« Les relations Sud-Sud sont plus importantes que Nord-Sud »
L’ASBL Fasokamba a déjà construit des écoles, financé des panneaux photovoltaïques…et des potagers scolaires au Burkina Faso.
En voyage à Ouagadougou pour un colloque sur le développement durable, Michel Installé, professeur émérite à l’UCLouvain, et sa collègue Marie-Paule Kestemont ont découvert la brousse burkinabé et sa réalité. Une escapade qui est à l’origine de la création de l’ASBL Fasokamba en 2006. « Cette sortie, on l’a faite avec un de mes étudiants qui travaillait au bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Sur place, on s’est en fait rendu compte que le développement passait aussi par la formation, l’éducation des enfants, affirme le Walhinois. Avec ma collègue, on s’est dit : « Et si on créait une association dans le but de favoriser tout ce qui touche à l’enseignement en milieu rural ». On en a parlé autour de nous, on a trouvé des donateurs, mis en place un budget d’environ 40 000 euros et construit une école à Bangana, un village que connaissait mon étudiant. »
Quinze ans plus tard, l’ASBL affiche un bilan impressionnant. Construction ou agrandissement d’écoles dans trois villages ruraux, de latrines et de 200 tables-bancs. Sans parler de l’aménagement de six logements pour instituteurs. La Province du Brabant wallon a d’ailleurs subsidié une partie des projets, apportant ainsi de la crédibilité à l’association. « Les gens nous ont dit que c’était très bien, mais que la nuit tombait tous les jours à 18 heures et que ce n’était pas possible de donner cours en soirée, sans électricité. Nous avons donc financé les panneaux photovoltaïques, qui ont toutefois été installés par les habitants du village. Ils ont d’ailleurs suivi une formation pour entretenir les batteries. Maintenant, les femmes peuvent participer aux cours d’alphabétisation en soirée, grâce à l’électrification des écoles. »
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- Michel Installé
- © Pierric Brison
Jusqu’en 2014, l’ancien professeur de l’UCLouvain se rendait annuellement au Burkina Faso pour découvrir les avancées. « Sur place, je me rendais compte à quel point nous étions gâtés de vivre en Belgique, avec les voitures, l’électricité et tout le confort. Puis à quel point ces Burkinabés étaient courageux et souriants. Ils ne se plaignaient jamais. Je me souviens que tous les enfants rêvaient de devenir le prochain Vincent Kompany, de jouer au football en Europe. Moi, je jouais un peu avec eux. Quand je partais là-bas, j’emportais à chaque fois 6 à 7 ballons dégonflés dans ma valise. C’était une joie formidable pour eux de les recevoir. Une joie comparable à l’arrivée de l’électricité dans le village. Je me rappelle du visage de ces femmes qui pouvaient apprendre à lire et écrire, grâce aux lampes. Leur fierté au moment de répondre aux questions écrites sur le tableau. Formidable ! »
Les différences culturelles ont aussi étonné le Brabançon. « Lorsque je suis arrivé dans un village électrifié une année auparavant, le chef est venu me voir, tout chamboulé parce qu’un interrupteur ne fonctionnait plus. La pièce en question était plongée dans le noir. Je suis entré et j’y ai jeté un œil, avec une quinzaine de personnes autour de moi. J’ai enlevé le cache de l’interrupteur. Il était complètement empoussiéré. Dans cette zone géographique, il aurait fallu des caches étanches, évidemment. J’ai donc pris ma respiration et j’ai soufflé un grand coup sur l’interrupteur pour évacuer la poussière, j’ai refermé la boîte et la lumière est apparue. Ils étaient ébahis. J’étais devenu une personne dotée d’un pouvoir magique », raconte-t-il en éclatant de rire.
Après ce passage, l’association a aussi commencé à financer des bourses d’étude, pour que les jeunes puissent poursuivre leur cursus à l’école secondaire, qui se trouve à proximité. « Des critères de sélection ont été décidés. Il y a autant de filles soutenues que de garçons, cette égalité était très importante à nos yeux. Cette aide financière s’adresse aux familles aux revenus modestes. On leur demande juste de prendre en charge 10% des frais scolaires, pour qu’ils soient impliqués. » Et ce sont jusqu’à 25 enfants par an qui ont l’occasion de fréquenter l’école secondaire grâce à l’aide apportée par l’association. « Une élève travaille à présent dans le domaine de la santé animale, un autre est économiste, c’est encourageant », affirme Michel Installé (82 ans), qui a laissé la présidence de l’ASBL à sa collègue Marie-Paule Kestemont.
Ces métiers sont toutefois assez rares à Bangana, Kaba ou Guia et Poupourou, les villages soutenus. Les communautés sont en effet peuplées d’agriculteurs. C’est en partant de ce constat que les trois membres du conseil d’administration de l’association ont ajouté un volet à leur projet : les jardins scolaires. « L’objectif est que les enfants développent des capacités d’agro-écologie avec la création d’un potager scolaire. Pour les parents, c’est très primordial. Cela donne plus de sens à l’éducation. D’autant plus que les enfants se nourrissent à midi de la production maraîchère. » Un puits a également été placé pour irriguer les cultures, respectueuses de l’environnement et saines.
Toutes ces activités sont en fait supervisées sur place par Sylvain Korogo. « C’est notre homme de confiance. Il est formidable. A la fois idéaliste, mais aussi tellement réaliste dans son travail avec les enfants. » Et des règles ont été mises en place par l’association. « Nous ne voulons pas tomber dans l’assistanat pur et simple, qui fait que lorsqu’on quitte le village, plus rien n’est fait. Ces personnes doivent se prendre en charge, petit à petit, et participent à nos actions. »
Pour ce faire, Michel Installé et Marie-Paule Kestemont ont leur méthode. « Nos projets pour le futur, c’est que des potagers scolaires voient le jour un peu partout dans la campagne burkinabé et que des relations se créent entre les différents responsables, pour que naisse un mouvement de partage et de collaboration. Mais qu’il s’agisse d’une collaboration Sud-Sud et pas seulement Nord-Sud. Que le lien se fasse entre eux. Ce concept, ils l’ont bien compris. Et c’est nettement plus important que les relations Nord-Sud. » De cette manière, l’ASBL Fasokamba pense avoir des effets bénéfiques et durables sur la région africaine.
Il est possible d’obtenir des informations complémentaires en visitant le site www.fasokamba.be.