Festivals 2021, entre doutes et espoirs
Concerts interdits, salles fermées, tournées reportées, festivals annulés. L’année écoulée aura été difficile pour le milieu de la musique. Et rien ne dit que la situation pourra s’améliorer pour celle à venir. En plein flou, les organisateurs de festivals continuent cependant d’y croire.
A quelques mois du lancement de la saison des festivals, les organisateurs de ces grands événements musicaux naviguent encore dans le flou. Si la crise sanitaire a eu raison des éditions 2020, la plupart des organisateurs de festivals croient en la tenue des festivités l’été prochain, malgré les inconnues. « Nous sommes très attentifs à l’évolution de la situation. Nous y croyons toujours, nous gardons de l’espoir mais c’est aussi une espérance réaliste », confie le directeur d’Esperanzah !, Jean-Yves Laffineur. Les mêmes espoirs se propagent aussi du côté de LaSemo, qui doit avoir lieu du 9 au 11 juillet 2021 : « Pour le moment, on y croit et on est en train de tout mettre en place pour pouvoir vivre une édition comme chaque année », assure Samuel Chappel, le directeur du festival enghiennois.
Pour tenter d’y voir plus clair, la première Fédération des Festivals de Musique en Wallonie et à Bruxelles (FFMWB) vient de se créer sous l’impulsion de Damien Dufrasne, directeur de Dour. Celle-ci rassemble plus d’une vingtaine de festivals : des grosses machines telles que les Ardentes, les Francofolies ou le Brussels Summer Festival mais aussi de plus petits événements comme le Durbuy Rock Festival et le Inc’Rock, sans oublier ceux précités. L’objectif est de parler d’une même voix auprès des grandes instances, de partager leurs expériences et des informations, d’établir un réseau et de proposer un accompagnement. « L’idée est de fédérer. J’avais cette envie depuis plusieurs années. J’ai pas mal de contacts avec la Fédération flamande des festivals active, elle, depuis plus de quinze ans. Avec la Covid et l’annulation du festival de Dour l’année dernière, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire », indique Damien Dufrasne.
Les douze plus grands festivals en Wallonie et à Bruxelles cumulent ensemble un chiffre d’affaire de plus de 45 millions d’euros et plus de 50 000 personnes travaillent chaque année autour de ces événements. L’importance du secteur des festivals en terme d’économie et d’emploi n’est donc pas à négliger. Une deuxième annulation totale de ces grandes fêtes musicales auraient des conséquences très lourdes. Ce pourquoi les organisateurs planchent sur différents dispositifs pour éviter la catastrophe. « D’un côté, on prépare une version grandeur nature, un vrai retour de LaSemo. D’un autre, on prépare des scénarios dans lesquels on devrait adapter quelques éléments pour être plus respectueux d’éventuelles mesures sanitaires », note Samuel Chappel.
Des mesures sanitaires incompatibles
Port du masque, possibilité d’avoir des tests instantanés, respect de la distanciation sociale,… Toutes ces mesures préconisées depuis des mois sont cependant compliquées à instaurer lors de ce genre d’événements. "Imaginer un festival avec des distances d’1m50, avec un port du masque devant une scène de 20 000 personnes, je n’y crois pas trop. Ce n’est pas dans la mentalité des gens qui vont voir un concert debout de se retrouver isolés. Mais par contre on peut mettre du gel hydroalcoolique à disposition dans les toilettes et demander dans certaines zones que l’on garde les distances », assure le directeur de Dour.
La mesure la plus redoutée par les organisateurs reste celle concernant la capacité d’accueil maximale autorisée. Si la jauge vient à être réduite, beaucoup d’entre eux estiment qu’il sera tout simplement impossible d’organiser les festivals. Le directeur de la FFMWB est catégorique : « On insiste sur le fait que les événements doivent avoir lieu à leur capacité de foule. Pour n’importe quel festival, si on nous dit que la jauge est à 50%, ce n’est pas viable. Pour qu’un festival commence à être rentable, il faut qu’il y ait au minimum 85% de ses recettes billetteries. Si la capacité est réduite de moitié, ça ne sert à rien de le faire. » Le directeur de LaSemo enfonce le clou en estimant que son festival ne pourra pas être organisé avec seulement quelques milliers de personnes et pointe du doigt les enjeux artistiques et financiers. « Si nous devons fonctionner avec des jauges réduites, nous ne pourrons peut-être pas résister », résume encore Jean-Yves Laffineur d’Esperanzah !
La question des programmations
Une autre question mise sur la table avec ce contexte particulier est celle de la programmation. Après le report en masse des tournées et la fermeture des frontières, il n’est pas dit que tous les artistes prévus initialement puissent être présents. Les organisateurs restent malgré tout optimistes. « Pour le moment, on planifie une programmation normale avec des artistes belges, européens, américains, anglais... C’est l’ADN de Dour. Les artistes proposent encore de venir. On a déjà eu des discussions avec la Fédération à ce sujet. Si on ne doit faire que des festivals avec des groupes belges ou français, tous les festivals auront les mêmes artistes donc ce serait un problème ! Certains festivals vont certainement organiser plusieurs scénarios », soutient Damien Dufrasne.
Du côté d’Esperanzah !, réputé pour son affiche riche et internationale, les enjeux sont de taille. « C’est très compliqué. Il faut voir cela dans une perspective à court et à moyen terme. Dans un premier temps, on est très attentif à comment cela va se passer dans les salles de concerts. Si ça redémarre, ce sera aussi le cas pour les festivals. Mais soyons clair, si les artistes ne circulent pas avant cet été, cela va être compliqué de les faire venir. Pour le moment, on observe beaucoup de tournées reportées à l’automne 2021. La perspective internationale est encore plus incertaine qu’une programmation franco-belge », reconnaît le directeur du festival qui se déroule à l’abbaye de Floreffe. Cependant, 90% des artistes internationaux ont pour le moment confirmé leur présence à cet événement.
Tous en ligne ?
Pour éviter d’être pris de court, certains festivals comme Tomorrowland proposent une version virtuelle de leurs événements. Suite au succès de leur édition en ligne l’été dernier, le festival de musique électro retente l’expérience pour le Nouvel An avec quatre scènes proposées aux internautes et 25 artistes programmés tels que David Guetta, Major Lazer, Martin Garrix ou encore Snoop Dogg. Ce virage numérique n’est cependant pas une solution envisageable pour tous les festivals. « Ce n’est pas dans notre logique. On prône le rassemblement social, la rencontre, la cohésion. Un festival est avant tout une expérience global, ce n’est pas seulement regarder des concerts. C’est vivre une ambiance, la ressentir », estime le directeur d’Esperanzah !. Si l’avenir reste encore très incertain, les organisateurs des festivals misent sur l’entraide et la solidarité pour faire face à tous les cas de figure.