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Marches folkloriques : se responsabiliser pour sauver le folklore

9 juillet 2021
par  François-Xavier Heynen
( Presse écrite , Demain, après le virus... )

Les marches folkloriques font partie intégrante des traditions de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Elles ont subi indirectement mais lourdement la crise de la Covid puisqu’en 2020 elles ont été supprimées. En 2021 la tradition tente de se réinventer, face aux consignes sanitaires. Mais cela ne sera possible qu’avec la volonté de tous.

Dans certains villages, l’origine de ces festivités remonte à plusieurs décennies. Ce qui se traduit parfois par l’impression qu’elles existent depuis le Moyen-Age. Le cortège entoure en effet souvent une procession religieuse, voire autour d’une châsse, ce qui permet d’entrevoir une origine plus lointaine que ce que les costumes napoléoniens pourraient laisser croire.

Les marches folkloriques animent les villages durant un week-end chaque année mais elles servent aussi, comme cela été démontrée dans la thèse de Céline Bouchat (ULB), d’un moyen d’intégration pour les habitants. En effet un esprit de groupe s’établit dans les différents pelotons et dans la compagnie.

La crise sanitaire a eu un impact immédiat et décisif sur la saison des marches puisque ces manifestations ont été interdites. Les raisons sont évidentes puisqu’il s’agit de rencontres de plusieurs centaines de personnes regroupées les unes contre les autres. Et la présence des cantinières, et de leur alcool, n’aide pas vraiment au respect des gestes barrières. Pour cette raison, en 2021 encore, la formule traditionnelle ne pourra évidemment pas être organisée.

Les corps d’offices et les organisateurs se trouvent face à un véritable casse-tête. Comment respecter à la fois la tradition et les consignes sanitaires ? Pour résoudre cette équation complexe, il faut donc transiger sur les habitudes souvent bien ancrées ou sur la santé publique.

Les autorités communales sont systématiquement impliquées, soit comme organisatrices, soit en accordant les autorisations. Leur marge de manoeuvre au niveau sanitaire est très étroite, pour ne pas dire inexistante. Toutefois, en mars, plusieurs bourgmestres ont interrogé l’expert Yves Coppieters.

Même si quelques aménagements peuvent être apportés, la réalité est peu négociable puisque, à Florennes par exemple, 1200 marcheurs déambulent dans les rues, parfois étroites, accompagnés de milliers de curieux. Il faut donc s’interroger sur les traditions. Mais comment les remettre en cause ?

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© FX Heynen

La solution la plus brutale, et peut-être la plus simple, a été la suppression pure et simple des marches folkoriques. C’est la formule adoptée l’année dernière. Mais cette année d’autres formules sont apparues.

Ainsi, M. Kevin Landrain qui participe à 17 marches folkloriques par an, en tant que soldat mais aussi en tant que « tambourî » a bouclé un Tour de l’Entre-Sambre-et-Meuse en « tambourant » : « Le but du Tour de la Sainte Rolende, c’est de demander du « Bon » pour les gens de Gerpinnes, moi j’ai pris le même principe pour demander du « Bon » pour l’ensemble des gens de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Il y a trop de personnes qui attendent que le folklore tombe du ciel alors que ce n’est pas ce qui va arriver. » A ses yeux, cette expérience renoue avec le coeur de la tradition des marches. En uniforme, il a bouclé 250 kilomètres en dix étapes et a récolté près de 4.000 euros pour une oeuvre caritative.

L’idée de se recentrer sur un Tour est aussi présente à Hanzinne : le comité y a décidé de réaliser une sortie en batterie. Dix tambourîs et quinze hommes, en uniforme et accompagné d’enfants, ont bouclé le Tour Saint Oger, soit une distance de cinq kilomètres. Le tambour-major, et échevin, M. Grégory Chintinne précise : « Les enfants porteront les tenues des différentes compagnies, ce sera une façon de symboliser l’ensemble de notre Marche. Les enfants, c’est notre avenir, ce sont eux qui marcheront plus tard. »

L’approche est ici très pragmatique et se base sur le formulaire CERM qui permet d’introduire auprès des autorités une demande conforme aux règles sanitaires. « Il est donc possible d’organiser des manifestations et c’est comme cela que nous pourrons relancer le folklore. »

Pourtant la qualité des efforts déployés pour respecter les consignes et le niveau de symbolisme atteint n’offrent pas un rempart suffisant contre la maladie si les participants ne se responsabilisent pas. En effet, organisateurs et policiers ne seront jamais assez nombreux pour encadrer les participants et le public. D’autant que l’absence des cantinières ne tarit pas la possibilité de trouver de l’alcool. D’autant que chaque maison, chaque jardin, peut potentiellement servir de base arrière pour épancher sa soif. Certains pourraient même y voir une façon de revivre la Prohibition à domicile. Dehors les retrouvailles familiales et amicales s’opèrent en dehors des bulles respectée jusque là. Informations éclairées des Pouvoirs Publics et répression éventuelle ne suffiront pas. La responsabilité individuelle est donc immanquablement engagée dans l’équation.

La gestion des marches folkloriques en période de Covid n’est-elle pas finalement une illustration à grande échelle du combat que chacun d’entre nous doit mener personnellement pour trouver un nouvel équilibre entre consignes et habitudes ? En tous les cas, en de nombreux endroits de l’Entre-Sambre-et-Meuse la tradition renaît peut à peu, sous des formes diverses.

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