Des arbres en ville
L’été sera chaud. Surtout en ville. Pour se protéger de la canicule, certaines grandes villes investissent dans… les arbres ! On n’a encore rien inventé de mieux pour faire baisser la température et améliorer la qualité de l’air.
Demandez à un enfant de vous dessiner la ville, puis la campagne. D’un côté vous aurez des immeubles et du macadam sous la grisaille. De l’autre, des arbres, de la verdure et toutes les couleurs de la nature. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Sur les cartes postales anciennes, on voit que les plus belles avenues de nos villes étaient jadis bordées d’arbres majestueux. Que sont tous ces arbres devenus ? Pour la plupart, ils ont été abattus. Dans les années 1950 ou 70, un arbre ne faisait jamais le poids face à un bulldozer. Il fallait élargir les routes, construire de nouveaux bâtiments. Les arbres étaient alors gênants pour la ville en développement. Ajoutez à cela qu’un arbre n’est pas éternel. Il vieillit, il souffre de maladies, et vient toujours un moment où il faut envisager de s’en séparer. Mieux vaut alors l’abattre en toute sécurité plutôt que de prendre le risque de le voir un jour tomber.
Sous les frondaisons
Abattre un arbre ? Autant cela n’inquiétait personne dans les sixties, autant cela suscite aujourd’hui débats et crispations. Les citadins tiennent aux arbres de leur rue et de leur quartier. Cette année de crise sanitaire l’a plus que jamais prouvé. Nombreux sont ceux qui ont eu l’irrépressible envie d’aller s’allonger sous les frondaisons du parc le plus proche. Besoin de se mettre au vert. Mais ce n’est pas qu’une simple tendance. La présence d’arbres en ville apparait désormais comme une absolue nécessité. À Milan, on l’a bien compris. Tous ceux qui ont visité cette belle ville du nord de l’Italie en plein été le savent : il y fait chaud. Très chaud. Depuis quelques années, le thermomètre flirte régulièrement avec la barre des 40 degrés. La mairie de Milan a donc décidé de faire chuter la température de 2 degrés d’ici 2030. Comment ? En plantant 3 millions d’arbres. Les experts ont en effet constaté qu’il fait en moyenne 6 degrés de plus au centre de Milan qu’en périphérie. En cause : la très faible végétalisation de la ville. La plantation d’arbres par milliers le long des via, des strada, des piazza… devrait permettre de rafraîchir l’atmosphère et de faire baisser la température de quelques degrés. Elle devrait également améliorer la qualité de l’air, dans cette région industrielle au-dessus de laquelle la pollution a tendance à stagner. Selon les chiffres de la mairie, les 3 millions d’arbres permettront l’absorption de 5 millions de tonnes de CO2 supplémentaires, soit 80% des émissions annuelles de la ville.
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- © Flickr Comune di Milano
De l’ombre, de l’eau, de l’air
Le projet milanais séduit car il repose sur des bases solides. Le WWF et d’autres confirment cette différence de 6 degrés constatées entre les zones rurales et les zones urbaines. Il fait plus chaud en ville en raison de la concentration des activités humaines, mais aussi en raison du nombre de surfaces qui absorbent l’énergie solaire. Mettez votre main sur une façade, sur la bordure d’un trottoir ou sur l’asphalte en plein été : c’est chaud ! Et toute cette chaleur participe à la touffeur de la ville. C’est là que les arbres ont un rôle à jouer. D’abord, car leur feuillage crée de l’ombre. C’est agréable pour les citadins, mais cela évite surtout que les rayons du soleil atteignent et réchauffent nombre de surfaces. Dans une même ville, dans un même quartier, on peut ainsi noter une différence de température entre une rue bordée d’arbres et une rue qui ne l’est pas. Les arbres rafraichissent aussi l’atmosphère grâce au phénomène d’évapotranspiration. Les arbres sont comme les humains : plus il fait chaud, plus ils transpirent. Une belle journée d’été, une forêt rejette environ 1,7 litre d’eau par mètre carré. Les arbres en ville agissent donc comme les humidificateurs que l’on installe dans nos intérieurs : ils permettent d’éviter que l’air soit trop sec. Les arbres améliorent également la qualité de l’air en captant une partie de la pollution ambiante. Et ce n’est pas sans intérêt quand on sait que, chaque année, environ 10.000 Belges meurent prématurément de causes liées à la pollution atmosphérique.
Plus respirable, plus agréable
Aujourd’hui, tous les spécialistes l’affirment : il faut davantage d’arbres en ville. Non plus dans un souci d’embellissement de l’espace public, comme au XIXe siècle. Mais parce que les arbres sont indispensables à la vie en ville, tout particulièrement en cette période de changement climatique. Les acteurs de terrain rétorquent que c’est souvent plus compliqué qu’il y parait. Parce que l’on manque d’espace. En hauteur, où il faut bien évaluer l’impact des branchages sur les façades, les fils électriques et l’éclairage public. Mais plus encore en profondeur, parce que les sols de nos villes sont remplis de canalisations en tous genres. Les arbres risquent donc de manquer de terre pour développer leur système racinaire. Malgré ces difficultés, de nombreux projets de plantation sont en cours. À Charleroi, plus de 4.000 arbres ont été planté ces deux dernières années et le mouvement se poursuit. À Liège, le Plan Canopée prévoit plus de 20.000 arbres supplémentaires d’ici 2030. Bruxelles annonce également d’importantes plantations dans les années à venir. Ici, les autorités tiennent à souligner qu’il s’agit d’une opération rentable. Selon le calcul d’experts, les arbres en ville produisent des bénéfices (économiques, environnementaux et socio-culturels) supérieurs au coût de la plantation et de l’entretien. Pour chaque euro investi, le retour est estimé entre 1,4 à 2,7 euros. Ce ne sera pas de la monnaie sonnante et trébuchante mais du bien-être pour nos (petits-)enfants. Grâce aux arbres, ils vivront dans des villes plus respirables et plus agréables.