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Croque la mort

18 janvier 2021
par  Valentin Bianchi
( Photo , Le virus des héros comme des gens ordinaires )

Quelques mois après la Chine et plusieurs semaines après d’autres pays durement touchés comme l’Italie, la Belgique doit faire face à cette pandémie de Covid19 qui fait des ravages partout dans le monde. Rien ne semble l’arrêter et certaines professions doivent malgré tout poursuivre leur travail.

David Weise, 45 ans, est responsable d’une petite entreprise de Pompes Funèbres dans le quartier d’Outremeuse à Liège. Quartier populaire où l’équipe du Funérarium est bien connue de tous.

Ce funérarium, à échelle humaine, est connu pour la qualité de ses services. La taille de l’entreprise n’était pas adaptée à telle pandémie. Pourtant l’entreprise pensait en avoir vu d’autres, fondée en 1898, c’est la cinquième génération.

Cette pandémie de SARS-CoV-2, personne ne l’avait prévue et elle a frappé avec une telle force et si rapidement.

Mais David et son équipe font face et tentent autant que possible de fournir un service de qualité avec humanité et respect. C’est le fil conducteur de l’entreprise et malgré la crise, il faut poursuivre dans cette voie.

Les médias ont mis en avant plusieurs professions durant cette pandémie. Mais au Funérarium Germay, tout le monde a le sentiment d’être des oubliés de la crise. Ils ne sont pas les seuls évidemment mais le manque d’aide de l’état et l’obligation de poursuivre les services funéraires sans un minimum de soutien logistique est vraiment compliqué.

Entre le 18 Mars et le 26 Mai, c’est plus de 80 décès auxquels ils ont du faire face. À titre de comparaison, d’habitude, ils gèrent une vingtaine de décès par mois. Et ils ne comptent plus les décès liés à des pneumonies et autres chocs sceptiques respiratoires. Certains avis de décès énonçaient ses causes de mortalité avant même le confinement. Ce qui laisse à penser que l’équipe à peut-être gérer des corps victimes de ce virus avant le début du confinement. Pour rappel, le confinement a débuté le 18 Mars en Belgique.

Dès le début du confinement, se fournir en matériel de protection a été extrêmement compliqué voir impossible. Pour la sécurité de toute l’équipe, travailler avec un protection adéquate est pourtant nécessaire. Mais souvent, de simples masques chirurgicaux sont de mise pour se protéger. Lorsque le confinement a été instauré, l’entreprise avait quelques masques FFP2 et cinq combinaisons intégrales en stock.

Ces FFP2 sont à réserver pour des situations où le risque est plus élevé. Pas le choix sans pouvoir trouver des fournisseurs fiables.

Les combinaisons intégrales sont destinées elles-aussi aux situations à haut risque de transmission. Souvent les vestes en tissus suffisent à offrir le minimum vital, lavées tous les jours, elles semblent cependant bien vulnérables face à ce virus mortel.

L’Union Professionnelle Nationale des Pompes Funèbres (UPNPF) a pourtant tiré la sonnette d’alarme dès le début de la pandémie, il faut aider les entreprises de pompes funèbres, les laisser partir chercher les corps sans protection adéquate, c’est mettre en péril toute une profession.

Ce métier a en plus toujours connu son lot de mystères. Mystères qui n’en sont pourtant pas, leur travail est direct et sans détours. Depuis la nuit des temps, les croque-morts ont un boulot de l’ombre, un boulot difficile et ingrat. David, lui ne le voit pas comme ça. C’est un métier de respect et d’accompagnement où l’humanité est nécessaire souvent plus qu’ailleurs. Et c’est bien ce qui éprouve David durant cette pandémie, faire ce travail si compliqué sans pouvoir offrir un service humain. Les défunts meurent seuls mais les familles ressentent également cette solitude. Impossible de rendre visite une dernière fois si le patient est confirmé Covid. Impossible de le prendre dans ses bras ou de lui dire au revoir. La plupart du temps, c’est le personnel infirmier qui est leur dernier lien avec cette vie.

Les jours s’enchainent, les heures défilent pour toute l’équipe. Le sommeil est souvent bref et peu reposant. Les appels arrivent jours et nuits. Les visites en maison de repos pour aller récupérer des corps succèdent aux visites à la morgue ou à certains domiciles.

Se protéger à tout prix, éviter de chopper ce virus. Mais pourtant, assurer un service d’accompagnement aux familles endeuillées.

Un colis reçu, tiens, les masques promis par le gouvernement sont arrivés. David et ses employés espèrent des FFP2, il ne s’agit en fait que de masques chirurgicaux ! Ils iront dans l’armoire, pour une autre utilisation, pour plus tard, quand tout ira mieux.

Le travail du croque-mort n’est pas évident, celui caché de tous l’épuise mais pourtant, il reste humain.

Car en plus de ce travail de collecte de corps, collectes oui ! Car il faut bien parler ainsi tant les cercueils contenant des corps s’accumulent dans les locaux de la petite entreprise familiale. Il faut aussi rassurer les familles et expliquer les règles mises en place par le gouvernement pour ralentir la propagation du virus.

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