Mon rigolo bungalow du fond du jardin
Puisqu’il n’est pas encore possible de s’évader au bout du monde, pourquoi ne pas créer chez soi un lieu unique ? Experte, naguère, en décors de festivals, une entreprise flamande bâtit désormais vos rêves les plus fous…
Avant, les peintres, sculpteurs, ferronniers et menuisiers de Phixion, constructeur anversois de décors pour l’événementiel, fabriquaient des portes gigantesques et des scènes féériques, où des dragons tout feu tout flamme crachaient leur fiel au public extasié de We Can Dance, Graspop, De Schorre, Hellfest, Parookaville, Tomorrowland et bien d’autres barnums électroniques de Las Vegas ou d’Arabie saoudite. Mais c’était avant qu’un tout petit virus, en mars 2020, fauche les plus grands festivals mondiaux. « Quand les commandes sont tombées à l’eau, les unes après les autres, nous nous sommes demandé que faire de nos machines et de la compétence de nos artisans », se souvient Filip Hendriks, directeur des ventes chez Phixion. Trois constatations mènent rapidement l’entreprise, forte de 17 salariés et d’une vingtaine d’indépendants, sur la voie d’une curieuse reconversion : « Le premier confinement a montré que beaucoup de gens investissaient dans leurs jardins. Le second, à l’automne, que les Brico ne désemplissaient pas. Mais, surtout, que les comptes d’épargne des Belges, contraints aux staycations, ces vacances obligées au pays, n’en finissaient pas d’enfler… » Alors, pourquoi ne pas ériger des décors insolites… chez des particuliers ? Une poolhouse dans le style Gatsby le Magnifique ? Un bureau temple romain au bout de l’allée ? Un kiosque de yoga Marilyn Monroe ? Une salle de jeux (ou de bain) James Bond ? Une cave à vins chalet de montagne ? Une chambre d’ami conte des Mille et une nuits ? Aux développeurs de Phixion, rôdés au gigantisme et à l’originalité, rien ne paraît compliqué : en octobre dernier, une nouvelle branche d’activité - on ne parle plus de « décors », cette fois, mais d’« aménagements intérieurs permanents », afin de souligner la longévité des produits - voit le jour, baptisée HoXper (pour Home Holiday Experience). « Nous avons repensé notre business model : nous voulions offrir une perspective résolument amusante, quelque chose hors des sentiers battus, qu’on attend avec impatience… » La clientèle, « de middle class à fortunée » (située principalement en Flandre, même si « Bruxelles et l’étranger démarrent plutôt bien »), a répondu au quart de tour. Pour l’heure, elle alimente désormais sa folie de grandeur aux trois modèles existants de « Hoxpods », des unités standardisées de 7,5 à 60 mètres carrés : conçus pour s’adapter à l’extérieur comme à l’intérieur du domicile, le style fantasy, tout en verdure, rivalise avec l’organic, plein de volutes et de courbures, et le très demandé steampunk, dont l’esthétique mêle Belle Epoque, Révolution industrielle et science-fiction. « Mais ces trois thèmes ont pour vocation d’inspirer les prospects, poursuit Hendriks. Car la moitié des clients veulent, in fine, concrétiser des projets personnels. » Mancave, she-shed ou sans genre prédéfini, selon que l’installation est destinée, ou non, aux hommes ou aux femmes exclusivement, on trouve ainsi, parmi les souhaits tout récents des acheteurs, une luxueuse construction sur deux étages, ainsi qu’un donjon… BDSM.
-
- © Phixion
Dans l’usine de Beerse (Turnhout), où tout est fabriqué, de faux hublots de cuivre rouillés, patinés de vert-de-gris, attendent sagement leur assemblage. Ils donnent au site un petit air de chocolaterie à la Willy Wonka. Un œil non averti n’y verrait que du métal : tous ces objets sont pourtant en toc - du polystyrène expansé, recouvert d’un matériau dur, pour la pérennité. Inclus dans la décoration d’un pod, ils n’ont d’ailleurs pas besoin d’être « entiers » - comme en anatomie, une coupe frontale peut suffire : l’arbre qui enchantera la future chambre d’un enfant sans doute une peu sauvage semble ainsi sortir à moitié du mur - dans le jargon des « architectes de scène », on appelle cette illusion un décor en 2,5 D. Bien sûr, Phixion met un point d’honneur à satisfaire les goûts particuliers de chaque acquéreur. Veut-il, pour son bar Harry Potter, des poutres en chêne massif, plutôt qu’une imitation de bois ? Un toit rétractable équipé d’un système hydraulique, la climatisation, ou quantité d’extras audio-visuels ? Tout est question de budget. En fonction de la surface à aménager, des options, du degré de finition ou d’ingénierie, la facture débute à quelques milliers d’euros, pour gagner facilement les (très) hautes sphères. Habitué à livrer dans des délais courts pour les festivals, l’entreprise peut ainsi monter un ensemble standardisé en moins de cinq jours - jusqu’à 40 mètres carrés, aucun permis n’est d’ailleurs requis : « On a compris que les gens ne veulent pas de travaux interminables dans leur jardin… » En revanche, ils attendent du costaud. Qu’ils soient rassurés : Phixion est entré au livre Guinness des records pour l’édification de la plus vaste scène de festival open air jamais construite en altitude, et sous les vents - à l’Alpe d’Huez, durant l’hiver 2019. Parce qu’il serait quand même dommage qu’un vilain orage d’été transforme votre singulier pavillon de piscine western ou kinky girl en navire naufragé…
Info sur www.phixion.be.