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Aux enfants, Palou distille le virus des histoires

29 octobre 2020
par  Pascal Belpaire
( Presse écrite , Le virus des héros comme des gens ordinaires )

Depuis sa maison cocoon en Ardenne, Pierre-Eric Leclercq répand un virus qui distrait les enfants, accompagne les parents et réchauffe les cœurs. Le prof de français à la retraite n’a pas raté un rendez-vous quotidien depuis le 25 mars dernier : à 9h tapantes, son histoire du jour des « Lectures de Palou », est en ligne sur la chaîne Youtube qu’il a créée lors de ce printemps confiné.

Il y a les questions auxquelles on n’aurait pas forcément pensé : « De quelle couleur sont les bisous ? » Celles auxquelles on peine à trouver les mots qu’il faut pour y répondre : « Comment soutenir son papi qui perd la mémoire ? » Ou celles, a priori farfelues, qui font sourire dès qu’on les pose : « Et si, plutôt qu’un chien, tu adoptais un lion ? »

Avec les histoires qu’il enregistre en vidéo, Pierre-Eric Leclercq a réponse à tout. Y compris lorsque le sujet se fait plus délicat. Il sait déjà que le 2 novembre, pour le 228e numéro, il abordera le thème de la mort et de l’euthanasie. Pour les enfants ? « Oui, j’ai eu un coup de cœur pour l’histoire, pleine de poésie, d’une vieille poule qui est aimée de tous dans son poulailler, mais qui est malade et décide de s’en aller… » Comme Palou sera doux dans la voix mais grave dans le thème ce jour-là, il préviendra les parents au préalable. « Je leur conseillerai de regarder la vidéo avec leurs enfants pour pouvoir en discuter ensuite, ou même de ne pas la diffuser s’ils ne sont pas en accord avec son contenu. »

Papi-lecteur sans frontières

S’il n’y avait pas eu le confinement, Pierre-Eric Leclercq ne serait jamais devenu un papi-lecteur sans frontières. Souffrant de la séparation de ses petits-enfants Julie, Pablo et Samuel, il a commencé à se filmer racontant des histoires et à leur envoyer les petites vidéos via Dropbox. Sa fille en a parlé sur Facebook, dans un groupe consacré à la pédagogie active, sur le thème « comment garder le contact entre les grands-parents et les petits-enfants ». Et le virus s’est très vite répandu : en quelques jours à peine, le système artisanal s’est avéré insuffisant. Sur les conseils et avec l’appui d’un ami, il a lancé sa propre chaîne Youtube. Elle compte aujourd’hui 1400 abonnés, dont un noyau de 100 à 150 fidélissimes qui la suivent quotidiennement.

Avec un tel succès, Palou ne pouvait pas se taire et fermer la caméra de son smartphone quand vint le déconfinement. « Je ne cours pas après les chiffres d’audience, mais il y a un vrai public avec lequel le lien est très fort. Je reçois régulièrement des témoignages de parents, des photos et des vidéos d’enfants qui regardent mes histoires. » Certains retours l’émeuvent particulièrement, comme ceux de parents d’enfants handicapés ou en mauvaise santé qui lui décrivent le bien que la lecture de Palou procure à leurs enfants. Une Niçoise lui a expliqué que son petit garçon hyperkinétique est apaisé par la voix du conteur et qu’elle lui diffuse ses vidéos plusieurs fois par jour. Car la diffusion est évidement internationale : « Le plus assidu de mes spectateurs a 4 ans et il vit en Afrique du Sud, à Cape Town, avec ses parents qui sont Belges d’origine. » Il y a aussi cette petite Londonienne de 6 ans, fille d’une maman belge, qui pratique ainsi chaque jour la compréhension du français.

Des parents regardent « Les lectures de Palou » avec leurs enfants, mais ce n’est pas la majorité. Dans certaines familles, c’est devenu un moment de calme pendant la préparation du souper ou un rituel à l’heure du coucher. Pierre-Eric Leclercq devient alors le papi supplémentaire. Ou parfois unique, quand les grands-pères sont décédés. 

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Le producteur d’histoires a deux semaines d’avance

Sa bibliothèque personnelle d’une cinquantaine de livres pour enfants s’est rapidement révélée insuffisante. Dans un premier temps, des mamans de son village de Marcouray l’ont dépanné, lui ont amené des livres qu’elles aimaient raconter à leurs propres enfants. Ensuite, Pierre-Eric s’est organisé. Une fois par mois, la bibliothèque de Hotton lui prépare une trentaine de livres. Sur quels critères ? « Je suis d’abord attentif à la qualité des illustrations et à la longueur du texte. Il faut que cela soit joli, intéressant et que la lecture dure entre 4 et 8 minutes. » Quant aux thématiques, elles touchent un jour les enfants de 3-4 ans, un autre jour ceux de 7-8 ans, allant des conseils pour bien se brosser les dents au problème de l’eau en Afrique en passant par la protection des animaux.

En réserve, le producteur a désormais quinze jours d’avance. Ses histoires sont déjà encodées et programmées pour être diffusées chaque matin à 9h pile dans les deux semaines qui viennent. « Si je devais m’absenter ou si j’avais un problème de santé, les lectures de Palou continueraient. » Méthodique mais flexible, il est toujours prêt à modifier son planning de diffusion pour insérer une vidéo à la date précise de l’anniversaire d’un enfant. Car le service, autant que possible, reste personnalisé.

Lui qui a passé sa carrière de professeur de français à l’athénée royal de Vielsalm a toujours essayé de partager avec ses élèves sa passion de la lecture et de la langue française. Le confinement et ses petits-enfants lui ont offert de répandre ce plaisir bien au-delà de tout ce qu’il aurait pu espérer. Il découvre aussi l’impact de la médiatisation. « L’autre jour, quand je suis allé faire changer les pneus de ma voiture, le vendeur m’a dit : c’est pas vous qu’on voit à la télé ? »

Découvrez la chaîne YouTube "Les lectures de Palou".

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