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L’émergence de nouveaux groupes et de nouveaux codes musicaux

22 décembre 2020
par  Boris Vanacker
( Presse écrite , Le virus de l’art )

Suite aux mesures prises par le gouvernement, la finale du Concours Circuit, initialement prévue le 12 décembre, est finalement reportée au 30 janvier. Face à l’incertitude constante, le monde musical a dû se réinventer. Trouver de nouveaux moyens pour continuer d’exister. Le circuit indépendant ne fait pas exception.

Si plusieurs concerts ont pu malgré tout se tenir cet été et durant la première partie de l’automne, le secteur musical est aujourd’hui une nouvelle fois à l’arrêt. L’arrivée de cette deuxième vague a bel et bien réduit à néant les espoirs d’un retour à la normale. Pas de concert ni de rencontre. Les temps sont durs pour le monde de la musique et peut-être même encore plus pour les groupes émergents. Avec peu de morceaux disponibles sur les plateformes numériques, les représentations sont les seules armes dont disposent ces musiciens pour convaincre le public et les professionnels. Le report de la finale du Concours Circuit et les difficultés auxquelles l’ASBL Court-Circuit a dû faire face pour organiser ses événements réduisent la visibilité que peuvent avoir ces groupes émergents dans ce moment clé.

Une lassitude s’installe même chez certains musiciens qui évoluent dans l’ombre depuis trop longtemps. Pour Pablo Fleury, chef de projet chez Court-Circuit, beaucoup d’entre eux risquent simplement de tout abandonner : « On se rend compte que de plus en plus d’artistes en ont marre, leurs projets patinent, n’évoluent pas. Ça leur coûte beaucoup d’argent. Certains d’entre eux ne sont même plus intéressés par leur propre musique. »
Pas de public, pas de retour, pas de perspective non plus, c’est sûr il a rarement été aussi difficile qu’aujourd’hui de s’investir dans une nouvelle création musicale qu’elle quelle soit. Sur les 330 projets déposés au début du concours, quatre d’entre eux ont néanmoins su se hisser jusqu’à la finale. Et pour eux, l’avenir semble un peu plus clément : « Les artistes qui sont finalistes en ce moment suscitent de l’intérêt et de l’attention et vont pouvoir temporiser le développement de leur carrière. Ils ont un soutien institutionnel, mais aussi professionnel. »

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La situation sanitaire n’a pas empêché l’ASBL de se réinventer et de mettre en place un suivi musical qui a su s’adapter aux conditions : résidences coachées, concerts avec des capacités réduites, captations live ou simplement une série de conseils essentiels, plutôt utiles à l’aube de ces projets (contact avec la presse, gestion des réseaux...). Certains y voient même une opportunité unique d’acquérir de la visibilité. C’est le cas du groupe bruxellois Tukan, formé depuis à peine un an. Nathan Van Brande, le bassiste raconte : « Je pense que s’il n’y avait pas eu le concours, on aurait sans doute manqué le coche. On aurait continué à travailler de manière cachée. Le concours nous a donné une deadline, de pas dépendre de la situation sanitaire et de trouver un nouvel entourage comme des bookers et des managers, auxquels on n’avait jamais été confronté par le passé et qui vont pouvoir nous aider. »
Tous les finalistes ont d’ailleurs pu enregistrer des livesessions à l’atelier 210. Véritable caisse de résonnance pour ces groupes émergents. Ces morceaux enregistrés sur scène permettent au public de se faire une idée des différents projets qu’ils ne pourront pas découvrir en live. L’idée est de toucher un public bien assis derrière son ordinateur et de leur faire découvrir une performance musicale comme si ils y étaient. (1)

La finale du Concours Circuit aura lieu, si la situation le permet, le 30 janvier prochain. Un événement qui sera retransmis en streaming auquel le public pourra assister là aussi, derrière un écran. Chaque artiste aura 15 minutes pour convaincre le jury. « C’est un travail pour nous, il faut qu’on aille à l’essentiel et montrer le meilleur de notre répertoire en si peu de temps. On va devoir être extrêmement précis », précise Nathan.

Le public ne pourra pas assister physiquement à cette finale, mais les professionnels du secteur pourront quant à eux être présents. Et auprès de ces professionnels, là aussi, il y a du changement. Touchés de plein fouet par la crise, les métiers de la musique se sont regroupés en fédération. Certains acteurs qui autrefois ne communiquaient pratiquement jamais sont aujourd’hui constamment en interaction. Ingrid Bezikofer est manageuse, elle fait également partie du noyau dur de la FBMU, la nouvelle Fédération des Bookers et Managers Uni(e)s : « je n’ai jamais autant parlé à des salles, à des festivals ou à des attachés presse que maintenant. On collaborait très peu par le passé. Aujourd’hui, on utilise notre temps pour mieux collaborer à l’avenir. C’est une petite révolution. »
Et ces nouvelles structures sont bien parties pour durer. C’est en tout cas la volonté de leurs membres. Facilitant ainsi les contacts et les échanges.

L’enjeu du Concours a toujours été d’offrir aux artistes sélectionnés un maximum de visibilité, en leur donnant l’opportunité de se produire devant un jury conséquent composé de professionnels dans le secteur musical en Belgique francophone. Devant tant d’incertitudes, le secteur lui-même a su se réinventer. Si les conditions sanitaires ont bouleversé les codes, elles ont permis également de les redéfinir. « Il n’y aura sans doute pas de creux à proprement parler, on fait tout pour que les artistes puissent profiter des mêmes chances que les autres années. Ce n’est pas une génération perdue, bien au contraire. Elle est unique », conclut Pablo Fleury.

1) https://www.youtube.com/watch?v=BI9yGvVI948&feature=emb_title&ab_channel=Court-CircuitP%C3%B4leMusiquesActuelles

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