Namur - Des serres au service d’un concept éphémère
Le secteur de l’Horeca a payé, et payera encore probablement longtemps, un lourd tribut à la crise sanitaire. Pour essayer de garder le cap, certains ont fait preuve d’ingéniosité. C’est le cas du jeune chef namurois Ludovic Vanackere.
Ce n’est un secret pour personne, tous les secteurs de notre société n’ont pas vécu de la même façon la crise sanitaire qui nous frappe de plein fouet depuis plus de quinze mois désormais. On pense, entre autres, à ces secteurs qualifiés de « non essentiels ». L’Horeca, comme la culture au demeurant, a caracolé, jusqu’il y a peu encore, en tête de ce classement parfois établi de façon quelque peu arbitraire. Et ce, comme on a pu l’entendre ou le lire, parce qu’il fallait bien prendre des mesures « fortes » pour tenter de juguler cette épidémie qui a bousculé nos certitudes, malmené nos habitudes et modifié nos comportements sociaux.
Si, malgré les aides de l’Etat, certains restaurateurs ont dû se résoudre, la mort dans l’âme, à éteindre définitivement leurs fourneaux, ou à se réorienter professionnellement, il s’en trouve aussi un certain nombre d’entre eux qui ont rivalisé d’imagination pour apporter un peu de bonheur à leurs clients. C’est le cas du chef namurois Ludovic Vanackere. A la tête de l’Atelier de Bossimé, depuis dix ans, le jeune trentenaire a l’amour de la cuisine chevillé au corps et une motivation inébranlable qui le pousse à innover et à relever bien des défis.
Le premier confinement a d’ailleurs été pour lui l’occasion de le montrer en soutenant le milieu médical mis sous pression. « Comme nous ne pouvions pas travailler normalement, nous avons décidé de confectionner des « box apéro » que nous vendions ensuite au profit des équipes médicales. Nous avons fait ça pendant trois mois. Cela nous a permis de redistribuer environ 7.000 euros. »
Il fallait retravailler un peu
Avec le deuxième confinement, et son lot de fermetures en tous genres, Ludovic Vanackere, comme beaucoup de ses confrères, s’est posé la question de savoir ce qu’il allait faire. « Ça a été plus dur que lors du premier confinement, confie Ludovic. Il y avait très peu de perspectives. En février, on s’est dit qu’il fallait qu’on retravaille un peu. Alors, avec nos collaborateurs, on a lancé des « box repas » composés de produits locaux. C’est un concept qui a bien fonctionné et que nous allons continuer. A la mi-avril, on a cru qu’on allait pouvoir rouvrir. Et puis, on s’est rendu compte que rien n’allait bouger avant un moment. C’est alors qu’on s’est dit qu’il était grand temps de faire quelque chose ».
Passionné par son métier, et entrepreneur dans l’âme, Ludovic Vanackere a cherché le moyen de s’investir pour ses clients, tout en respectant les règles sanitaires édictées par les Autorités. C’est ainsi qu’est née l’idée des Serres de Bossimé. « Nous souhaitions montrer qu’on pouvait mettre en place un protocole sérieux pour recevoir nos clients en toute sécurité. En installant des serres avec vue sur le jardin, on pouvait non seulement respecter le principe des bulles, mais aussi créer une ambiance et une convivialité qui cadrent avec les valeurs que nous défendons. »
Et le succès ne s’est pas fait attendre. A un point tel que, d’ici le démontage des serres, début juillet, le carnet de réservations est, d’ores et déjà, quasiment plein.
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- © Jean-François Lahaut
Questions à Ludovic Vanackere. Tout le monde est gagnant !
La création des Serres de Bossimé, c’est également la fusion éphémère et réussie de deux équipes…
Oui. Au départ, nous souhaitions installer 14 serres, parce que nous avons, à l’intérieur du restaurant, quatorze tables. En discutant de notre projet avec Benjamin Schaul, du restaurant « Les Sens du Goût », on s’est dit qu’on pouvait lancer le concept avec son équipe et passer à 18 serres. Même si nous avons chacun nos spécificités, nous partageons les mêmes valeurs en ce qui concerne la qualité du service, l’accueil des clients, etc.
Concrètement, comment fonctionnez-vous ?
Personne ne tire la couverture à soi, même si on travaille sur le site de l’Atelier de Bossimé. On a réalisé une fusion des deux équipes. Tout le monde travaille ensemble et partage son expérience. C’est l’équipe des Serres de Bossimé. Tout le monde est gagnant dans cette expérience.
Pourquoi ne pas conserver les serres une fois que vous pourrez retravailler normalement ?
Parce que, dès le départ, ce projet a été conçu pour être limité dans le temps. Avec les serres, nous voulions retrouver nos réflexes de restaurateurs, mais c’est difficile d’exploiter ça à plus long terme. Le 5 juillet, le restaurant devrait fonctionner normalement et nous referons de la gastronomie comme nous le faisons depuis 10 ans. Les derniers services dans nos serres se feront le 3 juillet. Et puis, elles devraient être démontées et revendues. Cela dit, s’il devait y avoir une nouvelle vague, le concept pourrait redémarrer.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Je pense que nous allons subir les répercussions de cette crise durant quatre ou cinq ans. En ce qui nous concerne personnellement, nous avons perdu à peu près 15 mois dans la construction de notre projet. Il faudra du temps pour rattraper ça.
Ce que je regrette, c’est que les autorités n’ont pas jugé utile de considérer le secteur Horeca comme un allié dans la stratégie de déconfinement. On nous a stigmatisés et vus comme un vecteur de contamination, alors que ce n’était pas le cas. On aurait pu créer du lien social en continuant à travailler.