La fermeture des frontières offre à l’escalade belge un exploit historique
La grimpeuse belge Anak Verhoeven a réussi début juin l’ascension en falaises la plus dure jamais effectuée en Belgique. A défaut de pouvoir rejoindre ses parois de prédilection en France et en Espagne, la jeune femme a transformé la fermeture des frontières en défi noir-jaune-rouge.
L’ascension d’Anak Verhoeven a fait beaucoup de bruit dans la communauté des grimpeurs belges et même européens. Mais l’emplacement de la falaise est lui gardé secret, par peur que le lieu n’attire trop les foules. « Je n’ai pas trop réfléchi au côté ‘exploit historique’ de ma performance », explique la grimpeuse. « C’est une nouvelle voie dure en Belgique qui est née, et je suis contente de l’avoir ouverte. Après, quand j’ai posté la nouvelle sur Instagram, ça a eu beaucoup plus de retentissement que ce que je pensais. Je ne m’attendais pas du tout à ça. »
La jeune femme n’était d’ailleurs pas la seule à reluquer la réussite de cette voie. Le grimpeur Simon Lorenzi s’y attaquait aussi depuis plusieurs jours. Quelques jours plus tôt, le garçon donne le ton sur Instagram : « À partir de maintenant, la bataille commence pour une des voies les plus difficiles de Belgique ». C’est finalement Anak Verhoeven qui remporte rapidement le défi. « Tout est allé très vite. Je n’ai même pas vu Simon sur la voie. Il n’était pas là en même temps que moi. »
La voie est cotée 8c+/9a : les Belges capables de grimper à un tel niveau se comptent sur les doigts d’une main. Et les falaises wallonnes, hors confinement, sont rarement leur terrain de jeu prioritaire.
L’exploit est à portée de main
Le mercredi 3 juin, Anak Verhoeven et son père-entraineur se rendent pour la cinquième fois sur le site. La grimpeuse s’échauffe, travaille encore les quelques mouvements de la voie qui lui manquent avant de tenter une première ascension complète. « Je fais toujours attention à bien mémoriser tous les mouvements avant de faire une tentative d’ascension. », explique la grimpeuse. « Selon moi, ça ne sert à rien de faire des essais et de les rater car tu ne connais pas les méthodes, tu ne sais pas trop où tu dois placer tes pieds… En temps normal, je préfère ne plus devoir travailler la voie le jour où j’essaye une ascension complète. Mais ici, je n’ai pas trop eu le choix. »
La voie est en grande partie en dévers et fait une vingtaine de mètres. « Ce n’est pas très long, mais ce n’est pas pour cela que c’est moins compliqué », explique-t-elle. La première tentative est un échec : Anak Verhoeven chute sur le dernier mouvement difficile. Elle décide de réétudier le passage et de faire quelques ajustements pour l’essai suivant. « C’est toujours un peu stressant quand tu te dis ‘ je sais que je peux faire la voie, mais est-ce que j’ai encore assez de force aujourd’hui pour la réussir ?’ ». La grimpeuse prend une pause. L’exploit est à portée de main.
La deuxième tentative sera la bonne. « Au moment de terminer la voie, j’étais vraiment soulagée. », décrit la grimpeuse. « Ça fait vraiment du bien de finir une voie dans laquelle tu as mis beaucoup d’énergie et de concentration, car tant que tu ne l’as pas réussie, tu n’as rien. Si tu tombes, même au tout dernier mouvement, ça ne compte pas ! Au final, je trouve que j’ai mieux grimpé la deuxième fois. J’étais moins stressée, je ne sais pas pourquoi. J’ai fait ce mouvement un peu risqué là-haut, et puis c’était bon. » La grimpeuse descend de la paroi et prend son père dans ses bras. La pression retombe.
Une ambiance presque studieuse
Le cinéaste John Janssens filme l’entièreté de la séance : « J’ai trouvé ahurissant à quel point Anak est méthodique. Elle travaille chacune des parties de la voie. Elle essaye tout. Quand elle a trouvé une méthode qui fonctionne parfaitement, elle va quand même descendre de quelques mouvements pour réessayer. Une fois que c’est calé, ce n’est plus qu’une question d’enchainement ».
Pour le cinéaste, la grimpeuse est une force tranquille : « Pendant qu’elle grimpe, l’ambiance est très calme, presque studieuse. Anak y va progressivement, en usant de beaucoup de souplesse. Elle fait cela avec tellement de contrôle que ça paraît facile. ». La grimpeuse de vingt-trois ans n’en est pas à sa première performance. En 2017, elle était la deuxième femme au monde à grimper en falaise une voie de cotation 9a+. L’année précédente, elle décrochait la médaille d’argent aux mondiaux d’escalade.
Une performance qui prend la couleur de l’hommage
En tant que première grimpeuse à achever la voie, Anak Verhoeven peut lui donner un nom. Son choix se porte sur « Kraftio », en hommage à Chloé Graftiaux, grimpeuse belge décédée lors d’une sortie dans le massif du Mont Blanc en août 2010. « C’est un petit hommage. Aujourd’hui, la tristesse est toujours là, mais comme ça on n’oublie pas Chloé. », explique la jeune fille.
Le prochain challenge à accomplir pour les grimpeurs belges est d’ouvrir en Belgique une voie de cotation 9a, niveau mythique de l’escalade. La voie « Kraftio » se situe juste un niveau en dessous. L’objectif serait dans le viseur d’au moins un grimpeur.