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Coronavirus : quand les anticorps ne sont pas les seuls acteurs du système immunitaire

4 novembre 2020
par  Ewa Kuczynski
( Presse écrite , Le virus de l’invention )

Un des défis majeurs pour les scientifiques est de comprendre les mécanismes immunologiques associés aux formes cliniques sévères du COVID-19. Il se trouve qu’aujourd’hui, peu de sujets testés positifs développent des anticorps et ces derniers ne sont efficaces que durant 90 jours. Alors que la majorité des articles associe l’immunologie aux anticorps, il semblerait que le corps soit doté d’une ’mémoire immunologique’ qui permettrait à l’homme de lutter contre le virus, même si ce dernier n’a pas développé d’anticorps.

En août dernier, l’institut national des statistiques italien dévoilait les résultats de sa première enquête de séroprévalence au coronavirus. Seuls 2,5 % des Italiens testés positifs au Covid-19 avaient développé des anticorps. Des chiffres interpellants alors que le pays figurait parmi les zones les plus touchées par l’épidémie.

Mais ces anticorps sont-ils vraiment efficaces ? Une étude réalisée par le King’s College à Londres démontre qu’ils ne protègent les sujets que pour une période de 90 jours.

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© Fusion Medical Animation / Unsplash

Le vaccin serait-il alors la seule solution pour survivre au virus ? Pas certain. Il semblerait que les anticorps ne soient pas les seuls acteurs du système immunitaire. Et si cette piste permettrait non seulement de « rassurer » la population, elle permettrait aussi aux chercheurs de travailler sur d’autres bases pour développer de nouveaux traitements.

3 immunités

Pour mieux comprendre ce phénomène, il est important de savoir qu’on distingue trois types d’immunité chez l’homme :

• L’immunité de type 1, qui permet de lutter contre les infections intracellulaires, notamment contre les virus et dont le fonctionnement s’appuie sur la production d’interféron-gamma.
• L’immunité de type 2, qui combat les menaces extra-cellulaires, comme les vers, les parasites ou les éléments allergènes.
• l’immunité de type 3, qui intervient dans la défense contre les micro-organismes extracellulaires, comme les levures et des bactéries et dont le fonctionnement repose sur l’action de globules blancs particuliers : les neutrophiles.

Une « signature Covid »

Des chercheurs de l’université de Yale se sont penchés sur ces 3 types d’immunité pour mieux comprendre la manière dont les sujets infectés réagissaient au virus. Pas moins de113 patients atteints d’une forme modérée ou sévère de Covid-19 ont été inclus dans l’étude. Au total, 253 prélèvements sanguins ont été effectués, cela à sept moments différents chez ces patients, étalés sur une période d’environ deux mois (J3 à J51).

Les chercheurs sont parvenus à déceler une « signature Covid-19 » commune aux sujets atteints du Coronavirus, définie par la présence de molécules témoignant d’une importante inflammation : des cytokines inflammatoires :

• Les réactions associées à une immunité de type 1 se sont manifestées par un nombre élevé de monocytes, une catégorie particulière de globules blancs, 14 jours après le début des symptômes chez les patients présentant une forme sévère de Covid-19, mais pas chez ceux ayant développé une forme modérée du virus

• Le taux de molécules, considérées comme des marqueurs de l’immunité de type 2 continuait quant à lui d’augmenter au fil du temps chez les patients présentant une forme sévère de Covid-19.

• Le même phénomène a été observé dans l’immunité de type 3

C’est sur base de ces trois réactions que la mémoire immunitaire du corps se développe. Au cours de leurs recherches, les chercheurs ont en effet observé que les sujets développaient davantage de lymphociyes T.

La mémoire immunitaire

Qu’est-ce que la mémoire immunitaire ? Il s’agit d’une mémoire qui se met en place quand des lymphocytes T, des cellules immunitaires dans le sang et la lymphe, se spécialisent pour reconnaître des parties du virus à la surface des cellules infectées.

Les lymphocytes T activent alors les lymphocytes B, producteurs d’anticorps contre le virus, et d’autres lymphocytes T, chargés de tuer les cellules infectées. Une fois l’infection éradiquée, des lymphocytes B et T vont perdurer dans l’organisme et former la mémoire immunitaire contre le virus.

Or, il se trouve que les chercheurs ont observé une augmentation de l’activation de lymphocytes T participant à la mémoire immunitaire (cellules T CD4+ et CD8+), chez les patients avec une forme sévère du Covid-19. Ces lymphocytes B et T "mémoires" persistent dans l’organisme. En cas de nouvelle infection, ils seront immédiatement réactivés et conduiront à une réponse spécifique, rapide et efficace.

Les anticorps ne sont donc pas les seuls acteurs du système immunitaire à combattre le virus. Des propos corroborés par l’Inserm (Institut de la science pour la santé), qui a lancé une grande étude sur le sujet en juin dernier. « Nous savons que ces cellules sont ont une mémoire dès lors qu’elles se trouvent encore dans le sang alors que le virus a disparu", explique Simon Fillatreau qui dirige l’étude.

« Avec ce travail, nous découvrirons si la quantité de ces cellules mémoires diminue au cours du temps ou non et, si oui, à quelle vitesse. Nous acquerrons ainsi des indices sur la nature de l’immunité acquise (… ) si l’épidémie redémarre, nous serons immédiatement prêts à étudier les réponses mémoires des individus malades, et cela à grande échelle. »

La présence de ces lymphocytes pourrait également influencer le processus de vaccination. Ces éléments ouvrent-ils la voie à d’autres pistes pour vaincre l’épidémie. Certainement. Mais à ce stade-ci de nombreuses études sont encore nécessaires pour mieux appréhender la défense immunitaire du corps humain face au virus, qui aujourd’hui, continue de faire des dégâts.

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