Interseniors a refusé les tests Covid de « Médecine pour le peuple » dans ses homes
Le Covid-19 au sein des maisons de repos va s’inviter à la table du conseil communal de Seraing ce lundi. Alors que le pic de l’épidémie est passé, le PTB demande des comptes. Il avait en effet proposé, dès la fin mars, que la « Médecine pour le peuple » de Seraing teste tout le personnel de l’intercommunale Interseniors face à l’absence de tests de la part des autorités. Ce qui avait été refusé. Résultat, le personnel n’a pu être testé qu’un mois plus tard. Entre-temps, le virus a fait des ravages parmi les pensionnaires de deux homes de l’intercommunale…
De l’incompréhension et de la colère aussi. Voilà ce que ressent le groupe PTB à la lecture des chiffres de mortalité qui ont été transmis par Interseniors et qui concernent la période du 15 mars au 24 avril de cette année, au moment le plus fort de l’épidémie donc. Ces chiffres, qui témoignent de la violence avec laquelle le Covid-19 a frappé nos seniors, il en sera question ce lundi 8 juin au conseil communal de Seraing, car le PTB va demander des comptes.
14 % de pensionnaires morts
Durant cette période, 14 % des seniors de sept maisons de repos de l’intercommunale Interseniors sont décédés, soit 92 personnes sur 657 résidents. L’année dernière, le taux de décès observé était de près de 4 %, de 2,5 % en 2018 et de presque 3 % en 2017. Les résidences dont il est question sont : le Centenaire, Le Domaine du château, Les Genêts, la résidence Ange- Raymond Gilles, la résidence Chantraine et Heures paisibles.
Sans surprise, c’est au Centenaire et au Domaine du château qu’il y a le plus de victimes : 35 en ce qui concerne la première maison de repos, sur 92 résidents, et 40 pour la seconde, sur 138 résidents, selon les chiffres transmis par Interseniors. Nous avions d’ailleurs à plusieurs reprises relaté dans nos colonnes la situation à laquelle ces deux établissements avaient dû faire face, ainsi que le désarroi tant du personnel que de la direction face à ce fléau.
Sur ces 75 décès, 19 ont été certifiés Covid et 39 sont suspectés. Seuls 17 relèvent donc, avec certitude, d’une autre cause que le nouveau Coronavirus. Ce qui signifie donc que 30 % des seniors du Centenaire seraient morts du Covid et 22 % au Domaine du château, entre le 15 mars et le 24 avril.
Parmi les autres maisons, aucun décès dû à ce virus n’a été signalé. Dans cette histoire, le PTB questionne aussi l’attitude d’Interseniors, dont la commune de Seraing est actionnaire, face à ce problème. Souvenez-vous, partout dans les médias, il a été mis en évidence le manque de moyens et de protections dont disposaient les maisons de repos pour contrer la propagation du virus au sein de leurs infrastructures. Et le manque de tests aussi… Ces tests qui font tant défaut depuis le début de cette épidémie et dont on ne cesse de parler, et qui auraient pu servir à identifier les membres du personnel porteurs dans le but de les écarter des seniors dont ils ont la charge, et ainsi d’éviter d’éventuelles contaminations.
Matériel adéquat
Et justement, fin mars, ce parti a offert une solution : « Nous avons proposé que le personnel médical de Médecine pour le peuple de Seraing vienne tester l’ensemble du personnel de l’intercommunale », explique Damien Robert.
« Nous avons clairement expliqué que Médecine pour le peuple avait le matériel pour effectuer les tests réglementaires. On a proposé un travail collaboratif avec l’hôpital du Bois de l’Abbaye, afin de souligner le rôle de la médecine publique de proximité. Pourtant, notre proposition a été rejetée et le personnel n’a finalement été testé qu’un mois plus tard. » Le courrier que le leader de gauche a adressé au comité de gestion de l’intercommunale, dont le président est Olivier Lecerf, a reçu une réponse négative : « J’ai essuyé un refus oral transmis par le président m’expliquant que cela ne pouvait pas se faire comme ça », regrette le chef de groupe PTB, dont l’initiative a tout de même été saluée.
Damien Robert (PTB) : « Ceux qui ont refusé l’ont fait par calcul politique »
« Ce refus est incompréhensible et inacceptable », poursuit Damien Robert, qui garde tout de même la tête sur les épaules quant à l’efficacité de la démarche, « il est impossible de savoir si ça aurait sauvé des vies. Mais il est évident qu’un testing de l’ensemble du personnel au moment où nous l’avons proposé aurait permis d’identifier l’état de la propagation du virus et d’écarter le personnel contaminé à temps. Ce refus est triste. Ceux qui ont rejeté notre proposition d’un revers de la main ont trouvé mille fausses excuses pour se justifier. Et ils ont probablement refusé par calcul politique. Mais la vie des gens ne se calcule pas. Ce refus est un gâchis. »
Médecine pour le peuple est pourtant un réseau constitué de maisons médicales qui rassemblent du personnel et des médecins diplômés et donc tout à fait compétents, même si idéalistes et engagés politiquement, car lié au PTB. Que ce soit en Wallonie ou en Flandre, la structure a multiplié les actes de générosité envers les personnes fragiles au cours des derniers mois.
« L’équipe de Médecine pour le peuple a montré toutes ses capacités et son professionnalisme dans cette crise et elle a notamment été faire un testing de l’ensemble des résidents et du personnel dans une autre résidence qui a accepté notre proposition, à Ougrée », rappelle Damien Robert. Un membre du personnel y avait d’ailleurs manifesté son inquiétude face au manque de matériel : « Nous voulons mettre nos résidents et notre personnel en sécurité. Malheureusement, nous sommes oubliés. Que ce soit pour le matériel de protection ou pour le testing, nous devons beaucoup nous débrouiller ».
Et le chef de groupe PTB de conclure : « La responsabilité est aussi à trouver dans le manque de préparation et la mauvaise gestion des gouvernements qui ont été incapables de fournir le matériel à temps ».
Interseniors : « Ce type de tests n’est pas reconnu »
Contacté par nos soins, Francis Bekaert, le bourgmestre de Seraing, se range derrière l’avis de son conseiller Olivier Lecerf, président d’Interseniors, et regrette la sortie publique du PTB au conseil communal.
Pour lui, ce débat doit avoir lieu au sein des instances de l’intercommunale. Et il a d’ailleurs eu lieu puisque Liliane Picchietti, représentante PTB chez Interseniors, a interrogé le comité de gestion à ce propos.
Alors pourquoi Interseniors a-t-il refusé la main que lui tendait Médecine pour le peuple ? « On a choisi de respecter les règles de l’Aviq », explique le président qui met en avant des doutes quant à la non-conformité des tests proposés par les maisons médicales. « Ce type de tests n’est pas reconnu ». On ne peut pas faire n’importe quoi, n’importe comment, voilà l’explication avancée par le comité de gestion qui n’a de cesse de remercier le personnel et de soutenir les familles et qui a donc préféré suivre les recommandations des instances supérieures au lieu d’agir sur un coup de tête.
Pourtant, ces tests PCR proposés par MPLP sont certifiés et correspondent aux normes sanitaires en vigueur. Ils sont donc scientifiquement reconnus.
Hormis « l’emballage », il n’y a donc aucune différence de qualité entre les tests, du moment qu’ils sont scientifiquement reconnus par les organes de contrôle adéquats, ce qui était le cas.
Le fait que le PTB ait proposé que la Ville participe financièrement, de façon à s’associer à la démarche, a visiblement aussi posé problème vu que les sept maisons médicales se situent sur trois communes différentes. Mais il ne s’agissait là que d’une façon d’ouvrir la porte à un travail collaboratif.