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A Gaza, l’appréhension des réfugiés qui dépendent de l’aide américaine

18 novembre 2020
par  Wilson Fache
( Radio , Tout... sauf le virus ! )

Qui deviendra le prochain président des Etats-Unis ? Une chose est sûre, l’avenir du Proche-Orient s’en trouvera forcément affecté. De fait, l’un des dossiers sur lequel Donald Trump a été le plus actif pendant son mandat fut le conflit israélo-palestinien. Son bilan dans la région donne le vertige : Mai 2018, inauguration de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Mars 2019, reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan. Janvier 2020, dévoilement de son plan de paix pour une solution à deux Etats. Septembre 2020, signature à la maison blanche des accords de normalisation entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn. Octobre 2020, annonce d’un accord entre l’Etat hébreu et le Soudan. Et en parelle, une pression maximale sur les Palestiniens pour les forcer à la table des négociations. Une pression qui s’est notamment traduite par l’arrêt net des financements américain à l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés Palestiniens. Une catastrophe pour les familles qui dépendaient de cette aide alors que les Etats-Unis finançaient à eux seul un tiers du budget de cette agence. Cette réduction de l’aide s’est particulièrement fait ressentir dans la bande de Gaza.

Fathia Okacha passe le plus clair de son temps assisse devant l’entrée de sa modeste maison, à l’ombre d’un citronnier. Sur le pas de sa porte, elle joue avant ses petits-enfants ou observe les passants. Saisons après saisons, années après années, Fathia vieillit en exil. Ses joues ridées sont pourtant presque toujours habillées d’un sourire.

« Je suis né dans le camp de Jabalia. J’ai 65 ans et j’ai été mise au monde dans une clinique de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. »

Le village de ses parents a été détruit en 1948. Une « guerre d’indépendance », selon les Israéliens. Un « nettoyage ethnique », pour les Palestiniens. Comme des milliers d’autres familles, la sienne avait alors trouvé refuge dans la bande de Gaza. 72 ans plus tard, ils sont toujours là.

Ce statut de réfugié confère à Fathia Okacha une aide de l’UNRWA, l’agence des Nations Unies dédiées aux Palestiniens. Mais voilà qu’en 2018 le président américain Donald Trump décide de couper le soutien des Etats-Unis à cette organisation. Avec pour conséquence d’appauvrir les familles qui dépendent de ce soutien pour survivre. Jusque-là, les États-Unis étaient le premier donateur de l’agence onusienne. Une organisation qui vient en aide à des millions de Palestiniens réfugiés au Liban, en Syrie, en Jordanie et dans les Territoires Palestiniens, dont la bande de Gaza.

« Il faut être patient. Les coupons de l’UNRWA nous aident un peu mais ce n’est pas suffisant. Ils ont réduit l’aide qu’ils nous donnent. Maintenant, on reçoit seulement de la farine et de l’huile de cuisine. Nous espérons que Dieu va intervenir et remplacer Donald Trump car la situation ne fait qu’empirer. Maintenant, même les gens qui ont un travail ont quand même besoin de l’aide de l’UNRWA car les salaires ne sont pas suffisants. Il y a beaucoup de familles ici qui n’ont aucune source de revenus et qui dépendent principalement de l’ONU. Trump tente par tous les moyens de renforcer Israël. A l’écouter, le mot « refugié » n’existe pas. Nous sommes tous plus mal lotis qu’avant, nous espérons donc que quelqu’un viendra remédier à la situation. »

Cette réduction du budget de l’UNRWA coïncide avec une pandémie qui a un impact socio-économique désastreux sur une population déjà très vulnérable.

Adnane Abou Hasna, porte-parole de l’UNRWA dans la bande de Gaza.

« Personne ne peut remplacer les Etats-Unis car ils ont été notre principal donateur pendant plusieurs décennies. Cet arrêt des financements a provoqué une augmentation du taux de pauvreté, et le nombre de chômeurs a rapidement explosé. Ça a également affecté la distribution de colis alimentaire alors que notre agence nourrie un million de personnes à Gaza. Nous espérons que la prochaine administration va rétablir son soutien financier à notre organisation. C’est dans l’intérêt de tout le monde. C’est dans l’intérêt d’Israël et des pays qui accueillent les réfugiés palestiniens. C’est important pour la stabilité au Moyen-Orient. C’est important pour tous les acteurs, et surtout pour les réfugiés qui attendent une solution juste à leur cause.  »

Yoursi Darwich est un membre de l’OLP, l’Organisation de Libération de la Palestine. Il suit les élections américaines avec attention, mais il ne se fait pas d’illusion. Quel que soit le résultat, demain des millions de Palestiniens seront toujours des réfugiés.

« Donald Trump a chamboulé le système international d’une telle manière que la justice et le respect des droits de l’Homme ne veulent plus rien dire. Il a défendu Israël corps et âme et personne d’autre. Biden viendra peut-être le remplacer, mais je ne pense pas que la politique américaine à notre encontre sera fondamentalement différente avec une autre administration. Mais qui sait, ce sera peut-être un peu moins pire que sous Trump. »

Pour de nombreux gazaouis, chaque aspect de la vie dépend de l’aide humanitaire. Nourriture, santé, logement. Et puis il y a bien sur l’éducation des plus jeunes. Fathia Okacha a deux petits-enfants qu’elle espère voir faire de grandes études, malgré leur statut de réfugié.

« L’éducation est plus importante que tout. Ici, toutes les familles ont minimum 3 enfants en âge d’aller à l’école. Comment les éduquer s’il n’y a pas d’argent ? Comment les éduquer si on a à peine de quoi les nourrir ? Tout le monde devrait protester contre cette situation. »

A l’ombre du citronnier, Fathia surveille du coin de l’œil son petit-fils Nour, occupé à jouer avec d’autres enfants. L’avenir de cette famille dépendra des urnes. Non pas ici à Gaza, mais par-delà la méditerranée et l’océan atlantique. Bien malgré eux, le destin de nombreux palestiniens est entre les mains du prochain locataire de la Maison Blanche.

Wilson Fache et Youssef Hammash

A Gaza, l’appréhension des réfugiés qui dépendent de l’aide américaine
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