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La convivialité à distance

25 juin 2020
par  Patrick Fievez
( Presse écrite , Le virus de la débrouille )

De longues semaines de confinement ont affecté les habitudes des Belges. Sur le plan des loisirs gourmands aussi, avec la fermeture des établissements Horeca. Mais en ce qui concerne les pauses apéritives, les « skyperos » remplacèrent pour beaucoup la fréquentation des bars et cafés. Une devise : « Confiné, oui. Abstinent, non ! »

Le résultat constaté : une augmentation de la consommation des vins, bières et alcools à domicile. Même si, avec ce confinement, toute fête familiale (Pâques, communions, mariages) et entre amis, n’était pas possible, les aficionados des apéritifs et des repas où le verre faisait jeu égal avec l’assiette, entre confinés, trouvèrent la parade.

Tout avait pourtant mal débuté. Pour les amateurs de vin, nos enseignes de la grande distribution démarraient – où allaient commencer- leurs traditionnelles « foires printanières ». Au vu de la décision gouvernementale d’interdire toute promotion, elles furent interrompues (Cora) ou annulées (Carrefour Market). Il n’empêche que nos enseignes, et aussi certains cavistes ouverts, ont vu affluer les amateurs de boissons spiritueuses. Razzia sur les »BIB » (les « bag in box », anciennement appelés « cubitainers »). Il faisait beau de surcroît, l’heure était venue pour les premiers barbecues. Le rayon « BIB » de Delhaize et Carrefour ne suivait pas la demande. Certains samedis après-midi, ce rayon était même désespérément vide. « Ce n’était pas prévu », analysent leurs acheteurs qui enregistrèrent plus de 20% d’augmentation des ventes par rapport à la même période de l’an dernier.

De l’alcool à 96° acheté pour la macération de fruits à la fabrication de gel hydro alcoolique

Les frontières fermées, on remarqua un autre phénomène. Les habitants proches de la France et du Luxembourg, ayant l’habitude de faire leurs achats en vin et spiritueux dans ces deux pays, furent dans l’obligation de les accomplir en Belgique. « Surtout les alcools qui se prêtent aux cocktails comme gin, rhum et vodka, ont vu leurs ventes fortement augmentés dans nos magasins proches de ces deux frontières », analyse le porte parole de Colruyt. Et aussi, un autre phénomène, marginal mais singulier : la vente, toujours chez ce distributeur, de bouteilles d’alcool neutre à 96° destiné à la macération de fruits à l’eau-de –vie. Elles servirent à la production de gel hydro alcoolique ! L’augmentation fut aussi significative pour…les chips, accompagnement traditionnel des apéritifs. La grande distribution estime à plus 20% la hausse de leur vente durant ces semaines confinées.

« Nos caves se sont vidées durant le confinement. Et, entre amis, on s’envoyait les photos de nos bouteilles »

Mais si les achats de vins et d’alcools se confirmèrent au fil des semaines du confinement, les amateurs de vin bénéficiant d’une cave garnie de beaux flacons, y descendirent plus qu’à l’accoutumée. De la bonne bouteille que l’on présente à table pour le repas dominical, la tradition –pour certains – devint quasi quotidienne. « C’était même l’escalade entre amis. On leur envoyait une photo de la bouteille de notre souper et, généralement, eux en renvoyait une avec la leur… Nos caves se sont un peu vidées durant ce confinement », se souvient Olivier, membre d’un Club d’oenophiles. « En remettant de l’ordre dans ma cave, j’ai retrouvé quelques bonnes bouteilles de Bourgogne que j’avais oublié », se félicite son ami Edouard. Ces derniers proposèrent aussi des apéros virtuels via skype et zoom appelés par certains « skyperos ». L’occasion de partager leurs avis sur le choix des apéritifs : Une certaine Belgique joyeuse en fin de journée, une convivialité à distance qui faisait du bien.

Les vignerons belges ont aussi soufferts de la pandémie

Dans les vignes, comme dans tout travail agricole, des mesures furent prises – et le sont encore – pour la distanciation physique. « Une rangée sur deux est occupée alors que d’habitude l’on travaille l’un en face de l’autre. Le travail prend ainsi davantage de temps », constate Raymond Leroy, initiateur et copropriétaire du Domaine des Agaises à Haulchin près de Binche, devenu aujourd’hui le plus grand vignoble du pays, producteur de la célèbre « méthode traditionnelle » Cuvée Ruffus. « Nous louons chaque année, en France, une machine qui nous permet de dégorger nos bouteilles, soit retirer le dépôt qui s’y est formé. Malgré la fermeture des frontières, nous avons néanmoins obtenu une autorisation pour nous la faire livrer ». Mais le plus grand regret de Raymond Leroy fut l’annulation des festivités hennuyères où le Ruffus, traditionnellement, coule à flots comme les carnavals, le Doudou montois et le Festival de Dour. Ici, la fête n’était pas au rendez-vous. Ni des rentrées financières pourtant bienvenues.

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