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Huit femmes puissantes

12 novembre 2020
par  Aliénor Debrocq
( Presse écrite , Tout... sauf le virus ! )

Signe des temps ? Elles sont huit à avoir été nommées à des postes de décision dans le secteur culturel belge cette année : huit femmes qui viennent – ou sont sur le point – d’entrer en fonction dans un domaine où, très longtemps – comme ailleurs – les postes de direction étaient attribués aux hommes. En 2018, pour lutter contre ce « plafond de verre » effectif et révoltant dans le monde du théâtre belge, 750 femmes du monde du spectacle – metteuses en scène, comédiennes, autrices, productrices – se sont mobilisées en créant le collectif F.(s), pour crier leur colère et viser la parité effective par des mécanismes contraignants. Leur indignation faisait suite à la nomination d’Alexandre Caputo à la tête du Théâtre des Tanneurs alors que, face à lui, trois candidates féminines tout aussi compétentes avaient été retenues… Deux ans plus tard, alors que le vent semble enfin tourner, dressons le portrait de trois de ces nouvelles coordinatrices, commissaires ou directrices de lieux culturels...

Marie Noble, commissaire générale de la Foire du Livre de Bruxelles

Germaniste et philosophe de formation, Marie Noble a endossé la fonction de commissaire adjointe artistique de Mons 2015, capitale européenne de la culture, avant de coordonner les projets artistiques multidisciplinaires et les départements théâtre, danse et littérature du Palais des Beaux-arts de Bruxelles. En 2017, elle a fondé le collectif Station Culture, qui accompagne la création et l’organisation de projets culturels et citoyens. Deux ans plus tard, elle lance le Picture ! Festival au Mont des Arts, une aventure déambulatoire de 10 jours autour de l’illustration à Bruxelles. « Je crois que, plus que jamais, la Foire du Livre de Bruxelles doit constituer, dans une ville en métamorphose, un phare qui attire et projette. Qui attire des milliers de visiteurs, de plus en plus de lecteurs, pour participer et échanger autour de cet événement. Un phare qui projette aussi au large l’image dynamique d’un quartier en pleine mutation. Je rêve de nouvelles formes de collaborations, de partages, de dynamiques avec l’Europe dont nous sommes le cœur, avec les partenaires culturels d’une ville qui doit s’apprêter à relever le défi de 2030, bicentenaire du pays mais aussi, peut-être, horizon d’une nouvelle expérience de capitale européenne de la culture – un projet qui m’est cher. J’admire la dynamique initiée par des opérateurs tels que le Mima, LaVallée, la Maison des cultures de Molenbeek, Kanal ou encore Recyclart. Ils développent des projets qui mettent la médiation au cœur de l’action artistique. Je me réjouis de créer des synergies avec ces entrepreneurs culturels. »

Barbara Cuglietta, directrice du Musée Juif de Belgique
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Polytechnicienne de formation, Barbara Cuglietta a débuté sa carrière dans la finance internationale entre Bruxelles, New York et Londres. Initiée à l’histoire de l’art moderne à la Central St Martin School of London, elle s’est progressivement spécialisée dans l’art contemporain. En 2010, elle co-fonde et dirige la galerie VidalCuglietta à Bruxelles, représentant une sélection d’artistes émergents nationaux et internationaux. En 2014, elle est nommée directrice adjointe de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Cambre, puis assure le rôle de directrice de la galerie Gladstone à Bruxelles en 2017. « Après l’attentat de 2014, le Musée Juif s’est inscrit dans un désir d’ouverture. Il a reçu l’aide des institutions juives mais aussi des communautés musulmanes. Ses expositions temporaires sont de plus en plus ambitieuses, et le défi actuel est d’arriver à suivre cette croissance malgré des subsides structurels très modestes. Le 10 juin dernier, le musée a reçu le Prix de la Démocratie et des Droits de l’Homme du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour son travail réalisé avec les jeunes : pour moi, c’est un magnifique cadeau d’entrée en fonction, qui représente un espoir énorme et valorise le travail d’ouverture vers les communautés effectué au moyen d’un discours interreligieux calme et apaisé… Je viens de l’art contemporain international et c’est là que j’aimerais me situer, placer le musée, développer des partenariats internationaux, asseoir sa visibilité dans ce domaine. Dans la continuité du mandat précédent, j’aimerais aussi travailler davantage avec les institutions flamandes, qui nous subsidient par projets : rendre le musée plus fort nationalement aussi. C’est le Musée Juif de Belgique : on doit y travailler ! »

Léa Drouet, coordinatrice théâtre de l’Atelier 210

Metteuse en scène et scénographe française, Léa Drouet est diplômée de l’Institut National Supérieur des Arts de la Scène de Bruxelles (I.N.S.A.S.) en section mise en scène. Elle travaille à Bruxelles depuis 2010, où elle collabore avec des musiciens de la scène expérimentale. Son travail se trouve à cheval entre l’installation, le théâtre et le mouvement. En 2014, elle fonde VAISSEAU, structure de production qui tente de s’adapter aux projets mixtes. Dans son travail artistique, elle s’interroge notamment sur les façons de faire basculer des problématiques des sciences humaines dans le régime du sensible, et sur le partage d’expériences esthétiques faisant résonner les grandes problématiques politiques et sociales actuelles… « À l’Atelier 210, le conseil d’administration a choisi d’établir des quotas en termes de genres et de représentation des personnes non blanches, ce qui va m’obliger à réaliser une programmation paritaire, et cela m’enchante car ça va me pousser à la déconstruction, la décolonisation des esprits, pour poser les yeux sur des choses moins visibles, ramener le périphérique au centre. Ces artistes ont souvent traversé des choses complexes, qui se reflètent dans leurs projets. C’est un endroit de la création qui m’intéresse. Je ne suis pas du tout mal à l’aise avec ces histoires de quotas : chiffrer est une nécessité pour qu’il devienne enfin normal qu’on accorde de la valeur et du crédit à d’autres personnes que les hommes blancs. C’est une histoire d’attention portée à l’autre qui vient de loin : si une petite fille n’a pas l’occasion de parler à table, elle aura moins l’occasion d’affûter ses arguments qu’un petit garçon ! »

En 2020, ont été nommées à des postes décisionnels dans le secteur culturel en Belgique :
• Marie Noble à La Foire du Livre de Bruxelles
• Caroline Safarian à l’Espace Magh
• Barbara Cuglietta au Musée Juif
• Léa Drouet à l’Atelier 210
• Cathy Min-Jung au Rideau de Bruxelles
• Erika T’Jaeckx au museumPASSmusées
• Virginie Nouvelle chez Wallimage
• Melat Gebeyaw Nigussie au Beursschouwburg

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