« J’aurais choisi Arsenal, plutôt que la Juventus »
Rencontre avec le père de Christian Makoun, le Belgo-Vénézuélien d’origine camerounaise de l’Inter Miami.
La Major League Soccer s’apprête à reprendre ses droits après plusieurs mois de confinement, par un tournoi à huis clos, à Disney World en Floride. Le match d’ouverture aura lieu le 8 juillet, entre Orlandy City et l’Inter Miami. Une belle occasion pour le public belge de découvrir un Diable rouge en puissance : Christian Makoun. Après avoir participé à la première officielle en MLS de l’Inter Miami, le jeune homme entend s’imposer comme titulaire dans le club géré par David Beckham. Un sacré défi pour ce jeune Belgo-Vénézuélien… d’origine camerounaise, que son père, Christian Makoun, suivra depuis Ninove (Flandre-Orientale), où il réside.
« Quand il est venu en 2018, c’était pour obtenir la nationalité belge et arranger quelques problèmes familiaux, explique le paternel, que nous avons rencontré à Bruxelles. Nous avons discuté et je lui ai dit que ça aurait été idéal qu’il vienne ici en Belgique, pour se rapprocher de ses frères et de moi. J’aurais pu le guider dans sa carrière. » Des contacts avaient déjà été pris par les agents avec plusieurs grands clubs européens : la Juventus, le Real Madrid et Arsenal.
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- Le « Dinosaure » hésite entre le Venezuela, la Belgique et le Cameroun
Selon son père, il doit prendre en compte l’aspect sportif au moment de faire son choix. - ©Brison
« Je lui ai glissé qu’Arsenal était le meilleur choix, mais ses agents avaient des discussions avancées avec la Juventus, qui le suivait depuis longtemps. Et il a signé là-bas. » Sauf que l’aventure italienne n’a pas duré longtemps. « Lorsque le prêt d’un an s’est terminé, le club avait une option d’achat. On lui a demandé de rester chez les U23, sauf que lui espérait évoluer en équipe première. Au Venezuela, il a commencé à 16 ans et demi avec les adultes. Ce n’était pas suffisant pour lui les U23. Il a énormément appris à la Juventus, mais il y a peu de perspectives pour les jeunes là-bas. Raison pour laquelle j’aurais opté pour Arsenal. »
Et puis cette offre de l’Inter Miami est arrivée l’été dernier. « Il voulait franchir une étape. Il y a beaucoup d’agents qui bossent entre l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord et ils le suivaient depuis un bon moment. Je pense que pour une saison ou deux, ça peut être une bonne chose. Surtout que la MLS est suivie en Europe aussi. Rencontrer Beckham ? Au départ, il était super-impressionné. Il a déjà côtoyé Cristiano Ronaldo à la Juventus. Ici, c’était tout de même différent. Beckham, c’est une légende de Manchester United et du Real Madrid, qui est depuis lors devenu un homme d’affaires. » Et il a donc fait ses débuts au mois de mars, en montant au jeu à dix minutes de la fin, avant la suspension des activités sportives.
Un petit coup de pression au moment d’évoluer devant 22 000 spectateurs et les caméras du monde entier ? « Toute sa vie il a été sous pression. Quand un gamin de 16 ans et demi débute en équipe première, puis est capitaine de l’équipe vice-championne du monde U20 (avec le Venezuela), ça procure aussi une bonne dose de stress. La pression, il en aura toujours, que ce soit dans la vie quotidienne ou dans le football. »
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- Le père de Christian Makoun a failli signer au RWDM, après des piges en Argentine, Pérou et Venezuela.
- ©Brison
« Christian, il a un style de jeu particulier. C’est un mélange entre l’abnégation africaine, car il ne lâche jamais rien, et le sens du football latino. Il est gaucher, peut jouer devant la défense ou dans l’axe central. » Le joueur de l’Inter Miami est surnommé… « le Dinosaure », dans son pays. « Oui, c’est le surnom qu’on lui donne au Venezuela, parce qu’il est très puissant physiquement. Pour moi, le football belge pourrait aussi lui permettre de franchir un pallier, mais ce n’est qu’une idée que je lance comme ça. »
Christian Makoun Junior aspire à une carrière de footballeur en Europe. « Il aimerait revenir mais avec un autre bagage. Les Etats-Unis, c’est le troisième pays dans lequel il va jouer déjà. N’oublions pas qu’il n’a eu que vingt ans »
Le Flandrien par adoption estime que les prochains mois seront très importants dans la carrière de son fils. Un choix cornélien pourrait l’attendre : choisir entre la Belgique, le Venezuela et le Cameroun. Difficile de prédire le maillot que portera Christian Makoun, même s’il se sent profondément vénézuélien.
« On en a déjà parlé. Je lui ai dit : « tu es très attaché à ton pays de naissance, mais il faut regarder ce qui est bon pour ta carrière. Tu as déjà joué la Coupe du monde U20 en Corée, en 2019, tu as vu ce que c’était. Le rêve de tout joueur de football, c’est la Ligue des Champions et la Coupe du monde. S’il faut faire un choix sportif, pourquoi ne pas choisir le Cameroun ou la Belgique ? » Il n’a pour l’instant eu aucun contact avec la délégation belge.
« Il hésitera très certainement beaucoup entre les trois pays. Le Venezuela, c’est le pays où il a grandi avec sa maman. Il a ses amis là-bas, ses repères. Le Cameroun, il a ça dans le sang. Quand il était petit, il regardait des matchs du Cameroun. Puis la Belgique, c’est la patrie de ses frères. Cela fait quand même plusieurs années que je suis en Belgique, je suis bien installé ici. Bref, c’est vraiment délicat. C’est à lui de choisir. Moi, je serai là pour le conseiller, mais c’est lui qui décidera. »
Le père aimerait en tout cas voir l’un de ses fils porter le maillot du Cameroun. Si Glenn, le deuxième, a mis le football entre parenthèse pour se concentrer sur ses études, Alec évolue en ce moment avec les U16 du Standard et le dernier, Moïse, joue en U14 à Anderlecht.
Une première visite en Belgique… à 18 ans
L’histoire aux multiples rebondissements de Christian Makoun Junior a en fait débuté sur le continent africain, où a grandi son père. « Moi, je suis né au Cameroun et j’ai été international U16, indique Christian Makoun Senior. Un agent m’a repéré, même si on parlait à l’époque plutôt d’un conseiller, et a pris contact avec mon grand frère, en me proposant un voyage en Amérique du sud. Après avoir refusé pendant six mois ses propositions, j’ai discuté avec Alphonse Tchami, un compatriote qui évoluait à Boca Juniors. Et c’est comme ça que je suis parti en Argentine. »
Le défenseur a souffert du dépaysement lors de son étape à Huracan Las Heras de 1995 à 1997, où la population locale n’était vraiment pas habituée à voir débarquer des joueurs africains. « Je ne cache pas que ça a été très difficile, vu mon âge, de m’acclimater. Il y avait la différence de nourriture, l’ambiance. C’est un grand pays de football l’Argentine, mais il faut lutter pour gagner sa place. » Il a ensuite été transféré au Pérou, où il a joué un an. « Ma vie, c’est comme un roman », sourit-il. En fin de contrat, il retourne au Cameroun pour les vacances, en transitant par la Belgique, où il est repéré durant un match entre amis. « Mais toutes mes affaires étaient chez mon agent, au Venezuela. J’ai donc été au Venezuela et sur place, il m’a demandé d’aider un club pendant six mois et j’ai accepté. C’est là que j’ai rencontré la mère de Christian. »
L’intérim terminé, l’homme a repris la direction de la Belgique, où il a évolué à la Rhodienne, le temps que le marché des transferts rouvre ses portes. « Ma compagne est venue passer les vacances ici et c’est à ce moment-là que Christian a été conçu. » Malgré la proposition du RWDM de Herman Van Holsbeeck, le Camerounais opte pour le Cercle Bruges. « J’ai été passer une semaine là-bas et j’ai signé un contrat de trois ans et demi. »
Ce n’est que cinq à six mois plus tard qu’il apprend la grossesse de sa compagne, retournée entre-temps au Venezuela. « J’ai pris des congés pour aller en Amérique du Sud afin de le reconnaître et nous sommes restés en bons termes. » Après quelques allers-retours entre l’Europe et l’Amérique latine, la relation s’envenime entre les parents. C’est la mère qui élève le futur footballeur et ce n’est qu’à ses dix-huit ans que Christian Makoun Junior foule le territoire belge pour la première fois, au mois de janvier 2018. « Grâce aux technologies, je parlais souvent avec lui et je le voyais. Mais l’avoir en face de moi pour la première fois en tant qu’homme, c’était spécial. J’étais super-content de le retrouver, de voir qu’il allait bien. Il était ému, puis content de rencontrer ses trois autres frères aussi. » Malgré la distance, père et fils discutent régulièrement…en espagnol. « Je regarde tous ses matchs. J’essaie de le conseiller, d’analyser ce qu’il peut encore améliorer. »
Des aventures en Lettonie et Turquie, mais pas en Ecosse
Aujourd’hui âgé de 40 ans et employé dans la grande distribution, Christian Makoun Senior ne s’est pas contenté des championnats argentin, péruvien, vénézuélien et belge. « Après la fin de mon contrat au Cercle, un joueur de l’Antwerp m’a proposé de le rejoindre en Lettonie. Il s’apprêtait à partir en stage en Italie et j’y suis allé. Sur place, le président du club, qui était aussi actionnaire du Dynamo de Moscou, m’a offert un bail de deux ans, dans l’optique d’être plus tard transféré en Russie. Après une saison, je me suis déchiré le tendon d’Achille. De nos jours, ça prend deux mois pour soigner une telle blessure, mais à l’époque c’était cinq fois plus. » Christian Makoun s’est refait une santé dans son pays d’adoption, puis a repris du rythme à Beersel-Drogenbos où se trouvait un voisin à lui, un certain Stéphane Demol.
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« J’ai totalement récupéré ma forme, je me sentais vraiment bien. J’étais toujours opérationnel, j’avais 25 ans à ce moment-là. Un agent m’a parlé d’un nouveau défi en Turquie et j’ai été à Genclerbirligi. Sauf qu’entre le contrat que j’avais et la réalité, il y avait un monde d’écart. On a eu de sérieux problèmes avec mon agent et je suis encore revenu en Belgique. Là, j’ai passé des tests à Dundee, en Ecosse. Ils étaient positifs, mais j’ai décidé d’arrêter le football professionnel. Il était temps de me consacrer à ma famille et de tourner la page. »