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Binche, terre de vélo, mais pas à huis clos

26 novembre 2020
par  Pierre Ghislain
( Presse écrite , Le virus du sport )

Au contraire de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège, mais au même titre, par exemple, que le Grand-Prix de Wallonie, Binche-Chimay-Binche, semi-classique de fin de saison initialement prévue le mardi 6 octobre, n’a pas eu lieu en 2020. Une décision à la fois « logique et sage » pour les organisateurs, qui n’auraient pas imaginé leur course se disputer sur une Grand-Place de Binche vide de ses supporters. Car si elle est devenue, au fil des ans, une vraie terre d’accueil pour les meilleurs cyclistes du monde, c’est avant tout à son public, chaleureux, festif et passionné que la cité du Gille le doit.

Deux départs de la Flèche Wallonne (2013 et 2017), les championnats de Belgique (2018) et, bien entendu, un départ d’étape du Tour de France l’an dernier : les amateurs binchois de la Petite Reine ont été copieusement gâtés ces dernières années. Et si tel est le cas, c’est en partie grâce à la réussite annuelle de Binche-Chimay-Chimay. De retour au calendrier de l’Union Cycliste Internationale (UCI), depuis 2010, la semi-classique binchoise attire chaque année un plateau particulièrement relevé. Elle compte d’ailleurs à son palmarès récent des stars du peloton comme Zdenek Stybar, Arnaud Démare ou encore Elia Viviani.

C’est assurément devenu un rendez-vous privilégié de fin de saison pour beaucoup de spécialistes des classiques. Et, à plus forte raison encore, pour le régional de l’étape, Ludwig De Winter. Binchois pure souche, le coureur de la formation Circus Wanty Gobert (une équipe en partie binchoise) ne manquerait ce rendez-vous pour rien au monde. « C’est mon mardi gras à moi », sourit-il.

Gille depuis sa plus tendre enfance, Ludwig avait l’habitude de battre les pavés binchois avec ses sabots. Depuis qu’il est pro, c’est à grands coups de pédales qu’il s’exécute. Avec un enthousiasme débordant. « Il n’y a rien de plus transcendant que de rouler à domicile. C’est généralement une de mes dernières courses de la saison. Donc, c’est aussi l’occasion de faire la fête, entouré de ma famille, de mes amis et de mes supporters », confie le coureur de 27 ans.

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Être encouragé par sa maman et son fils, l’un des bienfaits de Binche-Chimay-Binche pour Ludwig De Winter.
© DW Production

Cette année, pourtant, Ludwig De Winter et ses collègues ont dû se faire une raison. Le 21 août dernier, la décision est tombée : le Collège échevinal binchois annulait toutes les festivités de masse jusqu’au 30 octobre compris. Pas de fête de septembre, pas de parade d’Halloween et, donc, pas de Binche-Chimay-Binche pour ouvrir l’automne 2020 dans la cité du Gille.

La fin d’un long suspense pour le comité organisateur, qui se tenait pourtant prêt. « Depuis le mois de juin, on s’organisait pour mettre la course sur pied, en fonction des directives des autorités et des mesures sanitaires décidées par le Conseil National de Sécurité. On avait eu confirmation des équipes, des sponsors… On était prêts à embrayer », résume Philippe Labar, président de l’ASBL qui a remis l’événement au goût du jour.

« Comme un carnaval avec trois Gilles au milieu des tambours »

Et pourtant, personne dans le comité d’organisation ne contestera la prise de position des autorités communales. « C’était sans aucun doute la plus sage et la plus raisonnable décision possible », confirme Philippe Labar. « Evidemment, il y a des courses, comme le Tour de France, qui ont survécu au Covid-19 cette année, mais les moyens ne sont pas les mêmes. »

Au-delà de ça, personne à Binche n’aurait imaginé une course sans public. « Binche-Chimay-Binche, c’est une course dans la fête. Comme tous les événements qui ont lieu dans notre commune, cette épreuve est avant tout synonyme de fête et de partage pour les Binchois. Une course à huis-clos, ici ? C’était impensable pour nous. Des coureurs sans public, c’est un peu comme un carnaval avec trois Gilles au milieu des tambours, ça n’a aucun sens. »

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Les organisateurs le promettent, la Grand-Place de Binche retrouvera les stars du peloton dès le mois d’octobre 2021.
© Pierre Ghislain

Jean-Luc Vandenbroucke, n’est, pour sa part, pas Binchois. Mais il apporte son expérience à la semi-classique automnale. Ancien coureur émérite et ancien directeur sportif, il en est le Manager Général. Il gère essentiellement le volet sportif de l’événement. Une course qui lui tient d’autant plus à cœur qu’elle a été rebaptisée Mémorial Frank Vandenbroucke, en 2010, en hommage à son neveu décédé l’année précédente et lauréat de l’épreuve en 1996.

Le Mouscronnois a d’ailleurs très vite développé une belle relation avec la cité du Gille. « Il y a une ambiance très particulière à Binche. Les gens sont des passionnés, ici, et ça se ressent. Ils prennent congé pour venir voir les coureurs et participer à la fête. Le Mémorial Frank Vandenbroucke est l’une des courses les plus populaires du calendrier wallon. »

L’édition 2021 n’est pas en péril : « Offrir au public binchois cette fête qu’il mérite »
Et lui aussi salue la décision d’annuler l’édition 2020. « Personnellement, je ne suis pas trop pour les huis clos. Le cyclisme, c’est la convivialité, la proximité et la gratuité. Les huis clos enlèvent tout ça à notre sport. D’autant plus, ici, à Binche. Le public est le moteur de notre épreuve et, pour moi, organiser Binche-Chimay-Binche en fermant la Grand-Place au public, c’était tout simplement inimaginable. Je pense que Monsieur le Bourgmestre et ses Echevins ont pris une décision courageuse et qu’il faut la saluer. Et nous, on reviendra en 2021. »

Ludwig De Winter, lui, est favorable aux huis clos face au contexte sanitaire actuel. « Parce qu’ils nous permettent de continuer à exercer notre métier, parce qu’ils assurent la sécurité de la bulle peloton et que, s’il faut passer par là pour courir, alors on doit le faire », justifie-t-il. Et pourtant, le Binchois valide les propos des organisateurs du Mémorial Frank Vandenbroucke : « A Binche, je ne pense pas que ce soit réaliste. La Commune a pris la décision qui s’imposait. »

Mais que le coureur binchois se rassure. Il pourra prendre le départ l’an prochain. Car cette annulation n’aura aucune répercussion sur l’avenir du Mémorial Frank Vandenbroucke. « On a déjà eu des contacts avec l’UCI, et la course est inscrite au calendrier de 2021 », rassure Jean-Luc Vandenbroucke. « Cette année, on aurait dû revoir certaines choses, parce que les sponsors ont beaucoup souffert de la crise. Mais dans un an il n’y aura aucun problème. Ce n’est pas la première course qui est annulée, j’avais connu ça avec le Grand Prix Samyn (l’autre grande course du calendrier hennuyer que le Mouscronnois dirige, ndlr.) et on avait su y faire face. En espérant que le contexte sanitaire soit favorable, évidemment, on sera de retour en octobre 2021 pour offrir au public binchois cette fête qu’il mérite ! »

Philip Labar acquiesce et complète : « Dès que ce sera possible, on se mettra à table pour préparer l’édition 2021. Avec une idée supplémentaire qu’on souhaiterait soumettre au président de la Ligue Vélocipédique Belge, mais on garde ça pour nous pour le moment… »

Même sans édition 2020, Binche et la petite reine resteront bons amis. Et les pavés de la Grand-Place vibreront à nouveau au rythme des coups de pédale des champions du peloton. Dès que la Cité du Gille pourra accueillir son chaleureux public…

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