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Grégory Lazitch : « A 17 ans, on nous envoyait déjà au charbon »

14 août 2020
par  Pierric Brison
( Presse écrite , Le virus du sport )

Le Loup n’a pas eu la même chance que les nouveaux transferts carolos.

Le Sporting vient de recruter deux grandes promesses, avec Amine Benchaib (ex-Lokeren) et Lucas Ribeiro Costa (ex-Virton). Ce dernier a d’ailleurs fait ses premiers pas en D1A face au Club Bruges, ce samedi, avec le statut de joueur prometteur. Une étiquette qui n’a pas toujours réussi aux anciens zèbres, passés par le centre de formation ou non. Si Clinton Mata et Dorian Dessoleil ont déjà confirmé les espoirs placés en eux il y a quelques années, ce ne fut pas le cas d’une série d’autres joueurs qui, aujourd’hui, auraient dû arriver à maturité. Parmi eux, nous avons retrouvé Grégory Lazitch (28 ans), actif en D2 ACFF à la RAAL.

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A 16 ans, il avait fait ses débuts en D1 en montant au jeu après 17 minutes, en 2008. « Malheureusement, à mon époque, quand on envoyait un gamin, c’était au charbon. Au casse-pipe. L’équipe n’était pas aussi dominante que maintenant, on se prenait des vagues offensives à tire-larigot. On restait sur dix ou douze matchs sans gagner, mais des jeunes de 17 ans étaient tout de même titularisés. Ce n’était pas des cadeaux. Demandez à Frank Defays ce que c’était ! Il devait se battre comme un fou à chaque match. Quand on voit Maxime Busi, par exemple, il est protégé maintenant. Quand il est moins bien, Marinos le remplace et il est mis au repos. Puis Samba Diawara fait le lien entre l’équipe réserve et le noyau professionnel. Tout est réfléchi. Quand j’étais au Sporting, ils nous mettaient sur le terrain, peu importent les conditions. »

Même s’il n’aura pas réalisé une carrière en D1, le Carolo garde de bons souvenirs de son passage dans le club de sa ville. Et un regard très lucide sur son parcours. « J’étais en réserve et il manquait un défenseur gauche pour les A. Je me suis retrouvé pour la première fois sur le banc. Et après quelques minutes, un joueur se blesse. J’étais très stressé à l’échauffement, mais pas sur le terrain. Je suis monté au jeu et j’ai fait un bon match. Par le suite, je suis encore parti en stage avec le noyau professionnel et puis j’ai joué les playoffs 2, une saison plus tard. »

Une situation tout de même peu banale pour le jeune homme qui était évidemment encore aux études. « C’était mon heure de gloire. J’arrivais à l’école en cow-boy (sic), tout le monde me voyait à la télé. Pour ma scolarité, par contre, ça n’a pas été facile. Avec la sélection belge et le Sporting, je ratais pratiquement la moitié de l’année. J’ai doublé une première fois, puis une deuxième. J’étais en sport-études à la Garenne. Eux, ils étaient contents de la publicité que ça leur faisait, mais ils ne pouvaient tout de même pas me laisser passer avec mes points. Je n’étais déjà pas très doué à l’école, ni très organisé à la base. Cela devenait difficile. J’ai arrêté l’école pour me concentrer sur le football. J’ai signé mon premier contrat professionnel à 17 ans. »

A 19 ans, le défenseur totalisait déjà une vingtaine de matchs parmi l’élite. Des débuts très prometteurs. Puis il y a eu quelques tournants. « La saison en D2 (2011-2012), je l’ai commencée comme titulaire. Puis un jour, on m’a convoqué dans un bureau et on m’a annoncé qu’on m’échangeait avec Bison Gnohéré, l’attaquant de Virton. L’entraîneur gaumais me voulait absolument. On m’a dit que j’avais une heure pour faire mon choix : soit partir à Virton, soit jouer toute la saison en réserve, parce qu’ils avaient déjà trouvé mon remplaçant. » Après cette pige en D3, Grégory Lazitch est retourné au Sporting. « Le club était remonté en D1 et Yannick Ferrera était arrivé. Il ne me connaissait absolument pas et m’a pris pour un gamin, alors que j’avais déjà trois saisons dans les jambes. A ce moment-là, j’étais impatient et j’ai eu le malheur de montrer mon mécontentement. J’ai été le voir et je lui ai dit, sur le ton de l’humour, que s’il ne me connaissait pas, il n’avait qu’à aller voir ma page Wikipedia. J’étais un peu fou-fou à l’époque. »

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Résultat, il a passé le reste de la saison en réserve, puis a quitté le Pays noir à la fin de l’exercice, sans avoir pu montrer ce qu’il valait. Il s’est engagé … au White Star. « Là, je suis tombé dans un bourbier, avec la faillite, alors que Yannick Ferrera démissionnait juste après et que Felice Mazzù arrivait. »

Voilà les trois tournants dans la carrière du Louviérois. « Après, il ne faut pas se le cacher, les circonstances n’ont pas été favorables mais je pense que je n’avais pas le niveau pour la D1 sinon je serais remonté. Peut-être qu’avec un peu de chance, je serais descendu moins vite. » Le contexte ne l’a en tout cas pas aidé. « Je me souviens qu’on changeait trois fois d’entraîneur sur la saison. Je m’entendais bien avec Abbas Bayat, mais quand il n’aimait plus un coach, il le virait devant tout le monde. »

Après sa mésaventure chez les « étoilés », il a pris la direction de La Louvière-Centre. « C’était le seul club qui me voulait, je n’avais pratiquement aucune proposition. J’ai fait du bénévolat pendant un an, en me disant que j’allais relancer ma carrière en D3. Mais quand tu descends, c’est difficile de remonter. Les clubs cherchent des joueurs de plus en plus jeunes ou bien il faut claquer 27 buts, comme Renaud Emond. Moi, je ne me faisais plus trop d’idées. Je suis resté 3 ans à l’URCL et je me suis fait les ligaments croisés en plus. Sincèrement, devenir football professionnel ce n’était pas mon objectif, ça m’est tombé un peu dessus. Mes matchs étaient plutôt bons vu mon jeune âge, j’ai assez vite signé un contrat professionnel et tout s’est enchaîné. Monter au jeu à 16 ans, ce n’était pas rien. Mais à ce moment-là, il n’y avait pas toute cette tempête médiatique comme maintenant. »
Parmi les joueurs de sa génération, seuls Dorian Dessoleil et Pietro Perdichizzi mènent vraiment carrière. « En sélection belge, j’ai côtoyé Courtois, Mpoku, Lestienne. Mais à Charleroi, c’était compliqué. Dorian Dessoleil, il est revenu après avoir été prêté, le club a bien eu raison de croire en lui après ses passages à Saint-Trond et Virton. Moi, à sa place, je ne serais pas revenu à Charleroi. Pour le reste, on évolue tous en Nationale 1 ou en D2 ACFF. »

Grégory Lazitch a, lui, trouvé un métier qu’il combine avec ses matchs à la RAAL. « Je suis facteur chez Bpost, ça colle avec mes horaires. Il y a beaucoup de joueurs qui sont facteurs, car on bosse assez tôt et puis on peut s’entraîner le soir. Je le vis très bien d’ailleurs. Parfois, je regarde un match de D1 et je me dis qu’un joueur n’est pas plus fort que moi. J’aurais peut-être pu avoir une meilleure vie. Mais c’est sans regret. Mon premier match en D1 à 16 ans, ça reste très bien. »

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