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Le coronavirus creuse le fossé

27 janvier 2021
par  Freddy Gillain
( Presse écrite , Demain, après le virus... )

Écrire que la covid 19 a transformé notre perception des choses, nos relations, notre mode de vie voire de pensée est aujourd’hui une évidence.

Ce que l’avenir nous réserve, personne ne le sait. La seule certitude est que si certains irresponsables poursuivent leur politique de désinformation, font l’autruche ou croient que cela n’arrive qu’aux autres, on peut déjà inscrire, dans nos agendas, une troisième vague qui risque de faire plus mal encore et de creuser encore plus un écart qui, s’il existait déjà, ne fera que s’amplifier.

Cet écart, on le retrouve partout, à tous niveaux et dans tous les domaines. Au niveau économique, bien sûr, entre les riches qui s’en sortiront toujours et ceux qui restent au bord du chemin, entre ceux qui ont un boulot sûr et ceux qui, chaque jour, se demandent ce que sera leur quotidien, entre ceux qui peuvent ouvrir leur magasin parce qu’ils sont considérés comme essentiels et ceux qui ne le sont pas, mais qui ne comprennent pas toujours pourquoi.

Mais cet écart se retrouve dans des domaines que l’on croirait apparemment fort éloignés de l’économique. C’est le cas du non marchand, en général et de l’enseignement en particulier. Ici aussi les différences sont énormes et apparaissent davantage au grand jour.

Une première différence entre les types d’enseignement. Longtemps et c’est encore parfois le cas aujourd’hui, beaucoup considèrent encore l’enseignement général comme supérieur à l’enseignement technique et qualifiant. Combien de fois n’entend-on pas si tu ne suis pas chez nous, tu iras en technique ou en professionnel. Et le plus grave c’est que, à l’intérieur même de l’enseignement, certains en sont encore convaincus, même si, en public, ils affirment le contraire.

Mais l’économique, qui est partout, sévit également dans l’enseignement. S’il est vrai qu’une bonne partie du public suivant l’enseignement général, dans certaines écoles huppées, vient d’un milieu généralement favorisé, d’autres ont peut-être moins cette chance. Un exemple parmi d’autres. Depuis le début de la pandémie et du confinement, l’enseignement est organisé de façon hybride. Une partie des élèves des classes supérieures, après la seconde année du secondaire, coupent leur semaine en deux. Ils vont trois jours en présentiel, à l’école la première semaine et deux jours en distanciel et changent de régime la semaine suivante. Mais l’enseignement à distance ne se fait pas sans problème. C’est ici que l’on retrouve l’écart. Si les élèves issus de milieux favorisés n’ont guère de difficulté pour acquérir le matériel nécessaire, au minimum un PC ou une tablette, il en est parfois, pour ne pas dire souvent, tout autrement dans des milieux moins favorisés. Si dans certains, les parents suivent davantage leurs enfants et leurs études, d’autres n’ont pas nécessairement cette possibilité.

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Dans une école namuroise, les élèves des sections « coiffure et esthétique » présentent, chaque année, leur travail lors d’un défilé. Aujourd4hui, ils n’ont même pas toujours la possibilité d’effectuer leur stage, nécessaire à leur formation.
A la recherche d’une qualification

De plus, l’enseignement qualifiant a la particularité de former à des métiers. Il donne à la fin du cycle d’étude, une qualification, c’est-à-dire la possibilité de pratiquer directement un métier. Si l’enseignement à distance peut relativement bien fonctionner dans l’enseignement général, il en est tout autrement dans l’enseignement qualifiant, où les jeunes ont des cours pratiques qu’ils ne peuvent plus suivre qu’à mi-temps. Quand ils le peuvent. En effet, en raison des mesures sanitaires du moment, certains métiers sont considérés comme non essentiels. C’est le cas pour les salons de coiffure ou d’esthétique. Comment les écoles qui forment des jeunes à ces métiers peuvent-elles assurer toute la formation nécessaire ? D’autant plus qu’il n’est évidemment pas possible d’effectuer des stages chez des professionnels du métier. Or, c’est une partie importante de la formation de ces jeunes. A moins que certains ne bossent chez des patrons qui travaillent en noir et cela, bien évidemment fausse le débat.

Donc, non seulement on retrouve les élèves issus de milieux défavorisés dans l’enseignement qualifiant, mais en plus ils ne peuvent pas suivre leur formation de manière optimale.

Et c’est ici que le fossé se creuse, à nouveau, de plus en plus. La solution ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Elle demande du temps et surtout la volonté d’y arriver. Le Pacte pour un enseignement d’excellence prévoit, dans l’enseignement, une plus grande diversité, un plus grand mélange entre jeunes de divers milieux. Mais c’est toute une mentalité qu’il faut changer et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faudra du temps, beaucoup de temps et on n’est nullement certain d’une réussite. Pour cela, il faut convaincre le milieu enseignant, les parents, les élèves et ce n’est pas gagné.

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