Fascinante plongée au coeur de la transe, état de conscience modifié accessible à (presque) tous
La science l’a démontré : la transe est un état de conscience modifié qui existe bel et bien. Il permet au « transeur » de se percevoir lui-même et son environnement tout à fait différemment. Le livre « La diagonale de la joie » de Corine Sombrun nous interroge sur nos propres perceptions et nous ouvre la porte d’un monde invisible et mystérieux. Il pose aussi une intrigante question : la transe pourrait-elle nous préparer à la mort ?
« J’avais la sensation d’avoir un museau, des pattes. Et à chaque fois que j’ouvrais la bouche ce ne sont pas des mots qui s’échappaient mais un hurlement de loup… » Il y a vingt ans, lorsque l’ethnomusicienne Corine Sombrun raconte à son médecin l’incroyable expérience qui lui est arrivée en Mongolie, lors d’un rituel chamanique, il l’invite à consulter un psychiatre. Se percevoir en tant que loup et perdre temporairement le contrôle de son corps, est-ce forcément un épisode de folie passagère ? Corine Sombrun n’a pas voulu y croire.
Piquée de curiosité, elle décide d’accepter l’invitation (très insistante !) des chamans mongols à suivre une formation en Mongolie afin de développer ses « pouvoirs de chaman ». Pour eux, c’est certain, l’ethnomusicienne française est une chamane qui s’ignore et elle doit développer son potentiel. Mais ça, Corine Sombrun n’y croit pas vraiment non plus. Elle a une intuition : et si tout le monde avait, au fond de lui, la capacité d’entrer dans cet état de transe ? Bingo.
Dans son livre « La diagonale de la joie », Corine Sombrun explique comment elle a réussi - en collaboration avec des scientifiques - à confirmer son hypothèse. Oui, l’activité électrique du cerveau change lors de la transe. Il s’agit d’un un état de conscience modifié au même titre que l’hypnose ou la méditation (en plus intense). Et oui, 95% des gens peuvent y accéder. Il suffit de les y guider.
La transe comme outil thérapeutique
Cette découverte fracassante permet d’offrir de nouvelles perspectives à la psychologie et à la médecine générale. Quels bienfaits la transe peut-elle apporter ? Comment inclure la transe dans un processus thérapeutique ? Les professionnels du secteur se penchent actuellement sur ces questions. Ainsi, l’Université Paris 8 vient d’ouvrir deux diplômes sur l’étude et la pratique des transes pour les psychologues, chercheurs et professionnels du monde médical. Et en parallèle, des chercheurs au CHU de Liège mènent en ce moment une étude sur la transe avec des patients qui ont eu le cancer. Une première mondiale…
La transe commence donc à se faire une place dans la panoplie d’outils thérapeutiques. Mais ça n’a pas été chose simple. Il aura fallu des années, beaucoup de volonté et même de l’obstination pour y arriver. Le premier chercheur qui a étudié ce phénomène a même, au départ, été effrayé en constatant le changement brutal du fonctionnement du cerveau en transe. En faisant passer un éléctro-encéphalogramme à Corine Sombrun, il a découvert que pendant la transe, l’activité de son cerveau était comparable à celui de groupes souffrant de schizophrénie, de troubles maniaques et de troubles dépressifs. Etait-ce le signe d’un cerveau malade ? Non, plutôt celui d’un cerveau qui fonctionne soudainement tout à fait différemment… et qui permet de voir le monde et soi-même d’un autre oeil.
Car c’est bien ça l’attrait principal de la transe : percevoir autrement. Et ce, sans aucune substance psychoactive. Corine Sombrun parle d’une dissolution de l’égo, d’un monde où tout le vivant communique. Ainsi, écrit-elle dans son livre, « la transe a remis en question mes schémas mentaux, mes certitudes, mon rapport au monde. En me mettant face à ces ressentis inédits, elle a été une source de créativité. »
Nous préparer à la mort ?
Cet état pourrait aussi avoir une autre utilité : nous préparer à la mort. En effet, l’expérience de la transe ressemble en certains points à celle vécue par les personnes qui vivent une EMI, soit une expérience de mort imminente. Au moment où il « croit mourir », le cerveau libère en effet certaines substances qui provoquent un état de conscience particulier.
Ainsi, « l’instant de la mort nous donne à connaître sans doute l’un des plus extrêmes états de conscience modifié, » écrit Corine Sombrun. L’ethnomusicienne s’interroge : « Savoir transer pour explorer cet état avant d’être obligé de le ‘vivre’ pour de bon, ne serait-il pas un grand pas vers l’apprivoisement de notre peur de cet instant ? ». Pour elle, c’est clair, au lieu de cultiver le tabou de la mort, il faudrait plutôt se préparer à mourir afin de, sans doute, « vivre mieux ».