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Du sport, contre vents et marrées

29 juin 2021
par  Eric Cornu
( Presse écrite , Le virus du sport )

La Belgique a remporté 8 médailles, 6 en or, 2 en argent, à la récent Coupe du Monde de paracyclisme qui s’est déroulée à Ostende. Les coureurs ont tout donné pendant les quatre journées que comptait l’événement. Contre vents et marées de la Mer du Nord et… de la vie.

Christophe Hindricq (56) est un athlète hainuyer, sportif dans l’âme, de très longue date. Il est paraplégique, conséquence d’un accident de moto survenu il y a plus de 20 ans. Cuisinier de métier, gérant d’une salle de sport dans la région montoise, sa vie a basculé sur sa machine en 1988. Il avait 23 ans. Sa remontée au jour n’a pas été facile, il le concède. Mais jamais l’expression « quand on veut on peut » ne se justifie de manière plus éclatante qu’avec Christophe et tous ses collègues parasportifs. « J’ai 21 ans de pratique du handisport », explique Christophe. « Ma vie est devenue autre, mais elle est aussi belle et enthousiasmante. J’ai déjà participé à trois Jeux paralympiques, à Athènes en 2004 en rugby en chaise, à Londres en 2012 en handbike (H2), à Rio en 2016 où j’ai décroché la médaille de bronze avec le Team Relay. J’ai aussi été sacré champion d’Europe de course en ligne en 2005 à Alkmaar. »

Le rêve olympique de Christophe, athlète de haut niveau de la Ligue Handisport Francophone se poursuit. « Mon objectif est de disputer les Jeux paralympiques de Tokyo en 2021. » Le Hainuyer, qui devait se hisser sur un podium à la Coupe du Monde d’Ostende, a terminé à la 4e place du contre-la-montre et a été contraint à l’abandon sur ennuis techniques dans la course en ligne, alors qu’il jouait la 3e place. « Il me reste les championnats du monde du mois de juin pour tenter valider mon ticket paralympique. J’ai montré à la Ligue que je suis en forme. »

Les derniers mois n’ont cependant pas été évidents pour les paracyclistes, à cause des mesures qui ont neutralisé tout le calendrier des compétitions. « Notre forme actuelle à tous est le fruit de tout le travail d’entraînement effectué cet hiver avec nos coaches ainsi que d’un stage en équipe organisé par la Ligue », précise Christophe. « Nous avons dû nous préparer sans compétition depuis un an. Pas évident… Mais le moral était là ! »

Thibaud, gagnant de la crise sanitaire

Thibaud Thomanne (28) est espoir sportif à la Ligue handisport francophone. Il a, lui aussi, disputé la Coupe du Monde d’Ostende où il s’est classé 8e en contre-la-montre et dans la course en ligne dans la catégorie « C1 ». « C1, c’est la catégorie de cyclisme où les athlètes sont les plus impactés par un handicap », expliqué Thibaud. « Je suis, en fait, tombé d’une hauteur de 5 mètres en pratiquant mon métier. J’ai eu une lésion importante à la moelle épinière. J’aurais pu être complètement paralysé. Mon handicap aux jambes est toutefois important : mes deux mollets, ma cuisse gauche, mes fessiers, mes ischios sont paralysés. Mais cela ne m’empêche pas de mettre toute mon énergie dans le sport. J’ai toujours mes deux jambes, certes, mais je pense que je peux à peine développer la puissance d’une seule jambe avec les deux. » Thibaud avance, progresse au courage. Il rêve des JO, un jour. Pourquoi pas déjà en 2021 ? Il a fait preuve de ses progrès en s’imposant il y a peu au « Ronde in Vlaanderen », course paracycliste disputée entre Bruges et Renaix. « C’était ma première course depuis 2019. Tout avait été annulé en raison de la crise sanitaire. Mais je n’ai pas voulu me laisser abattre et j’ai tiré profit des périodes de confinement. Je me suis donné sans compter à l’entraînement et cela m’a permis de faire un grand bond en avant dans mon sport. Mon succès au Ronde in Vlaanderen est le fruit de tout ce travail. Je sais toutefois que je dois encore aller plus loin, je sais que j’ai encore de la marge de progression et cela me motive énormément. »

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© Eric Cornu

La Ligue Handisports proche de ses athlètes

Christophe et Thibaud sont deux des nombreux athlètes avec le statut « haut niveau » encadrés par la Ligue francophone Handisport, qui met tout en œuvre pour accompagner ses sportifs dans leur développement vers l’excellence internationale. « Je dirai d’abord qu’il n’y a pas de différence entre un athlète handisport et un athlète sans handicap, ce sont des sportifs de haut niveau », explique Sabrina Rys, directrice technique en charge du suivi des athlètes de haut niveau à la Ligue Handisport francophone. « La crise sanitaire n’a pas été évidente à gérer. Outre l’aspect sportif, nous avons un service d’aide psychologique que nous mettons à la disposition de tous. Nous invitons nos sportifs à travailler principalement avec le CAPS (UCL). Nos athlètes y ont rencontré un psychologue, Christophe Masson. Une évaluation du suivi a été faite. Certains athlètes ont, par ailleurs, décidé de travailler avec un préparateur mental qui les suit de manière plus spécifique. »

La crise sanitaire, le manque de compétitions, ont-elles été une difficulté majeure pour les parasportifs ? « Encore une fois, il n’y a pas de différence entre un sportif et un parasportif de haut niveau en matière de soutien mental. Il peut toutefois y avoir des spécificités particulières par rapport à la déficience physique, par exemple pour les para- et tétraplégiques, qui bénéficient d’un peu plus de soins et d’aide qu’un sportif ordinaire. On parle d’une proximité plus grande, d’une prudence plus soutenue par rapport aux risques de contamination et de protection covid. Nous partons en tout cas du principe que tout sportif de haut niveau, quel qu’il soit, a besoin d’une préparation mentale. Il peut toutefois peut-être se faire que, dans l’histoire de chacun, l’accident ou la déficience a encore une influence, ce qui doit être abordé, pris en main, ou pas, car cela dépend de la personne. Certains sportifs ont fait le deuil de leur déficience, certains autres ne l’ont pas encore fait. »

La crise sanitaire et ses conséquences ont touché le monde du sport à divers niveau. De façon négative, elles ont découragé de nombreux pratiquants. Mais beaucoup d’autres sportifs, notamment dans les rangs du haut niveau, ont mis à profit les périodes de confinement pour travailler leur discipline, devenir plus forts. « Il faut avouer qu’il y a eu des moments difficiles en termes de motivation chez les parasportifs de haut niveau, mais il n’y a pas du tout eu de découragement. On peut comprendre que faire une saison blanche, comme en 2020, pour un sportif n’est pas très enthousiasmant. Mais nous avons pu remarquer, dès la reprise dans tous les sports qu’il n’y a pas eu de baisse de niveau, au contraire ! Ils étaient tous prêts pour les échéances programmées en 2021. Je prendrai l’exemple de Thibaud Thomanne, paracycliste liégeois qui a débuté en 2019, qui a mis la saison blanche 2020 pour s’entraîner à fond et on l’a vu très en forme à la récente Coupe du Monde d’Ostende. Nous savons que nous allons pouvoir compter sur lui pour l’avenir. » Un avenir olympique, espérons-le.

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