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Bruxelles a 2030 dans le viseur et le fait savoir

28 juin 2021
par  Charline Cauchie
( Presse écrite , Tout... sauf le virus ! )

Bruxelles se positionne en vue de 2030, année où une ville de notre pays, selon les règles de la Commission européenne, portera à nouveau le titre de Capitale européenne de la Culture. La Région a attribué au duo Hadja Lahbib et Jan Goossens la charge de porter ce projet qu’ils veulent rendre “incontournable”.

Elle est l’un des visages de la RTBF, journaliste, réalisatrice multi-primée, ex-présentatrice du journal télévisé et de l’émission Tout le Baz’Art dont elle a rendu les clés il y a quelques mois. Il est l’ex-directeur du théâtre flamand de Bruxelles, le KVS, dont, en quinze ans, il a changé le visage et la place dans la ville, bientôt ex-directeur du Festival de Marseille qu’il quitte à la fin de l’année. Ils avaient remis un projet commun pour Bruxelles 2030 à la suite d’un processus de candidature relayé au sein du secteur culturel. Leur désignation a été annoncée par la Région Bruxelles-Capitale en février dernier et bien accueillie par les observateurs de ce petit monde : “un duo de choc”, commentait-on sur Twitter alors que les deux intéressés se refusaient encore à toute interview.

“Être la première ville belge qui sort la question des bureaux”

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© Antonin Weber

Là, ils sont prêts à communiquer et l’ont fait savoir à l’ensemble des médias. Hier, les articles à leur sujet commençaient à essaimer. Qu’ont-ils de si important à dire à ce stade ? “On espérait la reprise de la vie culturelle et s’y inscrire pleinement”, explique Hadja Lahbib, “C’était aussi pour lancer un signal au secteur, lui dire qu’on est là, qu’on a envie de travailler avec à la fois les institutions établies, mais aussi avec tous les artistes qui ne sont pas représentés, qui n’appartiennent pas à la scène officielle et pour lesquels on veut être un relai”. Jan Goossens embraye : “’Il n’y a pas de projet détaillé à présenter puisque notre approche est bottom-up. L’enjeu est de poser un horizon commun que nous, les chargés de mission, n’avons aucunement l’intention de porter seuls. On veut ouvrir le débat et être la première ville belge qui sort la question des bureaux”.

Parlons-en des autres villes. Plus ou moins clairement, plusieurs d’entre elles ont émis l’intention d’être candidates. Bruxelles, qui a déjà porté le titre en 2000, ne serait pas forcément une favorite dans la compétition en vue de l’obtention du titre d’ici 2026. Mais, le duo Lahbib-Goossens veut rendre la candidature de Bruxelles “incontournable”. En faisant une candidature unique en Belgique, par exemple. “Les règles sont là pour être contournées”, nous glisse Jan Goossens. Des discussions seraient déjà en cours, avec notamment Leuven ou Charleroi. “On ne veut pas tomber dans la concurrence bête et féroce. On va décrocher le titre mais pas contre les autres. Pour nous, il ne fait aucun doute que Bruxelles sera choisie à partir d’une grande ouverture vers des villes wallonnes et flamandes. Car 2030 n’est pas que l’année d’une Capitale européenne de la Culture.”

Le bicentenaire, deuxième défi de 2030

“1830 - 2030. Bruxelles a rendez-vous avec son Histoire”, ajoute Hadja Lahbib qui rappelle que notre pays a gagné son indépendance sur un air d’opéra, La Muette de Portici, joué en plein centre de la ville. “Quelle Belgique est en train de se former ? Quel rôle Bruxelles et les autres régions y auront ? Quand on remettra le dossier, ce ne sera plus une question abstraite. Puis, il s’agit pour Bruxelles de devenir plus clairement ce qu’elle est déjà, c’est-à-dire la capitale de l’Europe, celle de l’imagination européenne, de 500 millions d’Européennes et d’Européens, pas seulement la capitale décisionnelle, administrative et politique.”

Au moment de se rejoindre pour le shooting photos, Hadja Lahbib et Jan Goossens sortent du bureau de Rudi Vervoort, Ministre-Président de la Région qu’ils rencontraient pour la première fois depuis leur désignation : “On a été choisi à distance, ça manquait du côté festif et humain, et on n’a toujours pas bu un verre ensemble”, plaisante Hadja Lahbib avant d’enchaîner plus sérieusement sur les grands axes de leur projet : “Ne pas organiser un feu d’artifice, ni uniquement des événements artistico-artistiques, mais se pencher sur les grandes questions environnementales, sociales, démocratiques, urbanistiques de notre temps”. Lors de ce rendez-vous, ils ont aussi rencontré Philippe Close, Bourgmestre de la Ville de Bruxelles : “Ils nous ont montré qu’ils veulent prendre leur destin culturel en main, un souhait déjà exprimé en 2016-17, période des attentats, un autre moment de grande crise durant lequel pour la première fois Rudi Vervoort avait évoqué Bruxelles 2030 et posé cet avenir commun.”

Un G1000 puissance 2030

Comment vont-ils travailler ? “On se donne toute une année pour consulter, être à l’écoute en s’appuyant sur notre chambre de réflexion composée de 18 experts, et toutes sortes de structures et d’individus qui seront les points de départ vers un maximum d’acteurs.” N’est-il pas difficile de vendre au secteur culturel et aux artistes qu’ils vont participer à inventer Bruxelles, la Belgique voire l’Europe de demain alors même que leur voix, pour bon nombre d’entre eux, est confinée depuis des mois ? “Il y a une envie du secteur d’être reconnu à sa juste valeur, et que l’on arrête de le cantonner dans une image distrayante, alors que la culture, c’est le frein à la bêtise, à la radication, c’est l’éducation, c’est un moteur économique, c’est l’essentiel”, insiste Hadja Lahbib.

Dans leur projet vers 2030, les années impaires serviront ainsi de réflexion, les années paires de propositions artistiques dont la première aura lieu durant l’été 2022. Les priorités du duo sont l’inclusion de la société civile, particulièrement des jeunes “qui feront la force active de demain”. Comment ? “On pense à un G1000 pour se pencher sur toutes les voix de Bruxelles”. G1000 du nom de cette initiative participative de leur ami commun, l’intellectuel David Van Reybrouck qui fait partie de la fameuse chambre de réflexion. “Il ne s’agit pas de s’enfermer dans un bureau pendant trois ou quatre ans ans avec un comité d’experts et de sortir une note”. Ils cherchent une vision pour la ville-clivage, la ville cosmopolite qu’est Bruxelles. Une vision “à faire partager par un maximum de Bruxellois et de responsables politiques. Car c’est en faisant cela que les projets deviennent inévitables”.

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