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Le kayak navigue toujours en eaux troubles

9 juillet 2021
par  Vincent Josephy
( Presse écrite , Le virus du sport )

Malgré la sympathique allusion effectuée par la Première Ministre Sophie Wilmès lors du premier confinement, le virus du kayak n’a pas connu une explosion significative. Pourtant, comme le confirme Maxime Richard, quadruple champion du monde de la discipline, à s’agit à la fois d’un sport exigeant et rafraîchissant.

Il aura fallu une petite remarque mi-sérieuse, mi-amusée de Sophie Wilmès en plein Codeco, pour que le kayak fasse, à l’insu de son plein gré, un buzz inattendu. Pour rappel, on est en plein cœur du mois d’avril 2020, en période de premier confinement. La Première Ministre de l’époque, qui a déjà été « spottée » au préalable sur la Lesse pagaie en mains, évoque les activités sportives autorisées, avec distanciation et sans contact : « comme par exemple le tennis, l’athlétisme, la pêche ou… le kayak », annonce-t-elle solennellement.

Rapidement, les détournements sont nombreux sur les réseaux sociaux. Les railleries ne tardent pas à suivre au sujet de ce sport-palindrome par excellence. « Le kayak ? Et pourquoi pas l’aqua-poney ? » peut-on notamment lire ou entendre à droite et à gauche. Pourtant, s’il dégage parfois l’image d’une activité de loisir rafraichissante qu’on a toutes et tous fait un jour sur la Lesse ou l’Ourthe lors d’un voyage scolaire, le kayak peut tout aussi bien être un véritable sport exigeant, à la fois technique et physique quand il est pratiqué dans une optique de compétition. Avec le recul, on ne peut pas vraiment dire qu’il ait pleinement profité de cette subite et assez inhabituelle mise en lumière, que le virus du kayak ait connu une flambée de ‘contaminés’ incontrôlable.

Le bon choix de Sophie

Pour s’en rendre compte, nous sommes partis du côté d’Anseremme, là où la Lesse se jette dans la Meuse dans un cadre bucolique, afin de faire le point en terrasse, en compagnie d’un prestigieux hôte, Maxime Richard. Considéré depuis des années comme « le » spécialiste belge en la matière, ce passionné passionnant compte notamment quatre titres de champion du monde à son palmarès. En 2012, il a également participé aux Jeux olympiques de Londres, où il avait fini 12e dans une discipline différente de celle qu’il pratique habituellement. Et aujourd’hui, s’il participe encore à des compétitions internationales avec de l’ambition, il œuvre aussi de plus en plus pour la promotion et le développement de son sport, notamment auprès des plus jeunes, qu’il aime abreuver de précieux et judicieux conseils pour les sortir au mieux des eaux troubles.

« En réalité, cette sortie de Sophie Wilmès m’avait bien fait marrer, explique-t-il aujourd’hui avec pas mal de recul. Pendant quelques jours, cela a donné de la lumière au kayak et j’avais même passé entre 5-6 heures par jour au téléphone à répondre aux questions des journalistes. Ce qui était drôle, en fait, c’est qu’elle ait spécifiquement utilisé le terme de kayak alors qu’elle voulait sans doute parler des sports nautiques de manière plus générale : l’aviron, la voile, le stand-up paddle et, bien sûr, le kayak qui, de base, met une distanciation entre ses pratiquants. Il y a eu pas mal de chouettes détournements sur les réseaux sociaux et madame Wilmès elle-même s’en est amusée en postant une photo d’elle et de son compagnon qu’un ami à moi avait prise d’eux tout près d’ici, à Pont-à-Lesse. Du coup, pas mal de gens m’ont contacté pour savoir si je n’avais pas du matériel à leur proposer à la location ou à la vente. De là à dire qu’il y a eu un engouement durable… »

De l’intérêt oui, un boom, non !

En réalité, beaucoup de gens se sont subitement intéressés au kayak, qui était devenu un sujet récurrent de discussion. Certains ont dévalisé les rayons Decathlon pour s’équipier à bas coût et faire parfois un peu n’importe quoi mais, au niveau des affiliés, on n’a pas assisté aux remous qu’on aurait pu imaginer en cette période pour le moins délicate.

« A ce moment-là, les gens qui avaient leur propre matériel – et qui ne sont pas si nombreux en Belgique – ont certainement repris leurs activités avec bonheur. Mais nous, on ne pouvait pas organiser de stages ni ouvrir les clubs pour les éventuels nouveaux intéressés. Donc on a fait certains déçus. Le kayak attire beaucoup de gens adeptes d’activités en pleine nature, de sports de glisse qui peuvent se pratiquer dans des endroits exceptionnels. Durant l’entre-deux confinements, on a eu beaucoup de curieux qui ont tenté une descente mais on ne pouvait pas tout le temps les accueillir dans de bonnes conditions, puisque les vestiaires ou les buvettes étaient fermés. Il y a eu un frémissement de l’intérêt, oui. Mais de là à parler d’un boom... »

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© Maxime Richard

« Presque né une pagaie en main »

En se penchant un peu plus en détail sur la belle et longue carrière de Maxime Richard, on se rend compte qu’à l’instar d’Obélix, il est tombé dans le monde du kayak quand il était tout petit. Ce qui lui confère une sacrée force… de caractère. Aujourd’hui âgé de 33 ans, il a rapidement été en contact avec ce sport familial pratiqué notamment à un très bon niveau par son paternel, ancien membre de la sélection nationale lui aussi. Originaire de Dinant, où il est né et a grandi, il est « presque né avec une pagaie en main ». « Je me souviens que quand on partait en vacances, il y avait toujours un kayak dans les parages, rappelle-t-il non sans une certaine nostalgie. J’ai commencé vers l’âge de 7 ans et, contrairement à mon frère et à ma sœur, j’ai directement accroché, notamment parce que j’ai développé un côté plus compétitif. C’est un sport individuel, d’extérieur et nature qui me convient à merveille. Mon bonheur, c’est plutôt le côté descente de rivières, les vagues, la glisse. Mais même s’il dégage un côté fun, il est excessivement exigeant, notamment en hiver quand il faut affronter les conditions climatiques qui incitent plutôt au cocooning. Quand il pleut, qu’il neige ou qu’il fait en-dessous de zéro degré et que tu sais que tu vas être forcément mouillé, tu as parfois envie de rester dans ton divan/. Mais à la fin de chaque séance, tu es heureux de l’avoir faite. »

Un petit Belge roi de la descente

Affirmant adorer les valeurs de ce sport exigeant qui génère beaucoup d’entraide et de respect, Maxime Richard s’est rapidement dirigé vers la spécialité de descente de rivière, plus exigeante et agitée que la course en ligne sur plan d’eau, mais sans doute moins adaptée aux conditions de navigation des rivières belges. Souvent parti à l’étranger, où les débits sont plus importants, il s’entraîne avec les meilleurs spécialistes étrangers, progresse rapidement au point de devenir l’un des meilleurs spécialistes européens et mondiaux. Ce qui, en sa qualité de kayakiste belge, a de quoi surprendre. « C’est évidemment une fierté immense pour moi et pour la Belgique, qui a toujours compté et compte toujours quelques bons athlètes dans mon sport, affirme-t-il. Etant subventionné par l’ADEPS, on avait convenu que j’essayerais de me qualifier pour les Jeux olympiques de Londres, ce que j’ai su faire. Mais, au risque de choquer, les Jeux, pour moi, ce n’était pas un rêve de gosse parce que ma discipline de prédilection n’est pas olympique. Ce n’était pas mon moteur mais c’est devenu un objectif de carrière que j’ai atteint. L’idée, c’était de les découvrir à Londres et d’essayer de performer à Rio quatre ans plus tard mais des blessures aux bras m’en ont empêché. Mon rêve, c’était d’être champion du monde en descente de rivière et je l’ai été à 4 reprises : en 2010, en 2013 et à deux reprises en 2016. On est seulement quatre au monde à avoir obtenu quatre titres. J’espère toujours devenir le premier à en obtenir un 5e, ce qui aurait peut-être pu être possible l’an dernier (NDLR : les championnats ont été annulés). Cette année, ils auront lieu fin septembre à Bratislava, dans un bassin de slalom avec énormément de débit, ce qui ne favorisera pas les petits gabarits comme moi. L’objectif plus réalisable, ce serait peut-être davantage le championnat d’Europe du mois d’août. »

Jeune papa-poule, plus posé et sans doute passionné qu’il l’était étant plus jeune, Maxime Richard narre encore des tas d’anecdotes sur ce sport qui lui a tant donné et à qui il est en train de tant donner à son tour. « J’ai encore des objectifs de performances individuelles mais je ne saurai sans doute continuer au plus haut niveau qu’un, deux ou trois ans grand maximum. Aujourd’hui, je me tourne davantage avers la promotion du kayak et vers des projets d’aventures, de traversées. Je ne suis pas encore prêt à faire des journées de 8-16 au bureau. Je veux que mes projets aient du sens. »Celui de la descente, bien sûr…

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