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L’entretien d’embauche digital : une tendance partie pour durer ?

22 janvier 2021
par  Cécile Danjou
( Presse écrite , Demain, après le virus... )

Confinement oblige, certains candidats ont dû vendre leurs compétences derrière un écran pour décrocher un emploi. L’interview en ligne se développait déjà avant la crise, celle-ci lui a donné un nouveau coup de boost.

Veste tailleur noir sur les épaules, cheveux tirés en arrière, Hélène souffle un bon coup. Dans quelques minutes, cette assistante de direction va tenter de décrocher un nouvel emploi au sein d’une société immobilière. Mais petite différence avec un entretien d’embauche classique, son rendez-vous se déroulera entièrement en ligne. Dernier ajustement de la lampe qu’elle a installée derrière son écran, ultime vérification de la connexion wifi, puis la sonnerie Skype finit par retentir. « Bonjour Madame Kardacz », sourit la DRH de l’autre côté de l’écran. Quarante-cinq minutes plus tard, notre trentenaire bruxelloise est décontractée. « Ça s’est plutôt bien passé. Finalement, on oublie vite qu’on est derrière un écran et la discussion devient naturelle. J’ai parlé de mon parcours, de ma personnalité, comme lors d’un entretien d’embauche en face en face finalement ».

Une adaptation rapide

Depuis le début de la crise, les entretiens de ce type se sont multipliés dans de nombreux secteurs d’activité. Une solution pratique qui s’est rapidement imposée dans les entreprises qui avaient, malgré le contexte économique et sanitaire, besoin de recruter du personnel. Chez Securitas, société spécialisée dans le gardiennage, 1.500 personnes sont engagées chaque année habituellement. « Dès le premier confinement, on a directement embrayé sur le virtuel. On n’avait pas le choix car pour 1.500 personnes à recruter, nous réalisons environ 5.600 interviews, on devait donc assurer une continuité », reconnaît Laetitia Vercauteren, Manager Recruitment dans l’entreprise. Chez Sibelga également, les procédures ne se sont jamais vraiment arrêtées depuis le mois de mars. « Nous avons certains profils qui sont difficiles à trouver, les profils techniciens et IT notamment et pour eux, il y avait un besoin en interne », reconnaît Alain Berton, le responsable du recrutement du gestionnaire des réseaux de gaz et d’électricité bruxellois. Dans les deux structures, c’est donc sur Zoom, sur Teams ou sur Skype que les candidats ont dû défendre leurs atouts et leurs compétences. « On faisait très très peu d’entretiens digitaux avant. Mais on était finalement bien équipé, on s’est rendu compte qu’on avait tous les outils pour les faire », poursuit notre interlocuteur, qui constate que l’adaptation s’est faite très rapidement. « Aussi bien côté candidats que recruteurs d’ailleurs ». Pourtant, à première vue, l’idée de recruter en ligne peut refroidir. « « Il faut apprendre à mettre les candidats à l’aise, parce qu’ils ne se sentent pas toujours confortables devant une vidéo. Le contexte privé intervient aussi, on rentre chez eux quelque part. Tout ça, il faut apprendre à maîtriser ». « Il y a parfois des soucis techniques, de connexion notamment. On conseille aux candidats de soigner le cadrage et de faire un essai avant », ajoute de son côté Laetitia Vercauteren. Mais nos deux interlocuteurs sont formels : « Ça fonctionne ! ». Et la formule aurait même des avantages comparée au présentiel. « C’est un gain de temps et c’est facile à planifier », confie la DRH d’une grande banque. Alain Berton acquiesce. « Les candidats sont souvent beaucoup plus disponibles. D’habitude, lorsque l’interview a lieu chez nous, ils doivent poser un jour de congé ou s’arranger pour venir après leurs heures de travail. Ici, pas besoin de déplacement ». Quant au contenu même de l’entretien, l’écran ne modifierait pas les grandes lignes. « La conduite est plus ou moins identique. On constate même que c’est souvent plus court online ».

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© Cécile Danjou
Quand l’« humain » manque…

De quoi pousser les professionnels du recrutement à faire perdurer la pratique après la crise ? Pas si sûr. « Chez Securitas, nous allons reprendre les entretiens en présentiel dès que tout sera déconfiné », lance sans hésitation Laetitia Vercauteren. « Il y a quand même le contact humain qui manque. Psychologiquement, c’est plus difficile. Et pour moi, le gros souci, c’est qu’on ne se regarde jamais dans les yeux. Or, de façon tout à fait instinctive, la confiance, on l’élabore aussi comme ça ». Même sentiment chez Sibelga. « Tout ne passe pas à travers l’écran. Pour les éléments de langage non-verbal, c’est compliqué. Par exemple, si la personne tape des pieds nerveusement sous la table, on ne le voit pas. On perd quand même en analyse de la personnalité », partage Alain Berton, qui table sur un développement du distanciel, mais pas pour l’entièreté de la procédure de recrutement. « Je pense que le premier entretien va rester en vidéo. On va garder ça un maximum car les candidats et les ressources humaines sont demandeurs pour aller plus vite dans la procédure. Mais je pense aussi que l’entretien final se déroulera toujours sur place. C’est aussi important pour le candidat de découvrir son lieu de travail ». Un point sur lequel Hélène, notre assistante de direction, est bien d’accord. « Avant de signer un contrat, j’ai tout de même besoin de visiter les lieux et de m’imprégner de l’ambiance », admet cette Bruxelloise. Une option que son futur employeur lui a d’ailleurs déjà proposée si celle-ci est retenue.

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