Du whisky et des pâtes à l’épeautre belge bientôt en magasin
Un ambitieux projet alimentaire en Wallonie vise à reconstruire une filière locale d’épeautre. Neuf acteurs de la recherche et de l’industrie alimentaire se sont associés pour proposer en grande distribution, d’ici 2022, des produits belges à base d’épeautre : pâtes, gin, whisky ou même farine.
D’ici 2022, les clients devraient retrouver dans les rayons du whisky, des pâtes, de la farine ou encore du pain à base d’épeautre cultivé en Belgique. L’épeautre, c’est une céréale aux caractéristiques relativement similaires au blé, mais toutefois délaissée depuis plusieurs décennies au profit des cultures de blé, plus rentables. Cette céréale opère toutefois un étonnant retour sur le devant de la scène belge en raison de la demande des consommateurs. « L’épeautre est une céréale cultivée depuis plusieurs siècles en Wallonie, dont les terres sont particulièrement adaptées », souligne Marie Vassen, coordinatrice du projet et coordinatrice qualité de Pastificcio Della Mamma, une des entreprises à la base du projet. « Grâce à l’engouement pour les produits locaux, le consommateur plébiscite des produits à base d’épeautre. Par ailleurs, l’épeautre a du succès car le consommateur peut varier son alimentation, l’épeautre apporte d’autres nutriments que le blé. Signalons un troisième atout : le goût de l’épeautre, qui offre notamment des parfums de noisette, est différent de celui du blé. » L’épeautre cultivé en Belgique était jusqu’ici principalement destiné au fourrage pour le bétail, une infime partie était destinée à l’alimentation humaine. La demande croissante des consommateurs change la donne. Le pain à base de farine d’épeautre, commercialisé depuis quelques années en grande distribution, est probablement le meilleur exemple de l’engouement pour ce que certains appellent le « blé gaulois ». C’est cet intérêt des consommateurs et les caractéristiques du sol belge qui ont fait naître en 2018 un projet d’envergure. Son nom ? Wallep, contraction de Wallonie et d’épeautre. Neuf acteurs wallons et bruxellois, dont trois acteurs spécialisés en recherche (Celabor, CRA-W, Meurice Recherche & Developpement) et les autres dans l’industrie alimentaire, entendent reconstruire une filière d’épeautre belge, durable et rentable.
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- © Pépite Com’
Du gin et du whisky à base d’épeautre, une première belge
Durable, c’est-à-dire garantir un revenu équitable aux agriculteurs qui font pousser l’épeautre. « Sur le marché de l’épeautre, le prix de vente peut en effet varier de 90 à 600 euros la tonne », souligne Marie Vassen, coordinatrice du projet. « Cette fluctuation freine certains agriculteurs, surtout si la récolte n’est pas bonne. Le projet Wallep garantit un prix d’achat fixe aux agriculteurs. » Le but est ainsi de pouvoir maintenir pas moins de 300 emplois d’agriculteurs qui cultivent déjà l’épeautre et de créer sur le moyen terme pas moins de 35 emplois directs. La rentabilité n’est pas oubliée. Les entreprises alimentaires belges planchent sur différentes façons de transformer l’épeautre récolté. L’entreprise Pastificio Della Mamma va produire des pâtes à l’épeautre, les Moulins de Statte proposeront de la farine d’épeautre, l’entreprise Meurens Natural développera des extraits sous forme de sirop, de poudre ou encore de farine hydrolysée et Puratos compte développer du levain en poudre prêt à l’emploi. La distillerie Radermacher développe quant à elle ce qui devrait être le premier gin et le premier whisky à base d’épeautre belge. « Par ailleurs, d’autres entreprises belges spécialisées dans l’alimentaire sont invitées à rejoindre le projet si elles voient un intérêt de pouvoir transformer de l’épeautre en un produit alimentaire », nous annonce Marie Vassen.
Le défi sera de communiquer aux consommateurs les avantages de l’épeautre
Démarré en 2018, le projet Wallep en est aujourd’hui à mi-parcours. La première étape fut de sélectionner différentes variétés d’épeautre, de les planter et de sélectionner la ou les variétés les plus solides, le goût le plus adapté, etc. 22 variétés d’épeautre, en bio et en culture raisonnée, ont été sélectionnées afin d’étudier le goût ou encore le rendement. C’est la première fois que ce type de travail est réalisé en Belgique. Le travail de récolte « test » a été effectué en 2017, 2018 et 2019. A terme, le but est de produire pas moins de 6.000 tonnes d’épeautre pour les transformer en différents produits alimentaires. Une fois les produits placés en rayon, un autre défi attend les initiateurs du projet Wallep : convaincre le consommateur de l’intérêt des produits belges à l’épeautre. Vu le revenu équitable imposé par la charte, il est possible que les produits soient fixés à un prix légèrement plus élevé. « Nous devrons expliquer au consommateur qu’en payant quelques centimes de plus pour un pain à l’épeautre wallon, il aide les agriculteurs locaux à vivre », souligne Marie Vassen. « Sur un pain qui se vend entre 3,50 euros et 4 euros, cela n’est peut-être pas significatif pour le consommateur, mais cela peut faire la différence pour des centaines d’agriculteurs. Lorsque les produits seront en magasin, une équipe marketing va développer la communication autour des produits. Les produits issus de cette filière belge d’épeautre auront très certainement un logo. Un autre but du projet, pour les consommateurs est de pouvoir mettre en avant le goût particulier de l’épeautre. »
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- © Walagri
LES PRODUITS A BASE D’EPAUTRE SE DEVELOPPENT EN GRANDE DISTRIBUTION
Les produits à base d’épeautre sont déjà présents dans différentes catégories de produits. Citons les pâtes à l’épeautre de la marque Soubry, les filets de colin panés à l’épeautre et au levain de Igloo, les boissons à l’épeautre de Delhaize, le muesli Quaker à base d’épeautre, le riz à l’épeautre de Bosto ou encore les galettes d’épeautre de Carrefour. Jusqu’ici toutefois, peu de marques utilisent de l’épeautre belge. La production d’épeautre belge est encore trop faible pour subvenir aux besoins des marques, qui doivent généralement acheter de l’épeautre du côté de l’Allemagne, de l’Italie ou d’autres pays européens. Un vrai paradoxe, quand on sait que le Wallonie est le deuxième pays producteur d’épeautre en Europe derrière l’Allemagne. Pas moins de 2.100 agriculteurs wallons travaillent cette céréale sur pas moins de 13.000 hectares de terres mais l’épeautre belge est toutefois majoritairement destiné au fourrage pour le bétail. Si une filière belge se reconstruit sur le moyen terme, il est fort probablement que les marques utilisent de l’épeautre belge, engouement local oblige.