physiquement et mentalement », explique-t-il. Conscient que la situation n’irait pas en s’améliorant, il se lance dans un autre projet avec sa conjointe, la rénovation d’une maison. « J’ai travaillé 4-5 jours pour la DH en journée desk mais pour dépanner. Je m’occupais principalement des travaux. J’aurais pu travailler quand le sport a repris juillet-fin août. Mais les indépendants n’ont pas été les premiers à être rappelés. Les rédactions ont d’abord travaillé avec leurs salariés. J’ai entendu beaucoup de voix « sportives » au JT de la RTBF, même quand il ne s’agissait pas de sujets sportifs… ».

« Le statut d’indépendant a montré ses limites »
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Maxime Denison
© Maxime Denison

Depuis le mois de mars, il n’a « quasiment plus rien écrit ». Heureusement, il bénéficie du droit passerelle, un revenu brut mensuel de 1291€. Pour lui, cette crise pointe les problèmes liés au statut d’indépendant. « Cela montre qu’en Belgique, on n’a pas assez de soutien de l’Etat, on me demande toujours de payer mes cotisations sociales à 100%. Je dois payer 746€ et des poussières par trimestre. Actuellement, j’essaye de trouver un boulot de salarié, parce que le statut d’indépendant a montré ses limites ». Même constat pour Florent Maron. En charge du sport à TV Lux, il collabore avec d’autres médias. Ses activités s’arrêtent lorsque le confinement commence. « Je n’avais pratiquement plus de travail. Je suis passé de factures mensuelles de 3000€ à 4500€ à environ 1000€ par mois. La DH a supprimé l’édition sports région et L’Avenir de Luxembourg a remis énormément de rubriques sportives aux permanents. J’ai gardé quelques piges à TV Lux et complété avec le droit passerelle. C’est 1300€ mais ma comptable me dit qu’il faut s’attendre à remettre minimum 50% aux impôts. 650€ dans notre poche, ce n’est pas faramineux », soupire-t-il. Le journaliste s’est appuyé sur les aides pour (sur)vivre. « Je dois avouer que je n’ai pas cherché d’autres boulots, j’ai préféré faire le gros dos. J’ai pu obtenir la prime de 5000€ mise en place par la Région wallonne. Ce sont 5000€ exonérés, ce qui m’a permis de tenir durant les 4-5 mois assez difficiles ».

Plus de sport, rebelote

Après cette période délicate, Florent reprend « tout doucement » en juillet. Août et septembre sont « deux bons mois ». Mais nous revoilà dans une situation où les activités et compétitions sportives sont strictement limitées. « TV Lux a supprimé une de ses émissions sportives, celle que je présentais. La DH est passée à 50% de sports en région et pour L’Avenir, c’est le même topo que mars dernier ». Une situation qui pousse le journaliste à chercher plus de sécurité. « J’ai postulé il y a 2 semaines pour un poste à TV Lux, c’est un mi-temps en information générale. J’adore le boulot de journaliste sportif, ça me ferait un peu mal de devoir bosser ailleurs. Je vais proposer des sujets en information générale pour compenser la perte. C’est par sécurité. Et je compléterai avec le sport lorsque tout reviendra à la normale ».

« J’ai gagné 74 euros en avril »

Julien Maret était correspondant à L’Avenir Namur. « On pourrait nous comparer à des sportifs qui ont été mis sur la touche du jour au lendemain. Le journaliste sportif, c’est un sportif », sourit-il. Le confinement de mars est arrivé au pire moment de la saison. « Mars-avril-mai, c’est le gros de la saison sportive. En foot, on arrivait dans les derniers matches pour les champions, les tours finaux. En basket, il n’y a pas eu de finale de la Coupe de province, pas de play-offs ». Passionné de sport, son travail de journaliste est une activité complémentaire. C’est cette organisation qui lui a permis de tenir le coup. « Sans mon activité principale, je n’aurais pas pu survivre. Pour le mois de mars, j’ai gagné 145€. Avril, 74€. En mars 2019, j’étais à 522€. En avril 2019, 423€. Le Covid-19 a eu un impact important ». Depuis, Julien a changé d’activité principale. Préparateur de commandes dans le domaine médical, il se réoriente dans la communication, CDI à la clé. Une plus grande sécurité, au prix de son métier de journaliste. « Mon nouvel employeur n’accepte pas que j’aie une activité complémentaire. J’ai dû arrêter le journalisme, je n’avais pas trop le choix. Je ne voulais pas prendre le risque d’être indépendant full time pour L’Avenir. Déjà avant le Covid-19. Quand je vois la situation des indépendants, ça me conforte dans cette décision. J’ai toujours voulu travailler dans le sport, c’était un job que j’aimais bien », indique le journaliste. Actuellement, toutes les activités sportives amateurs sont suspendues, y compris les entraînements. Les compétitions sont également interrompues, sauf pour les moins de 12 ans.

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