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Kimberley Zimmermann : le tennis au nom du père, du fric et d’un esprit sain

25 juillet 2020
par  Vincent Josephy
( Presse écrite , Le virus du sport )

Bon sang ne saurait mentir ! Issue d’une famille particulièrement sportive dont le membre le plus illustre n’est autre que son père, Michel, sextuple champion de Belgique et accessoirement olympien en 1984 sur 400 mètres haies, Kimberley Zimmermann a très tôt baigné dans le milieu du sport. Après s’être essayé de manière naturelle mais sans succès en athlétisme vers ses 4 ou 5 ans (« mes parents avaient essayé de me convertir mais je n’ai pas trop accroché parce que je ne trouvais pas ce sport assez ludique », dit-elle), puis à la natation jusqu’à ses 11 ans (« où j’avais clairement de belles aptitudes »), elle se tourne assez rapidement vers le tennis, sport que pratique notamment à un très bon niveau son petit-cousin Arnaud Fontaine, un ancien joueur ayant atteint la 284e place au classement ATP : « Je me souviens que j’allais voir ses finales de championnat de Belgique et que cela m’avait bien plu », s’amuse-t-elle.

Petite, elle quittait le court en pleurs

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Kimberley Zimmermann
© Ralf Reinecke

Au Laeken, club de tennis situé à portée de lob du domicile familial de Wemmel, Kimberley Zimmermann martyrise ses premières balles dès l’âge de 6 ans, une demi-heure par semaine. D’emblée, c’est le coup de foudre. « Ma maman me disait que je pleurais quand je quittais le court parce que je voulais jouer davantage », s’amuse-t-elle. Le virus du sport, et en particulier celui de la balle jaune, était inoculé chez la jeune joueuse aujourd’hui classée à la 470e place à la WTA, elle qui avait culminé il y a un peu plus d’un an à la 215e place. « Le tennis, c’est une passion dont j’essaie de faire mon métier, raconte-elle aujourd’hui en sirotant son capuccino. Cela a nécessité beaucoup de sacrifices, notamment quand j’ai rallié la prestigieuse académie de Justine Henin en Floride durant un an et demi, alors que j’avais 13-14 ans. Là-bas, j’ai énormément progressé au niveau de mon jeu, de mon physique ou de mon sens tactique mais je reste mitigée par rapport à cette expérience. Physiquement, c’était costaud, il m’arrivait de vomir après une séance ! Avec le recul, je ne sais plus si je retenterais cette aventure parce qu’humainement, c’était difficile. A l’époque, on me reprochait souvent d’être trop proche de mes parents, qu’ils me couvaient trop. Il fallait que je coupe le cordon ombilical, que je devienne plus autonome. Du coup, j’ai aussi perdu le contact avec mes amis proches. Je me suis alors renfermée alors que je suis plutôt de nature joyeuse, qui fait tout pour réussir dans son sport mais qui apprécie également jouir de la vie « normale », hors tennis. A mon retour en Belgique, il m’a fallu du temps pour retrouver mon caractère plus jovial. »

Elle a tenu tête à une future vainqueur de Roland Garros

Rapidement, pourtant, Kimberley Zimmermann démontre des aptitudes plus qu’intéressantes, défiant le gratin mondial les yeux dans les yeux. En finale du prestigieux tournoi de l’Astrid Bowl, en 2012, elle tient tête à Jelena Ostapenko, qui la bat difficilement en trois sets. Cinq années plus tard, la Lettone remporte Roland Garros et grimpe à la 5e place mondiale. « Quand j’ai vu cela, je n’ai pas été jalouse mais cela m’a plutôt donné un coup de boost parce que c’est le genre de joueuse de ma génération, comme Mertens ou Kontaveit, avec qui je pouvais rivaliser et que je battais aussi occasionnellement, explique celle qui savourait les exploits répétés de Justine Henin et Kim Clijsters à la télévision. Malheureusement, j’avais dû arrêter le tennis pratiquement une saison à cause d’une blessure aux vertèbres. Maintenant, je sais que je suis capable de coups d’éclat ponctuels mais je manque encore de régularité. Je suis très critique par rapport à mes prestations, j’essaie de chercher des solutions pour progresser mais parfois, je me pose trop de questions et ne joue plus de manière libérée. »

Miss-catastrophe

Sur les réseaux sociaux, Kimberley Zimmermann donne malgré tout l’image d’une jeune fille bien dans sa tête, bien de son temps, qui partage volontiers de bons moments avec ses partenaires de doubles (« dont certaines sont de véritables amies, prouvant que c’est possible dans le tennis, un sport terriblement individualiste », dit-elle). Mais le tennis a aussi son côté moins reluisant, fait de galères et d’infortunes. Agée de 24 ans, cette jeune fille saine d’esprit a enchaîné les blessures, dont certaines sont parfois grotesques : récemment elle a ainsi dû déclarer forfait dans un tournoi parce que la… chaise d’arbitre lui est tombée dessus lors d’un entraînement. « Je n’y pouvais rien, c’était de la malchance pure mais plusieurs personnes m’ont dit que cela ne pouvait arriver qu’à moi, qui suis une miss-catastrophe. C’est pour ça que je ne fais pas de vélo, par exemple ! »

En parlant de galères, elle en a connu d’autres, notamment dans la gestion financière de sa carrière. Car si sa vie de nomade des courts peut faire rêver, elle n’est pas toujours aussi rose qu’il n’y parait. Sans se plaindre outre mesure, elle qui vit toujours chez son père doit souvent galérer pour joindre les deux bouts. Ne bénéficiant plus d’un contrat de l’ADEPS, elle doit se battre pour trouver des sponsors qui ne se bousculent pas au portillon. Quand elle part à l’étranger, elle doit jongler avec les vols low-costs, les hôtels et les restaurants modestes pour réduire au maximum un budget qui ne lui permet pas davantage d’être accompagnée un coach, d’un préparateur physique ou mental qui pourraient sans doute l’aider à décoller au classement WTA. « En réalité, les joueuses les mieux classées ne doivent pas se soucier de toutes ces contingences qui prennent du temps et de l’énergie et peuvent donc jouer de manière plus libérée. Moi, je dois faire des choix afin de participer à des tournois qui ne me coûtent pas grand-chose, mais ne m’en rapportent pas davantage en termes de points et de prize-money. L’an passé, comme j’avais réussi à participer pour la première fois aux qualifications de l’Open d’Australie – où je m’étais rendue entant que 3e ou 4e réserviste, sans avoir l’assurance de pouvoir intégrer le tableau… - et de Wimbledon, on avait réussi à ne pas perdre d’argent et même à en gagner un peu pour la première fois. En ce sens, mes participations aux interclubs par équipes en Belgique (au Bercuit), en France (à Villeneuve d’Ascq) et en Allemagne (Stuttgart) me permettent de sortir la tête hors de l’eau. Parfois, un tournoi ITF à 15.000 dollars me rapporte seulement 100 ou 150 euros bruts. Montant sur lequel je suis taxé et qui ne pas mes frais de voyage et de logement. On est pris dans une sorte de spirale négative. »

Le risque de la crise post quarantaine

Forcément, la crise du coronavirus n’a rien arrangé à ses affaires, la privant durant de nombreuses semaines de son sport et des rentrées financières y afférentes. « Au début, c’était agréable de faire un petit break surtout que je me suis blessée, mais là ça devient long. Il y a énormément d’incertitudes pour la fin de saison, qui pourrait être blanche, ou impliquerait d’autres règles sanitaires et autres. Je crains que la crise du Coronavirus n’augmente le fossé entre le top et le reste et ne force certaines joueuses modestes à arrêter leur carrière comme mon amie et partenaire de double, Myrtille Georges, à qui on a proposé un poste intéressant dans un club. A 29 ans, le choix a été vite fait pour elle vu les sacrifices à consentir à notre petit niveau. Moi, comme je n’ai pas joué durant le confinement, je n’ai pas eu de rentrées si ce n’est le droit-passerelle (NDLR : de +/- 1.200 euros par mois) que j’ai perçu en tant qu’indépendante, Heureusement que je loge encore chez papa… ».

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