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« 53 Demains », la crise du covid aux confins du confinement

3 novembre 2020
par  Eric Cornu
( Presse écrite , Le virus de l’art )

La crise du Covid et le confinement du printemps 2020 n’ont pas désarçonné la Maison Culturelle de Quaregnon. La création, l’écriture, l’animation sont restées de mise, mais à distance. En est sorti un enthousiasmant recueil, « Cinquante-trois demains ». A l’heure où l’inquiétude des lendemains de la culture est restée intacte.

Mars 2020. La crise du Covid-19 fait rage. Le confinement est la triste réalité. Crainte, protection, sécurité, experts, ministres, conseils de sécurité, contamination, hospitalisation, danger, mort… Le monde change sa réalité. Le sport rentre au vestiaire. Le théâtre ferme ses portes, le restaurant, le café, la salle de sport, le musée, la maison culturelle, l’école… aussi. L’entreprise télétravaille. C’est l’isolement face à un ennemi invisible, insipide, incolore, inodore.

La Maison Culturelle de Quaregnon, au cœur du Borinage, réagit très vite. On ferme, certes, mais on reste ouvert sur les réseaux sociaux, on continue à rayonner, à faire rayonner la Culture, pour se projeter dans un monde meilleur, même virtuel. Fleur Sizaire est la jeune directrice de la Maison culturelle, où elle a pris ses fonctions après une épanouissante collaboration avec les équipes de Mons 2015. Fleur refuse le confinement sec. Elle réagit. « Nous sommes à la mi-mars. On apprend qu’on doit fermer la Maison. On ne se rend pas vraiment compte de la gravité de la situation », se souvient-elle. « Tout notre programme est annulé jusqu’à nouvel ordre. Je refuse de rester les bras croisés, à ne rien faire, à attendre. Je contacte Daniel Charneux, écrivain et président de notre conseil d’Orientation. Nous réfléchissons à des ateliers d’animation en ligne. Le projet est vite lancé. »

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Fleur Sizaire
© Eric Cornu

La première animation proposée par Charneux sur la page Facebook de la Maison culturelle est un atelier autour du Haïku, poème court qui trouve son origine au XVIIe siècle au Japon, qui, surtout, favorise le lien social. « Le succès est au rendez-vous, quelque 70 internautes nous rejoignent avec leurs Haïkus sur notre page Facebook. Deux auteurs rejoignent Daniel Charneux pour animer les ateliers quotidiens, Fideline Dujeu et Jérémie Tholomé. Nous sentons en effet qu’on le confinement ne se limitera pas à quelques jours. Des animations artistiques seront proposées parallèlement aux ateliers d’écriture. Le but est de créer avec ce qu’on a sous la main à la maison et de proposer ses travaux sur notre page Facebook. » 53 ateliers virtuels seront ainsi proposés entre le 17 mars et le 8 mai. 53 jours… comme le livre de Georges Pérec, « 53 Jours », roman inachevé et publié à titre posthume en 1989.

Les thèmes d’atelier se sont succédé sur la page de la Maison culturelle… « Je me souviens… », « Le Dico du Covid », « Et après… ? », « Faites parler la photo », « En mode vintage », « Flou artistique, « Le monde d’après, « Portrait du quotidien » … Écrivains, écrivants, créateurs et créatrices d’un jour et de toujours ont pris la plume, le style, le crayon, le papier, les couleurs, les objets, le clavier, pour se lâcher, se libérer, sortir de morosité, penser au lendemain, enfiler les mots comme des perles sur le fil de l’instant. La production a été riche, étonnante, colorée, plurielle, confinée, certes, mais pleine d’espoir et de perspectives. « Un proche de la Maison culturelle m’a contactée au terme des 53 ateliers pour me proposer d’éditer un recueil reprenant une sélection des productions reçues. Ça a donné ce livre édité aux Éditions Pyramides noires « Cinquante-trois demains. Image et messages aux confins du confinement. »

La vie culturelle a repris à Quaregnon, après le confinement du printemps. « Nous avons remodelé notre budget en fonction de ce qui s’était passé, nous avons recalibré nos jauges, nous n’avons pas poursuivi avec les projets plus chers et donc plus risqués et nous en avons profité pour mettre l’accent sur notre concept d’art citoyen dans l’espace public, ce qui permet de travailler dehors et de nous adapter aux mesures sanitaires. Pour les contrats artistiques qui étaient engagés, nous avons essayé de reporter les spectacles, quand c’était possible, et, dans le cas contraire, nous les avons honorés. En tout, nous avons perdu 13 dates sur une cinquantaine. Nous avons géré au mieux avec nos moyens. En tant que Centre culturel, nous ne nous pouvons pas donc nous plaindre. Nous avons eu la chance d’avoir des subventions garanties, des subventions à l’emploi. En revanche, la réalité du premier confinement est que le secteur de la Culture a été abandonné et, si on touche à un maillon de la chaîne de ce secteur, tout le monde est finalement impacté. Et on ne sait pas où on va. Je pense que tout le monde tombe un peu de haut aujourd’hui. Est-ce qu’on doit se dire que ce ne sera plus jamais comme avant et qu’on finira par oublier les grandes formules en salle, les festivals … ? Je n’ose pas l’imaginer, même si je pense qu’on est obligés d’y penser quand même… »

Octobre 2020. La crise sanitaire a repris vigueur. L’inconnue des « demains » est restée totale.

www.maisonculturellequaregnon.be

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