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Comment le confinement a changé notre rapport à nos lieux de vie : « Le télétravail dans le salon, ça change l’identité de ta pièce »

21 octobre 2020
par  Emilie Pommereau
( Presse écrite , Le virus des héros comme des gens ordinaires )

Une vieille maison bourgeoise de style néo-renaissance, à la façade décrépie, mais au charme fou. Troisième étage sans ascenseur, 70 mètres carrés, 2 chambres côté cour, un salon côté rue avec trois belles fenêtres arrondies d’époque. Pas de balcon, pas de jardin. L’appartement de Laure (39 ans) et Jens (37 ans) a dû subitement relever deux défis avec le confinement : accueillir un petit être nouveau et devenir un espace de télétravail.

Le salon devenu bureau

Pour Jens, l’appartement a plus été synonyme de prison que de refuge pendant le confinement. Ce consultant néerlandophone et cycliste passionné chérit d’autant plus son intérieur quand il peut en sortir. « J’aime bien avoir cette coupure après le boulot, de marcher ou du faire du vélo avant de revenir à la maison et de commencer une nouvelle partie de la vie quotidienne ». Avec l’arrivée d’une petite fille (Mina) 9 jours avant l’annonce du lockdown, autant dire que son quotidien a été chamboulé. « Après trois semaines de travail à la maison, j’ai décidé d’arrêter ma mission. C’était impossible de tout gérer en même temps. S’occuper d’un nourrisson, assurer la vie pratique tout en enchaînant des réunions Zoom de 4-5 heures ». Le salon qui était pour lui le seul espace de détente de l’appartement était devenu son bureau et mentalement, ce n’était plus gérable. « Travailler dans un espace privé, ça change l’identité de ta pièce. Même si tu es chez toi, tu sais que ton lieu de travail le lendemain matin, c’est cette table qui est devant toi, devant le canapé. La maison n’est plus un refuge ». Laure, très attachée à son appartement imparfait, a vu d’un très mauvais œil ce salon se transformer en salle de réunion virtuelle. « On a essayé de partager la table de salle à manger avec une nappe pour délimiter un espace travail et un espace pour manger, mais cela n’a pas fonctionné, tout se mélangeait, c’était le bazar », décrit Laure.

Le refuge de la chambre à coucher

Si Laure s’est beaucoup agacée de la mauvaise gestion de la table de la salle à manger, elle a investi la chambre à coucher qui est devenu son petit sanctuaire. « La chambre, c’était ma nouvelle vie avec Mina. Je ne l’ai quasiment pas quittée les trois premières semaines du confinement. D’abord, parce que j’étais complètement épuisée après l’accouchement. Et puis j’avais très peur de l’épidémie. Je voyais le danger de la contamination partout : les interrupteurs, les poignées… J’essuyais tout avec des lingettes. Malgré ces angoisses, je garde plutôt un beau souvenir de ma retraite dans cette pièce. Notamment ce dimanche de printemps… Il commençait à faire beau, on a ouvert les rideaux et on a étalé une nappe sur le lit. Jens nous avait rapporté des croissants et on a pris le petit-déjeuner sur le lit avec Mina dans la lumière du soleil. C’était magique ». Laure, dans la chambre, a passé des matinées entières avec France Inter. Elle se souvient des beaux discours sur le confinement qui devait être l’opportunité à saisir pour s’occuper de soi, de son intérieur, faire le tri dans ses affaires. « Ça m’a parlé évidemment. J’avais envie de rendre le salon plus cosy, de trier ma garde-robe pré-grossesse, de repenser l’organisation des poubelles qui étaient sur le palier et nous obligeaient à sortir de l’appartement, donc à nous exposer à des risques de contamination, etc. Le confinement a décuplé mon envie de perfectionner l’appart ».

Isolé chez soi

Le confinement dans cet apparemment, aura aussi été synonyme d’isolement pour le couple de jeunes parents. « À cause des mesures sanitaires, nous n’avons pas pu bénéficier de toutes les visites de la sage-femme. Et sans expérience de bébé, on s’est retrouvés tous les deux à essayer de comprendre comment fonctionnait un nouveau-né. On a manqué d’informations, de conseils et on a parfois paniqué face à des situations inconnues avec Mina ». Avec une reprise d’un semblant de vie normale pendant l’été, les jeunes parents ont mesuré à quel point ils avaient été coupés socialement pendant le confinement. « Après la naissance, normalement, tu reçois la visite de la famille, des amis avec qui tu partages la bonne nouvelle. On a complètement raté cette période ». Et c’est alors que Laure soulève un nouveau défi à relever dans l’appartement. « Avec l’arrivée d’un enfant, on est de moins en moins mobile. Si on veut encore avoir une vie sociale, il va falloir désormais recevoir plus chez nous. Et cela signifie donc soigner son intérieur pour le rendre accueillant ». La fin du confinement aura finalement soulevé chez Laure et Jens la question du canapé. « Après plusieurs tentatives d’achats, on a enfin trouvé celui qui convenait. Il est plus grand, plus confortable et un peu moins chic que le précédent. Mais on peut s’y allonger et faire la sieste », décrit Laure. Une pièce phare de cette année 2020 qui symbolise le confort dans ce repli chez soi imposé en cette période d’épidémie.

Jamais plus un appart sans un espace extérieur

Si Laure continue à rêver d’améliorer leur lieu de vie, Jens voit les limites de cet appartement. Le jeune père qui avait déjà envie d’investir avant le confinement dans un bien plus grand et plus confortable, n’envisage plus aujourd’hui un lieu de vie sans espace extérieur. « Avant, j’étais la dernière personne à vouloir un jardin. Clairement, je ne me voyais pas l’entretenir. Mais si cela peut servir au bien-être de mon enfant et de ma famille, alors oui, je serais prêt à en avoir un ». Il rappelle en effet que pendant le lockdown, il n’était même plus possible de se reposer dans un parc et que les bancs étaient condamnés. « Mon rêve ? Un appartement ou une maison tout sur un même niveau, trois chambres, un jardin ou une terrasse à côté d’un grand espace vert, mais pas trop loin de la ville ». Laure quant à elle se contenterait d’un balcon, où elle s’imagine boire une tisane le soir. « Je préfère un appartement dans tous les cas. Rien que de penser à une maison, je vois déjà tout ce qu’il faudra aménager et entretenir. Mon rêve : un bel appartement dans une maison de maître, entièrement retapé, où tout a été aménagé sur mesure et où on n’a plus de questions à se poser ». « Ah oui, ça me ferait du bien aussi », rigole Jens, « de faire une pause et de ne plus penser tous les mois à changer quelque chose dans l’aménagement intérieur ! ».

Mais les projections d’avenir sont vite rattrapées par les préoccupations quotidiennes. Alors que les mesures sanitaires ont été renforcées, certaines visites d’appartements sont reportées. Demain, Laure et Jens prévoient d’acheter une chaise haute pour Mina et se réjouissent de pouvoir au moins passer l’automne blottis au fond d’un beau canapé suffisamment grand pour tous les trois.

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