Écoles de devoirs, écoles de vie
Lieux d’accueil, d’écoute et de convivialité, les écoles de devoirs font le lien entre le milieu scolaire et la vie familiale de l’enfant.
Tous les jeudis après-midi, pour Sébastien Servais et Aubin Hezagira, c’est le même rituel. Animateurs et éducateurs à La Chaloupe – service d’action à la jeunesse en milieu ouvert –, ils se rendent à l’école communale de Blocry, située à Louvain-la-Neuve. Ils assurent le ramassage scolaire des douze écoliers inscrits à l’école de devoirs Le Cour Pouce, dans le quartier du Biéreau de la cité universitaire.
En plus des deux éducateurs de cette AMO, des bénévoles composent l’équipe d’animation. Une personne âgée et un étudiant de l’UCLouvain viennent généralement leur prêter main forte, en plus d’autres acteurs. « Parfois, des kots-à-projet viennent animer des après-midi et proposent des jeux sur des thèmes variés, explique Sébastien Servais. Cette dynamique intergénérationnelle est une vraie force. Au moment de faire les devoirs, cela passe parfois mieux avec les seniors car ils sont très patients et cela rassure le petit enfant. Dans d’autres cas, les jeunes sont trop speed pour eux. À ce moment-là, on peut intervenir pour les calmer et pour les aider à se dépenser. Tout s’équilibre parfaitement en fonction des besoins de l’enfant. »
Nicole, professeure de sciences à la retraite, est bénévole depuis quelques années. Elle est convaincue par la pertinence du projet et elle avait envie de rester active dans le domaine de l’éducation.
Travail et détente
Existant depuis les années 70 en Belgique, ces structures sont indépendantes des établissements scolaires et accueillent des jeunes de 6 à 18 ans. Si leur mission est de les aider dans leur travail scolaire quotidien, elles développent plus largement un travail pédagogique et d’accompagnement à la formation citoyenne. Plus que de simples lieux où l’on fait ses devoirs, les écoles de devoirs contribuent donc à l’éducation et à l’épanouissement des enfants. « On a tous eu leur âge. On comprend qu’ils aient besoin de se défouler après l’école. On les laisse donc un peu chahuter quand on arrive à l’école de devoirs. Puis, on se met au travail et on fait les devoirs. Et ça se passe généralement très bien. »
Après la première heure, plus studieuse, l’équipe propose une série d’animations ludiques, sportives ou créatives. Elle les accompagne dans une multitude d’apprentissages scolaires, mais également sociaux, culturels et citoyens.
Recréer une vie de quartier
Installée au cœur du quartier du Biéreau où la mixité sociale et culturelle est une réalité, l’école de devoirs permet la rencontre entre habitants. Elle participe ainsi à la vie de tout un quartier, à la manière des petits commerces de proximité. « Cette diversité dans les profils des enfants est vraiment enrichissante, pour eux comme pour nous. Nous ne voulons pas gommer les différences, mais bien les reconnaître. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres », souligne Aubin Hezagira, par ailleurs psychologue et assistant social à La Chaloupe.
Chaque école de devoirs a son histoire, ses difficultés et ses atouts, mais pour chacune d’elle, le projet pédagogique se construit dans l’intérêt de l’enfant. L’idée est de le pousser à développer son potentiel et à reconnaître ses capacités. Les écoles de devoirs sont de véritables traits d’union entre l’école et la maison. « Nous ne voulons pas qu’ils nous voient comme des instituteurs et des institutrices. Nous souhaitons qu’ils apprennent autrement lorsqu’ils sont avec nous », indique Aubin Hezagira.
Face à un système scolaire inégalitaire où les familles en détresse sont nombreuses, l’existence de ces lieux d’accueil, d’écoute et d’accompagnement se révèle souvent salvatrice.
346 écoles de devoirs reconnues par l’ONE
En Wallonie et à Bruxelles, le secteur des écoles de devoirs représente 346 structures reconnues par l’ONE (Office de la naissance et de l’enfance), soit plus de 16 000 enfants accueillis chaque jour. Pour retracer leur histoire, il faut remonter le temps. Dans la foulée de mai 68, des citoyens se mobilisent face à ce constat toujours d’actualité : l’école reproduit les inégalités présentes dans le reste de la société, et l’État n’apporte pas de réponse satisfaisante. C’est ainsi que naît la première école de devoirs à Bruxelles, en 1973.
Suivront d’autres initiatives en Wallonie et dans la capitale, dans les milieux défavorisés. Il faudra attendre plus de 30 ans pour obtenir une reconnaissance officielle des autorités. Les écoles de devoirs sont ouvertes à tous, sans distinction de sexe, de religion, de milieu social, de nationalité ou de réseaux scolaires. Si certains élèves sont inscrits car ils ont besoin d’un soutien dans leurs difficultés scolaires, d’autres viennent simplement pour y trouver un environnement de travail calme et bienveillant.