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Bières épicées

23 septembre 2021
par  Christian Deglas
( Tout... sauf le virus ! )

Non non, pas du tout, la bière n’est pas diurétique comme la phonétique vous le laisserait entendre ! Bon allez soit, disons que la bière, après moultes dégustations, peu le devenir mais ce n’est sa faute, c’est bien sûr les quantités d’eau qu’elles contiennent et qui après avoir traversé vos reins, viendront remplir vos reins. Il faut avant tout savoir que parmi les peuples de l’ex-Gaule » se sont les Belges les plus connaisseurs en bières mais comptent aussi parmi les plus grands consommateurs !

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Comme l’insinue véritablement le titre de ce chapitre, la bière nécessite à des fins de caractère propre, un appel à des épices naturelles soit pour lui apporter une saveur particulière, soit encore corriger une faiblesse de goût ou un défaut. Dans certains cas, elle peut receler un pouvoir particulier qui vous procurera soit une détente ou inversement un bonus en énergie, un peu similaire aux effets des boissons énergisantes. Disons qu’une bière sans épices serait un peu comme un gâteau sans sucre.
Les éléments de bases pour une bière sont essentiellement, l’eau, l’orge, le malte, le sucre et le houblon, hormis pour les bières de fermentation spontanée dont l’air et les microbes invisibles mais non contagieux, sont les principaux « partenaires » du processus de la fermentation spontanée c’est- à-dire l’acidification la bière lors de son refroidissement et obtenir du lambic qui, lors du mélange avec d’autres lambics plus tardivement, donnera naissance à la gueuze. Ce phénomène n’est possible que dans la région du Brabant flamand où s’écoule la Senne.
En général, les brasseurs sont peu bavards dès que l’on évoque l’utilisation d’épices dans leurs productions, et ce essentiellement pour 2 raisons principalement, afin d’empêcher toute copie de leur recette par un autre brasseur, ou tout simplement pour corriger un effet secondaire apparu involontairement dans le goût final principalement une faiblesse d’amertume durant la fermentation. Traditionnellement, l’écorce d’orange séchée est appelée en dépannage à la plus grande satisfaction du brasseur. En citant le houblon, je préciserai toutefois, que ce dernier est considéré pour beaucoup de brasseurs comme une épice à part entière. De son vrai nom « Humulus Lupulus » il fait partie des plantes de la catégorie des Cannabaceae qui ne possède que 2 spécimens de plantes, le houblon et….le cannabis ! Hormis son rôle d’apporter une amertume typique à son produit, il est aussi un antiseptique très efficace permettant la purification des eaux nécessaires pour le brassin. Cette plante procure aussi une détente. Cette spécificité naturelle constitue sa propriété la plus naturelle au point qu’au cours du XXème siècle déjà, elle donna lieu à une catégorie de bières à part entière appelée I.P.A. (Indian Pale Ale) car lors du rapprovisionnement vers les nombreuses colonies britanniques dans le Sud du Globe, les Anglais ajoutaient du houblon dans les fûts des transports d’eaux potables lui évitant ainsi toute infection. Au fil du temps, il s’est avéré que ce goût d’amertume plaisait tellement aux équipages de ces bateaux au point que les brasseurs anglais en firent une boisson spécifique à la base du fameux « pale ale. » L’échelle des taux de densité dans l’amertume de ces bières s’appellent EBU (European Bitterness Unity). Au plus élevé est ce numéro, au plus amère sera la bière. Il est évident qu’une bière affichant un 50 EBU, deviendrait quasi imbuvable.

LES ÉPICES LES PLUS FRÉQUENTES.
Hormis l’écorce de orange voire même de citron, il existe plusieurs milliers d’épices intervenant dans les recettes brassicoles. Parfois, je me surprends moi-même de constater que de nos jours, surtout depuis l’apparition du micro brasseries, de l’utilisation d’orties par exemple, utilisées en cours d’ébullition de la bière afin de lui apporter un certain piquant. C’est aussi le cas pour les grains de moutarde qui viennent pimenter le brassin. Les clous de girofles par contre sont principalement utilisés dans les recettes de bières, afin enlever les mauvaises haleines d’un dîner trop assaisonné à l’ail. C’est en quelque sorte le déodorant buccal !
La coriandre est l’une des épices majoritairement utilisées pour sa modestie car elle est l’une des moins prenantes gustativement dans la bière. Elle apporte néanmoins une impression de douceur apaisante en fin de dégustation. Disons qu’elle est un peu la lime des ingrédients trop envahissants. Ce sont principalement les versions blondes qui font appel à cette épice, car à elle seule, il serait bien difficile d’imposer son goût dans un contexte favorable aux ambrées ou aux brunes dont la base initiale repose sur de l’orge carbonisée.
Contrairement à certains préjugés, les épices ne sont pas néfastes pour la santé, bien au contraire même, puisque certaines favorisent des réactions très positives sur l’organisme humain, comme par exemple l’ « euphraise » qui est bonne pour les soins de visions ou encore l’ « aunée grecque » qui possède des effets bénéfiques pour les diabétiques.
Ce qui dans un autre apparaissait comme une boisson magique à la « Panoramix », son association dans le monde du brassage est rentrée définitivement dans l’esprit brassicole et de ses nombreux adeptes. Les épices dans les bières ne sont plus un sujet tabou. Elles font partie intégrantes du monde brassicole. Citons toutefois que certains brasseurs surtout du côté des moines brasseurs cisterciens de nos abbayes trappistes, se défendent de n’en utiliser aucunes.
Le fait que les bières, boisson oh combien fétiche des Belges, inscrivent de plus en plus leurs lettres de noblesse au le Panthéon des boissons nobles. Elles gardent toutefois leurs rites de dégustation et font appel à toutes les fonctions de nos sens : la vue, l’ouïe, le toucher, le nez et le goûter dont la langue pour cette dernière est véritablement la seule clé primordiale pour découvrir les différente saveurs. Elle évalue avec précision quelles épices stagnent dans le goût et nous prévenir ainsi de leur réaction sur notre organisme.
Une fois cette étape franchie, vous apprécierez ainsi la bière comme jamais vous ne l’aurez goûtée.

Procédez à l’évaluation dans cet ordre :

LA VUE :
Bien évidement la couleur de sa robe, voilée, blonde, ambrée, brune ou noire vous indiquera déjà la tendance à laquelle, il faudra s’attendre. Son perlé et sa mousse vous permettra aussi d’estimer son âge et sa fraîcheur.
L’OUÏE :
C’est déjà une phase clé car au moment du débouchage de la bouteille, il vous faudra entendre le « pssschit ! » d’ouverture qui libère son petit nuage de gaz signe d’une saine fermentation.
LE NEZ :
Il est la suite de l’ouïe, car outre les résidus des gaz de sa fermentation, vous reniflerai déjà le générique de sa tendance olfactives principalement les sensations amères ou fruitées selon le type de bières.
LE GOÛTER :
Chasser de vos appréciations le « j’aime ou je n’aime pas ! » Lors de cette dernière étape, car vous entrez dans le moment de vérité. Le nez peut être trompeur lors de l’arome mais il peut aussi vous donner une deuxième impression au moment de l’expiration lorsque vous avalez la première gorgée. C’est la langue qui décèlera à 60% les faces cachées qui ne se sont pas révélées lors des phases précédentes. Il faut tenir compte que la langue a bonne mémoire et est en quelque sorte la « gendarmette » pour l’évaluation exacte de la bière. Elle possède des points de sensations bien spécifiques (voir schéma) et garde en elle beaucoup de souvenirs de ce que vous avez mangé ou bu précédemment. Les plus grands faussaires de goûts, sont les sucrés car ils ne s’accouplent jamais avec les tons amers houblonnés. Ils ne peuvent qu’accentuer avec excès des mauvaises impressions et même les pousser dans un sens contraire de ce que le brasseur souhaitait. Les goûts salés camouflent les réelles densités des matières premières de la bière mais fort heureusement dès la deuxième gorgée, retrouvent la normale.

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Par contre le pire ennemi des saveurs brassicoles est le ton sucré. C’est une véritable chape de saveur qui se fige sur la langue juste à l’entrée du gosier situé où doit s’opérer la conclusion finale qui se clôturera par l’expiration des arômes, la seule véritable perception de la bière, l’expiration. Un jugement qui sera sans appel. C’est pourquoi une fois la première approche terminée, il est très instructif d’effectuer une deuxième dégustation.

LA BATAILLE DU HOUBLON.
L’arme principale du brasseur est le houblon. Il déterminera le caractère fort ou pas de l’amertume de la bière. En général, c’est le point informatif le moins précis qu’un brasseur vous révèlera. C’est un peu comme le coffre fort de votre banquier qui ne vous informera que superficiellement du contenu de son coffre fort ! Fort heureusement, parmi la nouvelle génération de jeunes brasseurs, certains se feront une fierté de vous d’informer du type de houblon qui a été utilisé. Il y a 5 ans, la brasserie Moortgat à qui on doit la célèbre Duvel, a sorti une gamme spéciale garantie chacune par un houblon typique, souvent méconnu du grand public. De cette série, et après un sondage effectué auprès des amateurs de la bière du Diable, Deux en sont sorties hors série notamment grâce à une amertume particulière, un caractère unique ainsi qu’une finesse caractérielle sur l’ensemble de sa saveur. Les 3 houblons utilisés et méconnus auparavant, se sont véritablement révélés comme une véritable découverte : le Citra, le Cascade et le Cashmere. Tous sont issus de la production des USA et localisés géographiquement vers les vallées aux pieds des plaines précédant la région des Rocheuses. Le Saaz, principalement utilisé pour les fermentations basses, notamment les pils issues de Tchéquie possède aussi une très belle carte de visite, mais dans une autre catégorie de bières.
Les brasseurs européens se sont véritablement rués vers ces nouveaux types de houblons, alors que tant d’autres sortes, n’attendent qu’un brasseur daigne bien vouloir les utiliser.
La Belgique n’est pas en reste car c’est en Flandre Occidentale que poussent nos différents houblons, et déterminent le caractère d’au moins 70% de nos bières. Un exemple avec la brasserie DE RANKE qui possède sa propre production de houblons située à cheval côté flamant comme côté Wallonie et flirtant avec les terres françaises. Leurs bières se déterminent avec un relativement moyen volume d’alcool et un taux alcoolique moyen. Le brasseur classe ses brassins de façon que j’appellerai « algébrique » : « X », « XX » ou encore « XXX BITTER » mais sans aucunes inconnues. Elles affichent des degrés alcooliques raisonnables, de façon à ne pas entraver le caractère des différents houblons utilisés. De part le fait que le volume d’alcool est moyen, cela sous-entend que le brasseur n’a travaillé qu’avec une faible dose de sucre qui est indispensable dans le processus de la fermentation haute. Du côté des moines Cisterciens trappistes, on ne cache pas que les épices ne leurs sont pas une nécessité absolue, mais cependant tant pour l’Orval que la Westmalle, on peut toutefois relever une sensation, dirai-je, de douceur étudiée qui n’interfère nullement le caractère amer de la bière !

ÉPICES ODES, BIÈRES DE SAISON ET BIÈRES ASSAISONNÈES !
S’il est des bières dans lesquelles les épices sont indispensables, ce sont les crus spéciaux saisonniers et par excellence celles de Noël. Il faut tout d’abord connaître l’origine de ses bières. En effet, les brasseurs possédant un stock important d’hectolitres de bières non vendues, préférait y ajouter des épices douces plutôt que de les verser à l’égout. Ces bières, je tiens à le préciser, étaient loin d’être périmées, mais encombraient les stocks généralement exigus chargés de devoir accueillir les nouveaux brassins printaniers. Il fallait donc de façon élégante proposer une porte de sortie pour ces brassins excédentaires. Qui dit Noël pense aux nombreuses douceurs qu’un dîner de réveillon peut supposer. C’est pourquoi généralement le brasseur faisait appel à un supplément de douceur ou édulcoré afin d’apporter au palais une touche festive. L’épice fétiche des fêtes de fins d’années était et l’est toujours la cannelle, appuyé de temps à autre par de sucre candi, de sirop d’érable ou de sureau. L’exemple type de bière de saison en Belgique est indéniablement la « Gordon Christmas » de la Brasserie John Martin. Elle apporte à la fois le sérieux traditionnel typiquement britannique ainsi que le fumé aromatique pour rappeler la bonne humeur, voire de l’humour anglais. Plusieurs brasseurs se sont laissé tenter par cette tradition. C’est ainsi que beaucoup d’entre eux possède de nos jours une production exclusive pour les fêtes de la nativité. En voici quelques exemples : la « Delirium Tremens » (10%) de la brasserie Huyghe, « Bush de Noël » de la Brasserie Dubuisson (12%) affirmant plutôt un goût caramélisé, la « St-Bernardus de Noël » (10%) de la Brasserie St-Bernardus ou encore une nouvelle venue, la « Grimbergen de Noël » (6,5%) dont les saveurs dominantes sont le caramel et la banane. Cette dernière venue verra le jour en fin d’année 2021 et émane de la nouvelle micro brasserie située à côté de l’abbaye du même nom.
Les épices jouent un rôle primordial dans la saveur des bières et se révèlent gustativement toujours dans la conclusion de la dégustation. Parmi les bières de saison précisons qu’elles ne sont pas des produits événementiels mais circonstanciels, comme les bières de printemps, d’hiver, de Pâques ou tout simplement d’été. Les brassins de Noël comptent parmi les plus alcoolisées, ceci en raison d’une charge de sucres élevés pour la fermentation.

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SOUVENIRS ÉPICÉS !
Déjà au biberon, les petits Belges goûtaient de la bière au travers d’une cuillère ! C’était en réalité un geste de tendresse d’un papa ou d’une maman. En général il s’agissait d’une bière de table, brune assez souvent, car elle était sucrée. L’une des marques phares était la « Piedboeuf » qui possédait une version blonde (légèrement amère) et l’autre brune (plutôt sucrée). Bien plus tard, et chargé de vitamines D, l’âge adolescent nous a faits découvrir d’autres bières, en général de fermentation basse et relativement faible en alcool (5,2%). Finalement au fil des années, la bière allait connaître son point d’implantation avec de nouveaux types de productions : il y a eu la période des blanches, celle des bières ambrées et genre stout lors de l’apparition des pubs anglais et puis maintenant celles des micros brasseries axées pour la plupart vers des crus bios ainsi que des bières au miel. Ce dernier remplaçant le rôle du sucre nettement plus néfaste.
Parmi celles qui m’ont marquées le plus, je citerai l’Achouffe célèbre pour son accouplement avec l’« Aspérule odorante » et qui donnera à cette bière une touche de gaieté en incorporant sur son étiquette l’image du nain en pleine cueillette de la plante essentielle à la saveur définitive de sa bière. Cela allait lui apporter une conviviale célébrité pour sa petite plante médicinale très parfumée et que l’on cueille fin de l’hiver dans les forêts des Fagnes. Elle s’inscrit aussi comme matière première de la recette du « Maitrank » au Grand Duché du Luxembourg, servie au mois de mai et qualifié de l’apéritif le plus gai du Monde !
DES PARCOURS PARALLÉLES.
Ce n’est pas dû au hasard que les épices soient présentes au travers de nombreux produits alimentaires ou boissons. Je mettrai tout d’abord l’accent sur les boissons édulcorées tels que des limonades où là carrément le consommateur sert de cobaye ! Les vins ne sont pas exempts de culpabilités avec le contenu spécifiant la présence de sulfites ce qui somme toute est honnête de la part du producteur mais n’oublions pas que cette mention est légalement obligatoire.
Dans le domaine des bières, il n’existe pas (encore) de législation spécifique pour l’utilisation des épices. Cependant les étiquettes doivent mentionner quels types de suppléments ont été ajoutés aux brassages, surtout auprès des bières noires, dans lesquelles interviennent des réglisses dangereuses pour les personnes présentant une allergie à ces types d’ajouts.

LE PLAISIR DE LA DÉGUSTATION.
Longtemps figés dans son cocon, l’amateur de bière n’a que trop peu savouré le plaisir de sa bière à une terrasse ou dans un établissement de l’HORECA, durant cette pandémie de 2020/2021.
Par excellence la bière est une boisson conviviale et se déguste entre amis, au cours d’une toujours agréable atmosphère très détendue. Il est très important de pouvoir déguster ce breuvage dans son verre approprié, faute de quoi la saveur prend une autre option que ce soit au travers d’une mousse plus discrète ou encore lors des dernières gorgées dans lesquelles souvent la lie se dans le fond du verre et peuvent entraîner des effets secondaires au niveau des intestins ! Pour chaque zythologue que nous sommes inconsciemment tous, l’esthétique d’un verre spécifique, redoublera plus encore nos sensations olfactives.
Il ne faut pas non plus en faire une obsession qui pourrait induire votre appréciation en erreur. La bière dans son verre est quasi à chaque fois, une œuvre d’art en soi. Au plaisir des yeux, s’ajoutera celui d’une dégustation précise. Son verre adéquat a été inspiré à la fois pour l’esthétique de la bière qui y sera versée, mais aussi afin que vos sens décèlent déjà les secrets qu’elle peut vous dévoiler. Les épices se font ressentir dès que la bière émane de sa bouteille, mais comme le montre le schéma ajouté à cet article, ses parfums et arômes se dévoileront suffisamment tôt que pour vous charmer. Si vous opter pour une deuxième tournée et que vous vous portez vers une autre bière, changez votre verre car d’autres arômes apparaitront
L’un des atouts majeurs de la bière et de ses épices, est qu’il n’est pas nécessaire de ne se concentrer que sur votre verre, car c’est ce qui fait le propre d’un amateur de bière.
Je clôturerai par ailleurs cet article par une citation qu’un homme politique belge, et dont je tairai le nom, m’a faite un jour au cours d’un entretien dans un petit café de son village. Au moment où je lui ai demandé quelle était la différence majeure entre un amateur de vin et un amateur de bière. Sa réponse a été immédiate : « Un amateur de vin s’adresse à son verre, tandis qu’un amateur de bière, s’adresse à son voisin ! ».
Preuve s’il en est que la bière et ses épices sont conviviales jusqu’au calice !
Un adage propre à son breuvage.
Quoiqu’il en soit, la règle générale reste cependant une bière brassée avec savoir, se déguste avec sagesse !
Christian DEGLAS.

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